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Entretien avec Habib El Malki, membre du Bureau politique de l’USFP : “Ne pas terminer l’année sur un sentiment d’inachevé”


Propos recueillis par Narjis Rerhaye
Vendredi 10 Avril 2009

Entretien avec Habib El Malki, membre du Bureau politique de l’USFP : “Ne pas terminer l’année sur un sentiment d’inachevé”
Les sorties médiatiques de Habib El Malki sont plutôt rares. Et quand ce dirigeant politique choisit de sortir de son silence, la langue de bois n’est jamais au rendez-vous. Gestion politique de la crise économique, test des élections communales mais aussi la position de l’USFP au sein du gouvernement Abbas El Fassi et les 10 ans de règne deMohammed VI,  El Malki fait le point. Sans concessions et en toute objectivité.

Libé: A l’aune de la crise financière internationale, comment décririez-vous la situation politique et économique du Maroc ? Comment le Maroc résiste-t-il politiquement et économiquement ?

Habib El Malki : 2009 sera une année difficile car elle sera marquée par trois principaux dossiers : les élections, le dialogue social et les incidences de la crise économique mondiale. Pour toutes ces raisons, 2009 doit être une année de mobilisation nationale pour créer une nouvelle dynamique afin d’éviter les déceptions récentes liées aux dernières élections législatives et de ne pas terminer l’année sur un sentiment d’inachevé. Pour cela, il faut aller au-delà du traitement technique de ces trois dossiers. Nous avons les moyens de relever tous ces défis, s’il y a une clarté de la vision et si, en même temps, on a la capacité de convaincre.

Etes-vous en train de dire que les grands dossiers économiques doivent être gérés politiquement ?

La gestion de la crise économique mondiale ne doit pas privilégier la dimension technique. Il faut une approche politique de ces problèmes. C’est ce que font les grands dirigeants des pays industrialisés.

Est-ce le cas au Maroc ?

Non. Le Maroc est touché par la crise. Plusieurs indices très significatifs le montrent : tourisme, immobilier, report ou annulation de certains grands projets infrastructurels, réduction des envois des Marocains résidant à l’étranger, licenciements importants dans le secteur du textile. Le Maroc n’est pas une île. Nous vivons un temps mondialisé et heureusement pour nous, le degré d’ouverture de l’économie marocaine est faible. Paradoxalement, c’est une forme de protection.
Le traitement politique de la crise implique la mise sur pied d’une stratégie économique globale. L’existence de différentes politiques sectorielles ne fait pas la stratégie. C’est pour cette raison que la gestion par secteur, en solitaire, ne peut pas conduire véritablement à bon port. Il faut que tout le monde embarque sur le bateau Maroc pour prendre la même direction et faire face aux tempêtes présentes et à venir.

Diriez-vous  que le gouvernement Abbas El Fassi a su développer, ou pas, une communication de la crise ?

Une communication à sens unique, qui consiste à rassurer et à dire nous sommes à l’abri de la crise. C’est une approche insulaire très dangereuse. La crise est une réalité mais nous avons encore une fois les moyens de la traiter politiquement dans le cadre d’une vision stratégique.

En juin prochain, les élections communales vont avoir lieu au Maroc. Comment décririez-vous le paysage politique marocain dans l’attente de ce scrutin ?

Le temps politique est conçu dangereusement de manière réductrice. Il équivaut au temps électoral. Les élections constituent un moment privilégié, important dans la vie politique mais il est dangereux de n’exister que par et pour les élections. Le mal qui ronge la vie politique au Maroc, c’est tout pour les élections et rien en dehors des élections. La crise de l’élite est en grande partie subordonnée à cette forme d’impasse actuelle. Il n’y a pas une réflexion stratégique sur les grands problèmes que connaît le Maroc en cette période de mondialisation. Il n’y a pas une accumulation qualitative et forte entre les différentes échéances électorales. C’est pour cela qu’au moment des élections, le comportement de l’élite est un comportement de distance.

Ressentez-vous une fébrilité du paysage politique ?

