Entre promesses et attentes: Tout un monde !


Hassan Bentaleb
Mercredi 6 Octobre 2021

Tant de chantiers qui urgent pour un gouvernement qui aura mis du temps avant de voir le jour

Entre promesses et attentes: Tout un monde !
Flambée des prix du pétrole, hausse des prix des matières premières agricoles, crise de Covid-19 qui continue, tensions avec l’Algérie, crise diplomatique avec certains de nos partenaires européens… Telle est la conjoncture économique dans laquelle doit intervenir le prochain gouvernement qui doit affronter également la grogne des enseignants contractuels qui a marqué le quinquennat précédent et des médecins du public qui n’ont pas cessé de multiplier les contestations et les grèves. Sans parler du dialogue social avec les centrales syndicales, interrompu sur fond de désaccords autour de la loi du droit de grève et des syndicats. Cependant, les trois partis majoritaires aux élections du 8 septembre dernier voient grand. Dans son programme électoral élaboré dans la perspective des derniers scrutins, le Rassemblement national des indépendants (RNI) mise sur l’amorçage d’une relance économique post-Covid à travers la création d’un million d’emplois directs. Quant au Parti de l'Istiqlal (PI), il table sur une croissance à hauteur de 4%, une réduction du taux du chômage national à moins de 9% et celui des jeunes à moins de 20%, tout en augmentant les taux d'activité des femmes à 30%. De son côté, le Parti authenticité et modernité (PAM) vise une croissance de 6%, un taux de chômage de 8,5% et la création de 820.000 emplois à l'horizon 2026. Ces projections sont-elles sérieuses ? Comment la nouvelle équipe gouvernementale compte-t-elle réagir face à ces contraintes conjoncturelles ? Qu’en est-il de sa marge de manœuvre ? Les trois partis majoritaires parviendront-ils à honorer leurs promesses électorales ? Le prochain gouvernement incarnera-t-il le changement tant attendu par les Marocains et réussira-t-il là où ont échoué ses prédécesseurs ?

Une morosité qui cache un potentiel
« La hausse des prix de certains produits de première nécessité sur le marché international, conjuguée à un contexte de pandémie et de tensions avec certains de nos partenaires, constitue vraiment des facteurs contraignants pour toute reprise économique. Mais, cette situation morose cache, en réalité, de grands potentiels restés intacts pendant la période du Covid-19 à cause de l’attentisme et du manque de visibilité», nous a indiqué Hicham Attouch, professeur d’économie à l’Université Mohammed V-Rabat. Et de poursuivre : « Le prochain gouvernement aura besoin de vrais meneurs capables de dénicher les meilleures opportunités pour exploiter ce potentiel».

Promesses électorales et réalité politico-sociale
Le prochain gouvernement sera-t-il en mesure de respecter ses engagements électoraux ? « Quelle que soit la couleur politique ou la composition d’un gouvernement, son programme est orienté par les directives du chef de l’Etat qui prend les décisions stratégiques et fixe le cap. Les programmes gouvernementaux s’inspirent souvent de ces orientations déclinées dans les discours Royaux ou dans les lois-cadres. En outre, le prochain gouvernement est appelé à prendre en considération dans ses orientations générales, les conclusions du nouveau modèle de développement », nous a expliqué Hicham Attouch. Et de poursuivre : « Quant aux promesses électorales, elles restent des promesses liées à un contexte électoral précis et perdent leur raison d’être une fois ce contexte achevé. Et c’est la réalité politique et sociale qui prend le dessus. Honorer ses promesses n’est pas facile puisque leur mise en œuvre ne dépend pas uniquement de la volonté de l’Exécutif. Souvent, les décisions gouvernementales ne sont pas faciles à prendre vu les enjeux, les arbitrages et les contraintes que posent certaines d’entre elles. Prenez l’exemple de l’augmentation de la masse salariale, une telle décision ne peut pas être prise sans une augmentation du déficit budgétaire et sans impacter d’autres indicateurs macroéconomiques. Pis, une décision peut bien anéantir l’effet bénéfique d’une autre, comme c’était le cas, en 2011, de la décision du gouvernement Abbas ElFassi d’augmenter les salaires de 600 DH. Une hausse qui a été récupérée par les impôts en 2013 sous le gouvernement Benkirane ».

La reprise dans la continuité
Pour notre source, il faut s’attendre à un gouvernement qui conduira les affaires de l’Etat dans le droit fil des gouvernements précédents sans produire de changements majeurs. « En d’autres termes, il s’agira de la reprise dans la continuité. Même avec la mise en place du nouveau modèle de développement qui demeure incapable de fixer des objectifs stratégiques clairs bien que se présentant comme un ensemble d’orientations qui doivent être déclinées par la nouvelle équipe gouvernementale », nous a-t-il affirmé. Et d’ajouter : « Les trois partis politiques vont certainement faire tourner la machine économique dans les deux années à venir. Et vont assurer une certaine amélioration, ce qui apaisera sûrement le front social mais pas totalement, puisqu’il y aura création de richesses mais pas leur répartition ». Et la composition du prochain gouvernement de trois partis issus de la bourgeoisie ne représente-telle pas un risque (conflit d’intérêts, clientélisme, monopole,…) ? « Le pouvoir a besoin de l’argent et vice versa. En effet, les deux sont indissociables. D’autant plus que la majorité des gouvernements qui se sont succédé dans l’histoire contemporaine du Maroc ont tous été issus de la classe bourgeoise, à l’exception des gouvernements Abdellah Ibrahim, El Youssoufi et Benkirane », précise-t-il. Et d’ajouter : « Le mariage entre le pouvoir politique et le pouvoir financier a toujours existé et cela n’a rien de nouveau ».

Repositionnement
Pour notre interlocuteur, le mot clé, pour que l’économie marocaine s’en sort est son repositionnement. « Aujourd’hui, plusieurs signaux vont dans ce sens comme en attestent la restructuration de l’Etat, notamment son administration et ses établissements publics, l’accélération de la transformation de l’Etat et son repositionnement dans certains secteurs (industrie pharmaceutique et vaccinale), les flux des IDE dans des secteurs stratégiques et à haute valeur ajoutée (armement, automobile…) et enfin l’arrivée au pouvoir d’un exécutif de trois partis politiques issus de la bourgeoise (agricole, industrielle et commerciale) et ayant des connexions étroites avec les milieux des affaires et avec le monde économique », nous at-il indiqué. Et de préciser : « Le Maroc a besoin de se repositionner et c’est le moment idéal pour entamer cette mutation. Sinon, il y a le risque d’une régression, notamment dans un contexte marqué par beaucoup d’aléas au niveau international et par des différends avec certains de nos partenaires. Le Maroc est appelé à opérer le jeu du repositionnement dans la perspective de se transformer en plateforme économique continentale et pour y arriver, il a besoin d’une véritable machine de guerre économique et l’arrivée de la majorité gouvernementale au pouvoir en dit long sur cette perspective». 


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