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Entretien avec Maâlem Hassan Boussou : « J’ai toujours veillé au côté authentique et spirituel de la musique gnaoua »


Propos recueillis par Alain BOUITHY
Mercredi 7 Septembre 2011

Entretien avec Maâlem Hassan Boussou :  « J’ai toujours veillé au côté authentique et spirituel de la musique gnaoua »
Elevé dans la pure tradition gnaouie, maâlem Hassan Boussou fait partie de la nouvelle génération des gnaouas qui s’est donnée pour mission de porter haut les couleurs de la musique gnaoua à l’étranger. Le jeune musicien, fils de feu maâlem H’mida Boussou, est un fin spécialiste des fusions.
 
Libé : Comment perçoit-on la musique gnaoua en France où vous êtes installé? A-t-elle une place appréciable sur la scène française?

Hassan Boussou : On peut dire que la musique gnaoua gagne du terrain en France. De grands artistes s’y intéressent de plus en plus : ils poussent toujours plus loin leur curiosité pour mieux comprendre et apprécier toute sa richesse. Cela dit, il n’est pas facile pour une personne non initiée aux croyances et rites des gnaouas de comprendre à sa juste valeur cette tradition. En tant que musicien gnaoua, il est de mon rôle d’expliquer au public le côté spirituel de la musique et lui faire comprendre que ce sont deux choses différentes, par exemple.

Vous faites partie des jeunes musiciens de la scène gnaoua. Quel conseil vous donnent souvent vos aînés?

Toujours faire preuve d’ouverture d’esprit. J’ai eu la change de suivre ma formation auprès de mon père, feu maâlem H’mida Boussou, mais une fois celle-ci terminée, je devais trouver ma voie. Donc, s’ouvrir à d’autres et voyager,  parce que cela fait partie intégrante de la formation et des traditions gnaouies. Un gnaoua est un griot en arabe, il doit aller de village en village, de ville en ville pour rencontrer d’autres gnaouis et assister à des pèlerinages… C’est ainsi qu’il va s’inspirer, s’enrichir et avoir un excellent bagage musical et spirituel.

Vous avez une riche expérience des fusions. Y a-t-il un genre musical plus adapté à la musique gnaoua?

La musique gnaoua est une musique-mère, une musique de base comme le sont le blues et le jazz que l’on retrouve dans plusieurs styles de musique. Vous avez toujours du jazz, des rythmes noirs et des mélodies africaines dans d’autres musiques. La musique gnaoua est du même registre. A de nombreuses occasions, j’ai entendu des musiciens me dire, à chaque fois que je me mettais à jouer du guembri, que j’étais un jazzman ou un bluesman. Preuve que la musique gnaoua est la musique-mère.

Est-ce facile de fusionner cette musique avec d’autres venant d’univers complètement différents?

Il n’y a vraiment pas de difficulté particulière. Dès lors qu’on est ouvert aux autres, curieux et qu’on a la volonté d’explorer d’autres musiques et surtout que celles-ci vous intéressent vraiment, on finit par trouver ce que l’on cherche. Bien sur que derrière toute chose, il y a un travail à faire.

C’est tout de même un challenge artistique difficile à relever. Comment faites-vous sans pervertir l’âme de la musique gnaoua?

J’ai appris beaucoup de choses de base et chaque fois que je suis appelé à collaborer avec un artiste d’un autre univers musical, je veille à respecter le côté authentique et spirituel de ma musique : je n’y touche pas, je ne le transgresse pas et cela est connu de tout le monde.
Ceci dit, je suis un musicien avant d’être un maâlem même si je joue de la musique et un répertoire gnaoua avec ses instruments. Pour moi, ces instruments sont comme une guitare basse.
 Du moment que l’on ne s’intéresse pas aux  volets rituel et religieux, j’estime que la musique reste la musique. Par conséquent, on peut s’exprimer, partager, échanger…

Serait-ce la vision de la nouvelle génération de maâlems?

Je pense tout simplement que chaque chose prend un chemin différent: on ne prépare pas de la même manière une cérémonie spirituelle comme on organiserait un concert ou une rencontre musicale. Si au Maroc, je porte le titre de maâlem, à l’étranger je suis le musicien Hassan Boussou, rien d’autre.

Vous étiez en résidence artistique avec la formation Jazz-Racines Haïti lors du dernier Festival gnoaua. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans cette fusion?

Ce qui m’a vraiment marqué, ce sont cette spiritualité et cette manière dont Jacques Schwarz-Bart (leader de la formation Jazz-Racines Haïti) m’a présenté les choses avant de rencontrer Jean-Baptiste Gaston dit Bonga (maître des tambours racines) et Erol Josué (prêtre du culte vaudou haïtien). On m’a d’abord beaucoup parlé de spiritualité, de choses touchant à leur religion dont certaines ont un lien commun avec la nôtre.

On pourrait dire que deux esprits se sont retrouvés?

Je dirais plutôt plusieurs esprits : nous étions deux sur scène, mais au-dessus de nos têtes et tout autour de nous, on pouvait ressentir la présence des esprits.

Que gagne-t-on dans une telle collaboration?

J’ai trouvé chez Jacques et ses musiciens cette envie de comprendre. On a donc partagé beaucoup de choses qui nous ont édifiés, hormis la musique et les instruments.
Je sais désormais plus de choses sur le vaudou, sur  les croyances et le côté spirituel de leur musique mais aussi quelques rituels tels que pratiqués au sein de leur église. S’il devait y avoir un lien avec la tradition gnaoua, c’est sans doute ce côté spirituel et les rites qui accompagnent notre art. Cela m’a donné très envie de continuer dans cette voie, d’approfondir mes connaissances sur la culture des autres, de découvrir plus et évidemment de jouer plus.

Avec quel artiste aimerez-vous collaborer à l’avenir?

Franchement, je n’ai pas de préférence. Pour tout vous dire, j’aimerais collaborer avec tous les artistes du monde, qu’ils m’invitent ou que je les reçoive. J’aime toutes les musiques du monde : qu’elles soient africaine, américaine etc. J’ai une oreille attentive à tous les rythmes, même si, bien entendu, j’ai un goût personnel.

Y a-t-il une scène où vous aimeriez jouer ou promouvoir la musique gnaoua?

Toutes les scènes, à commencer par celles du Maroc. Je souhaite participer à tous les événements culturels organisés au Maroc. Car, c’est de notre rôle et de notre responsabilité d’y prendre part et donc d’être là. Fort heureusement, on trouve déjà une touche gnaouie dans les grands événements comme le Festival d’Essaouira, Mawazine ou encore Timitar.

Quels souvenirs du Maroc vous manquent le plus?

La vie d’un musicien gnaoua en France ressemble à celle de tout artiste. Ce qui me manque le plus, c’est cette atmosphère très particulière qu’on ne trouve que chez nous : le thé à la menthe, l’encens et ma troupe qui me complète. Mais je fais avec.


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