Une sorte d’activisme limité, sans perspective. La vie politique marocaine a besoin de respirer. Elle ne peut respirer qu’à travers de nouvelles perspectives, c'est-à-dire, mettre en chantier de nouvelles réformes et c’est ce que revendique aujourd’hui l’USFP à travers les réformes à caractère politique et constitutionnel.

Une trentaine de partis environ se présentent aux prochaines élections. Pour vous, c’est un gâchis ou au contraire c’est bien pour la démocratie ?

La balkanisation n’a jamais été bonne pour la construction de la démocratie. Cet émiettement de la vie politique obéit à des logiques qui ne sont pas tournées vers l’avenir mais à des positionnements souvent sans projet. C’est ce qui explique la grande désaffection des citoyens, devenue  une tendance lourde ces 10 dernières années.  La construction de la démocratie impliquera une décantation vers la constitution de véritables pôles porteurs de projets, avec une assise sociale significative.

Comment l’USFP se prépare-t-il à ce scrutin et comment compte-t-il reconquérir ces villes qui étaient des fiefs ittihadis et que le parti a perdus ?

Les élections communales du 12 juin prochain représentent un enjeu existentiel pour le parti.
Ce n’est pas une dramatisation du processus actuel mais tout doit être mobilisé pour éviter une nouvelle crise existentielle au sein de l’USFP.
C’est pour cela que nous avons mis sur pied une véritable stratégie électorale, de manière interactive, en impliquant tous les niveaux de prise de décision, de la base jusqu’aux instances nationales.
Des enseignements des dernières expériences ont été pris en considération. Notre ambition est de reconquérir un certain nombre de villes qui étaient traditionnellement  USFP, telles que Rabat, Fès, Meknès, Casablanca et maintenir les acquis actuels comme des villes phare,  Agadir et Tanger à titre d’exemple.

Avec qui  l’USFP est-il prêt à faire alliance pour ce scrutin ?

Les alliances doivent être propres et non fragiles. Elles doivent répondre aux exigences de notre base électorale. Une alliance ne doit pas provoquer des effets boomerang. Les élections locales ne sont pas un investissement de courte durée. C’est une contribution à la construction de la démocratie locale. Personnellement, je me méfie des alliances préfabriquées.

Donc pas d’alliance avec le diable.

Parfois, le diable existe là où on ne s’y attend pas !

Les communales sont un scrutin local mais l’enjeu est politiquement national. A l’issue de ce cycle électoral, communales, régionales, professionnelles…  un remaniement ministériel s’imposera-t-il de votre point de vue ? L’USFP demandera-t-il un tel remaniement ?

Certainement si au niveau des résultats des élections  locales il y a une nouvelle situation, un nouveau rapport de forces, ceci commandera une réflexion sur la composition de l’équipe gouvernementale actuelle. Je suis de ceux qui disent oui à la stabilité gouvernementale mais non à l’immobilisme. Tout ce qui peut améliorer la performance du gouvernement est plus que souhaitable. Les instances nationales de l’USFP, à différentes occasions, ont souligné que notre parti n’a pas la place qu’il mérite au sein de cet Exécutif.

Les ministres usfpéistes se sentent-ils à l’aise au sein du gouvernement, surtout au lendemain de communiqués du Bureau politique de l’USFP remettant en cause des décisions gouvernementales, comme par exemple les retenues sur salaires de grévistes ? Et que répondez-vous à ceux qui reprochent à l’USFP d’adopter la posture d’un pied dedans, un pied dehors ?

Les ministres qui représentent le parti font un travail de grande qualité. Nos rapports avec le gouvernement n’obéissent pas à des sautes d’humeur ou à des calculs de circonstance. Nous faisons partie de la majorité actuelle et nous tenons à y jouer pleinement notre rôle, mais pas de manière inconditionnelle. Il est sain et positif pour tout le monde de garder une distance par rapport au gouvernement. S’identifier à tout ce que fait le gouvernement est difficilement soutenable sur le plan politique. Mais nous avons réussi à convaincre nos alliés, principalement l’Istiqlal, du bien-fondé de cette démarche.
Abbas El Fassi, le premier ministre, admet-il donc plus facilement d’avoir mal à sa gauche ?
Je crois qu’il a compris que ce ne sont pas là des attitudes dictées par des considérations destinées à affaiblir le travail du gouvernement.
Bien au contraire. Je crois que le message est bien passé. 
Un certain nombre de décisions ont été prises par le dernier congrès de l’USFP, principalement les grandes réformes politiques et constitutionnelles. Une initiative politique a été lancée par votre parti. Beaucoup de rumeurs entourent aujourd’hui cette initiative. On parle de recul, de gel de cette revendication.

