Entretien avec l’artiste peintre souiri Hamza Fakir : Les couleurs de la vie


Propos recueillis par ALAIN BOUITHY
Samedi 31 Octobre 2009

Entretien avec l’artiste peintre souiri Hamza Fakir  : Les couleurs de la vie
Sa rigueur et le sérieux de son travail lui valent respect et considération de ses pairs. Normal, Hamza Fakir est un artiste exceptionnel dont les œuvres traduisent au premier regard l’esprit créatif qui le caractérise et l’exigence qu’il y met. Le «Rouge», le «Bleu», les «Mouettes» et l’«Arbre» sont autant des registres qui dominent une carrière artistique fortement inspirée de sa culture souirie. Et que l’on retrouve de façon quasi obsessionnelle dans toutes ses
compositions. Artiste autodidacte, Fakir est un peintre surréaliste qui vit et travaille à Essaouira.

Libé: Trois périodes ont marqué votre carrière artistique : le « Rouge », le « Bleu » et les « Mouettes ». Des étapes à chaque fois imprégnées de votre ville : Essaouira.

Hamza Fakir : Effectivement, on retrouve dans ces trois périodes des compositions fortement inspirées de ma culture souirie. Ce qui me parait logique, car j’estime qu’un artiste doit s’inspirer de son environnement. Et dans mon cas, de la ville où j’habite. Il faut aussi reconnaître à Essaouira un certain charme qui a séduit et inspiré bien d’artistes de renom. Ces artistes ont produit des chefs-d’œuvre dont les thèmes s’inspiraient de la ville d’Essaouira où ils ont vécu. Sans vouloir me distinguer, je pense qu’il n’y pas à chercher son inspiration ailleurs dès lors que votre ville vous en offre.

Que représentent ces trois périodes?

Ces trois périodes ont donné le rythme à mes compositions. Le rouge est une couleur très attachée à la culture gnaoua qui a marqué mon enfance. Laquelle a été bercée au son du guembri. Je me suis donc inspiré des signes des gnaouas, transes et de cette couleur qu’on retrouve dans leurs pratiques rituelles et les tenues vestimentaires. C’est aussi la couleur du sang.
La période dite « Bleue » évoque l’espace marin et la ville d’Essaouira où prédomine cette couleur. Je suis surréaliste et j’apprécie beaucoup les œuvres de Salvador Dali. Les mouettes également à ceci de différent qu’elles traduisent la liberté.

Vous avez complètement changé de registre et opté pour l’arbre comme source d’inspiration. Pourquoi l’arganier et non l’olivier, par exemple?

C’est effectivement un travail bien différent de ce que je faisais jusqu’alors. L’arganier attire désormais toute mon attention, c’est un bel arbre «sacré» avec une morphologie et des tiges intéressantes. Qui renvoient une image sombre et évoquent en même temps l’environnement. C’est une espèce dont j’apprécie le caractère « sauvage », contrairement à l’olivier qui m’attire moins en termes d’inspiration.

De nouvelles périodes sont-elles en vue?

Pour l’instant non. D’autant que je n’ai pas encore exposé sur le travail actuel, c’est-à-dire sur mon nouvel objet d’inspiration qui est l’arganier.

En jetant votre dévolu sur l’arganier, ne risquiez-vous pas de tomber dans cette espèce de mode du fait que cet arbre est sous les feux des projecteurs ?

Pas du tout. D’autant plus que cet intérêt n’est nullement dicté par une quelconque mode. L’arganier existe depuis la nuit des temps. On le trouve autour d’Essaouira et sur l’axe Marrakech-Agadir. Certes je m’en suis inspiré il y a deux ans seulement, parce que je n’y ai jamais fait attention. Mais j’ai toujours été charmé par cet arbre, notamment par ses caractéristiques que j’ai évoquées tout à l’heure. J’aime tout ce qui choque et attire. Et cela je le retrouve dans l’arganier. Ceux qui l’on approché vous diront qu’il est aussi angoissant.

Le passage du « Rouge » à l’ «Arbre » s’est fait en quatre étapes et plusieurs années. Quand décidez-vous de passer d’une période à l’autre?

C’est instinctif. Cette évolution s’est construite naturellement au fil des années. Il m’est arrivé autrefois de travailler sur l’abstrait, de jouer avec les couleurs. Mais dans la phase actuelle, je peux dire que je me suis vraiment imprégné de l’arganier. Je suis plus influencé par l’objet de mon inspiration.

Vos registres sont au final très liés à l’environnement. Serait-ce votre véritable créneau ?

Je ne pense pas. Il se trouve que je vis dans un environnement qui m’offre la mer, les mouettes, la médina, les remparts, les couleurs des transes, des traditions comme les Lilas que j’ai connues depuis mon enfance.
J’estime qu’il n’y pas lieu de chercher des thèmes ailleurs tant il y en a chez nous. De grands artistes ont vécu à Essaouira et laissé de chefs-d’œuvre dont s’inspirent d’ailleurs de nombreux jeunes artistes comme moi. J’apprécie énormément leur travail comme celui de Ruggero  Giangiacomi qui est mort à Essaouira. Ceci pour dire que le poète vit de son entourage.
 J’espère exposer en 2010 à Essaouira, mais aussi en France et certainement en Belgique.

Quel est l’artiste marocain dont vous appréciez le plus les œuvres ?

J’apprécie tout particulièrement l’artiste Mahi Binebine, sa personnalité et la qualité des expositions qu’il monte à l’étranger. Il me rappelle la personnalité d’un grand artiste, que j’aime bien : Kacimi.

Un dernier mot ?

Essaouira est un espace d’inspiration par excellence. Vous avez les Gnaouas, mais aussi la mer, les mouettes, l’arganier et bien d’autres choses. Je pense qu’un artiste ne devait pas se figer : il doit continuellement évoluer. Et cette ville offre autant d’occasions d’avancer.


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