
De nouveau, les rues proches de la place Tahrir qui avaient été le théâtre de violences meurtrières il y a deux mois sont devenues le lieu d'affrontements entre policiers et manifestants qui voient dans le ministère de l'Intérieur un vestige intact de l'ancien régime.
La veille déjà, Le Caire avait renoué avec la tension à l'annonce du drame de Port-Saïd.
Les manifestants qui ont défilé jeudi dans la capitale, dont de nombreux supporters de football organisés en groupes de fans, tiennent le pouvoir militaire pour responsable du bilan de Port-Saïd.
"Cette fois, nous ne partirons pas", a prévenu Sami Adel, un jeune homme de 23 ans membre des "Ultras", organisation de supporters de football rompue aux confrontations violentes avec la police et qui a joué un rôle déterminant dans la défense de la place Tahrir lors des journées révolutionnaires de l'hiver dernier. "Les crimes commis contre les forces révolutionnaires ne stopperont pas la révolution et n'effraieront pas les révolutionnaires", proclame un tract imprimé au nom des "Ultras". Le drame de Port-Saïd a éclaté lorsque plusieurs centaines de supporters du club d'Al Masri ont envahi la pelouse. Des mouvements de panique ont éclaté dans les gradins, où les supporters d'Al Ahli tentaient de prendre la fuite.
Des témoins ont dit que les portes du stade n'avaient pas été ouvertes et que des spectateurs avaient été écrasés ou étouffés sous la pression de la foule. Les raisons du drame ont donné lieu à d'intenses spéculations. Pour certains, les violences sont l'oeuvre de provocateurs au service des tenants de l'ancien régime qui tenteraient de saboter la transition vers la démocratie.
Le ministre de l'Intérieur, Mohamed Ibrahim, a déclaré pour sa part que les événements avaient été déclenchés par des incidents entre supporters des deux clubs. "Les événements ont débuté par des provocations entre les supporters d'Ahli et de Masri qui se sont poursuivies par des insultes et ont abouti à ces titres événements", a-t-il dit à la chaîne de télévision égyptien CBC.
Mais lors d'une session au Parlement nouvellement élu, le ministre de l'Intérieur a été très vivement pris à parti par des élus qui l'ont appelé à assumer ses responsabilités et lui ont reproché l'impuissance des forces de l'ordre présentes dans le stade. Pour l'analyste Safwat Zayat, le drame de Port-Saïd est un nouveau coup porté à l'image et à la réputation du CSFA. "Les événements en cours poussent dans la direction d'une accélération du transfert du pouvoir aux civils", a-t-il dit à Reuters. Les militaires égyptiens ont promis de restituer le pouvoir à un président élu. Sous la pression de précédents événements, ils avaient déjà annoncé une accélération du processus, avec l'organisation de l'élection présidentielle d'ici la fin juin, avec six mois d'avance sur le calendrier initial de la transition.