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En Suisse, le casse-tête du démontage des stations de ski ferméesLibé
Mardi 19 Juillet 2022
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Dans cette vallée reculée des Alpes suisses, une rangée de pylônes de téléphérique rouillés ouvre une balafre vers les sommets, sous le regard indifférent d'une demi-douzaine de vaches à cornes. Ici, le téléphérique est à l'arrêt depuis 2010, lorsque Super Saint-Bernard, la petite station de ski d'une vingtaine de kilomètres de pistes, a mis la clé sous la porte. L'installation proche de la frontière italienne attend un repreneur --ou d'être démontée. "J'aimerais franchement qu'on détruise ça, qu'on le rase" lance à l'AFP Claude Lattion, ancien directeur de la station, résigné. Il rappelle à l'ordre ses deux chiens partis explorer l'ancienne station de départ en ruines, au sol jonché de débris de verre. "Pour le paysage, quand on arrive d'Italie par le col du Grand Saint-Bernard et qu'on voit ça..." Connue pour la beauté de ses paysages et haut lieu des sports d'hiver, la Suisse fait depuis plusieurs années face à la fermeture de petits domaines skiables, qui subissent les difficultés économiques de la branche. La loi exige le démontage des remontées mécaniques désaffectées, aux frais de leur propriétaire. Quatorze installations sont concernées dans le pays, selon l'Office fédéral des transports, responsable d'environ un quart des 2.433 remontées suisses. Reste un cas épineux: si, comme au Super Saint-Bernard, la société exploitant la station fait faillite, le domaine est saisi, ouvrant des discussions pour déterminer qui du canton ou de la commune doit régler la facture du démantèlement. Derrière ces discussions pouvant durer des années, la douloureuse question de l'après-ski alpin, qui a fait la richesse de vallées entières pendant des décennies. "C'est une question qui va prendre une place importante dans le développement politique et économique de la Suisse entière", prédit Gilbert Tornare, maire de la petite commune voisine de Bourg-Saint-Pierre. "Actuellement, la Suisse n'est pas prête à ça." S'il assure "étudier plusieurs solutions" pour "se débarrasser de (cette) verrue", le maire estime les coûtst rop importants pour son village de 200 habitants. Il faudrait entre 1,8 et 2 millions de francs suisses (environ 2 millions d'euros) pour démolir stations de départ et d'arrivée, démonter les pylônes et dépolluer le site,situé entre 1.950 et 2.800 mètres d'altitude. Le canton du Valais, lui, envisage de recourir à l'armée pour limiter les frais. Pour le député des Vert.e.s Christophe Clivaz, l'exemple illustre les difficultés chroniques des petites stations, qui ont "beaucoup de difficultés à trouver du financement", malgré l'apport de subventions publiques. Selon l'expert suisse du tourisme de montagne Laurent Vanat, il est "difficile d'être rentable" pour les stations accueillant moins de 100.000 skieurs par an. Au moment de sa fermeture, Super SaintBernard en attirait 4 à 5 fois moins, pénalisé par sa position isolée, à plusieurs kilomètres du village le plus proche. A cause du changement climatique, d'autres domaines risquent de fermer,souligne M. Clivaz, professeur associé à l'université de Lausanne et spécialiste d'économie touristique en marge de son activité parlementaire. Après avoir interpellé le gouvernement suisse à ce sujet en 2021, il discute actuellement avec les Remontées Mécaniques Suisses (RMS), l'association des professionnels de la branche, de la création d'un fonds de réserve. Le but: "Mettre de l'argent de côté en prévision du démantèlement", qui pourrait également être "réutilisé pour des investissements." Contactée, l'association juge "(qu') il n'est pas nécessaire d'alimenter un fonds en raison du nombre limité d'installations" concernées. Observant du coin de l'oeil le bâtiment ouvert aux quatre vents et couvert de graffitis, M. Lattion évoque sa "tristesse." "Certes, c'est plus exploité mais c'est quelque chose qui pourrait servir." Un jeune entrepreneur local ambitionne de donner une seconde vie au domaine, transformant l'ancienne station d'arrivée en hôtel, accessible par un petit téléphérique. Deux pistes non damées l'hiver, des sentiers de randonnée l'été: un tourisme plus doux, à contre-courant du fonctionnement actuel de l'industrie du ski. Le plan est au point mort depuis cinq ans. "C'est pas vraiment dans l'air du temps de refaire une station de ski", conclut M. Lattion.
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