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Harrassi dans le rôle d'un caïd amnésique. Un spectacle à voir absolument.
Mohamed Elhor donne le tempo dès le lever du rideau. La pièce s’ouvre sur une entrée majestueuse des acteurs avec un arrêt sur une image spectaculaire qui emporte le public dans un voyage mental dans le temps et dans l’espace. Un voyage qui fait pénétrer, à la fois, le passé dans le présent et qui transgresse la loi de l’irréversibilité du temps tout en transformant le cours du temps sous forme d’une boucle.
« El Alwa » raconte l’histoire du caïd Hamou, un amnésique qui a perdu, dans des circonstances indéterminées, sa mémoire et qui vit entre le passé et le présent. La pièce se déroule dans un espace vide et hors du temps, sans repère, sans indice et où le noir domine. L’excellent et l’incontournable Saïd Harrassi, dans le rôle d'un caïd, mène le public dans une ronde nocturne où tous les personnages se confient, se révèlent, se remuent, se cherchent, se répètent, se heurtent aux autres et à eux-mêmes. Ils évoquent l’amour, le plaisir, l’infidélité, le tabou … en faisant appel à un répertoire, riche et varié, embrassant la comédie, le drame, les fantômes en passant par le chant et la dance. Un répertoire qui rappelle celui du théâtre kabuki et oriental omniprésent dans les pièces de Mohamed Elhor. Ce dernier est hanté par le souci de confectionner des scènes bien spécifiques selon une machinerie complexe et extrêmement codifiée. De la gestuelle aux costumes en passant par la tonalité des répliques, le maquillage, le déplacement sur scène, rien n'est laissé au hasard. En fait, Mohamed Elhor puise ses références dans le théâtre d’Antonin Artaud, théoricien du théâtre, acteur, écrivain, essayiste, dessinateur et poète français, qui fait partie des nombreux dramaturges occidentaux qui furent séduits par les spectacles donnés par les troupes japonaises, chinoises ou indonésiennes en tournée en Europe et en Amérique du Nord dans les années 20 et 30 du siècle dernier.
Artaud a été fasciné par le mélange des genres : danse, chant, pantomime, musique, habituellement séparés dans le théâtre occidental. Pour Artaud, un tel mariage d’éléments libère les énergies corporelles et remédie au divorce entre mots et corps qui caractérise, selon lui, la civilisation occidentale moderne. La référence à un théâtre non psychologique vient de là. Ces arts traditionnels conservent ainsi les vertus originelles du théâtre. Artaud n’hésite pas à parler de théâtre pur, « qui ne vaut, n’a d’existence que par son degré d’objectification sur
la scène » 1 .
Mohamed Elhor tente également de dépasser la tradition occidentale qui accorde depuis longtemps une grande importance aux mots et aux dialogues. Il est plutôt pour un retour aux sources, aux formes ancestrales de l’art du théâtre. En un mot, au spectacle visuel qui privilégie l’image à la parole. Et c’est pourquoi, il donne tant d’intérêt aux langages symboliques, aux jeux d’expression, aux mimiques et au jeu d’acteur. Et comme l’a bien résumé Gérard Toffin en évoquant Antonin Artaud et le théâtre oriental : « Le chevauchement des images et des mouvements aboutira par des collusions d’objets, de silence et de rythmes, à la création d’un véritable langage physique à base de signes et non plus de mots».