Où en êtes-vous par rapport à ce processus ? Quelles sont aujourd’hui les principales réformes à mettre en place ?

Nous sommes tenus de respecter les résolutions adoptées par le dernier congrès. Parmi elles, l’ouverture des réformes à caractère politique et constitutionnel. Il ne faut pas dramatiser ce chantier de réformes, qui n’est pas nouveau. Le parti, avec ses alliés, a pris des initiatives par le passé dans ce domaine. Ce n’est pas dicté par la logique d’intérêts strictement partisans. Nous considérons qu’il y a une accumulation politique très forte depuis 10 ans. Il y a des acquis dans des domaines très divers. Il faut prendre en considération cette nouvelle situation afin que la Constitution marocaine puisse s’inscrire dans ce projet de modernité et de démocratie. Nous sommes prêts. C’est la dernière phase qui consiste à discuter avec nos alliés, principalement l’Istiqlal et le PPS…

Un mémorandum relatif à ces réformes est donc prêt

Absolument !

Si l’Istiqlal et le PPS jugent préférable de reporter cette revendication de réforme constitutionnelle, l’USFP pourrait-il alors y aller seul ?

L’Istiqlal et le PPS sont des partis responsables, fortement attachés à l’alliance qui les lie à l’USFP. Ce n’est pas un problème de calendrier. C’est une initiative politique qui mérite d’être lancée dans la conjoncture actuelle.

Y a-t-il une  limite dans le temps ? Une telle initiative doit-elle prendre corps durant ce mandat gouvernemental ?

Il est plus que souhaitable et dans l’intérêt du pays que cette initiative puisse se concrétiser dans les mois à venir.

Cette année coïncide avec les 10 ans de règne du Roi Mohammed VI. Que dites-vous par rapport à cette décennie qui a inauguré une ère nouvelle ? La monarchie doit-elle lancer une nouvelle génération de réformes ?

Il s’agit d’abord de souligner que Mohammed VI a une vision stratégique, réformatrice des grands problèmes de la société, de l’économie et de la culture au Maroc. Des décisions de portée historique ont été prises dans  ces différents domaines. C’est indéniablement le Roi du changement. Mais le changement est un processus long, difficile, qui se heurte à des résistances. La société marocaine est conservatrice. C’est pour cette raison qu’il faut donner un coup d’accélérateur à la mise en place de ce projet tourné vers la modernité et la démocratie. C’est le sens de l’initiative politique de l’USFP qui consiste à capitaliser ces acquis afin de rendre le processus du changement irréversible. L’accélération du processus du changement est un impératif pour arriver à un certain degré d’irréversibilité.

Vous parlez d’acquis et d’irréversibilité, ce qui me pousse à vous demander votre sentiment sur cette campagne lancée par le ministère de l’Intérieur qui touche à la liberté de culte en visant précisément le chiisme ou encore cette campagne contre l’homosexualité. L’Etat n’est-il pas en train de prêcher sur les terres islamistes ?

La liberté de culte, c’est le prix à payer quand on milite pour une nouvelle société moderne et démocratique. Le problème, c’est comment défendre les fondamentaux d’une Nation tout en réunissant les conditions pour que la citoyenneté marocaine soit pratiquée de manière responsable. Je ne crois pas à la manière forte. L’Histoire montre que la manière forte donne une légitimité par défaut à ce qu’on veut combattre. Il faut y faire face par l’éducation, la formation et le développement de l’esprit critique. Cette campagne n’est certainement pas la meilleure façon d’arrêter l’évolution de la société. La société marocaine se libère. Il y a de moins en moins de sujets tabous. 



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