Diversité à Hollywood : Le changement, c'est presque maintenant

Hollywood a pris conscience que son univers composé d'hommes blancs riches était "simplement intenable"


Vendredi 9 Août 2019

Le débat fait rage sur la scène sombre et caverneuse d'un entrepôt de la Warner Bros, à propos d'un... champignon.
Un membre de l'équipe du film veut éclairer cet accessoire de 15 centimètres depuis la droite. Un autre préfère le côté gauche.
Richard Crudo, un vétéran de Hollywood, cinéaste ayant travaillé pour de nombreux films, dont "American Pie" (1999) ou "Donnie Darko" (2001), d'abord en retrait, intervient.
"Si vous pouvez bien l'éclairer, vous allez gagner un prix de l'Académie", professe-t-il, sourire en coin.
Il supervise une trentaine de jeunes stagiaires de l'"Academy Gold", un programme d'été sélectif mis en place par l'Académie des Oscars où les aspirants cinéastes participent à des sessions de travail en coopération avec des géants de l'industrie comme Disney, Sony ou Paramount.
L'initiative a été mise en place dans le sillage de la campagne Oscars So White (les Oscars si blancs) qui dénonçait le manque de diversité dans l'industrie cinématographique.
L'"Academy Gold" s'adresse aux minorités ethniques, aux femmes et aux personnes souffrant d'un handicap.
Hollywood a franchi le pas après avoir pris conscience que son univers composé d'hommes blancs riches était "simplement une situation intenable", développe Richard Crudo.
"C'est dur pour tout le monde de percer et c'est surtout difficile pour les personnes issues des minorités et les gens qui ont été sous-représentés dans l'industrie depuis des années", poursuit ce membre de l'American Society of Cinematographers.
"Il était temps, il était grand temps", assène-t-il.
Les stagiaires ont, ce jour-là, été divisés en cinq groupes, chaque groupe devant transformer le même script, volontairement sibyllin, en scène de film d'un genre de leur choix.
Cette équipe veut du surréel et une esthétique à la David Lynch. D'où ce mannequin hilare, au regard sombre, avec un chapeau de cowboy, et cet étrange champignon.
L'optimisme de ces jeunes - dont certains ont commencé à travailler dans le cinéma après l'éclosion de la campagne #OscarsSoWhite et des mouvements anti-harcèlement #MeToo et #TimesUp - concernant les progrès sur le front de la diversité est palpable.
"Le jour où je serai aux Oscars et qu'il y aura autant de nommés femmes que d'hommes alors je serai satisfaite", relativise toutefois Alyssah Powell, 22 ans.
"Mais vous savez, on y arrive", se réjouit celle qui a mis un pied dans le cinéma dès l'âge de 19 ans et a vu son nom figurer dans les génériques de "Kong: Skull Island" et "Pacific Rim: Uprising".
Car beaucoup des 120 personnes de ce programme éphémère avaient déjà obtenu un stage ou du travail dans un studio hollywoodien et ont été choisies pour postuler à ce programme.
Hollywood a aussi pris conscience d'une chose: le changement prend du temps, en témoigne un rapport cette année sur la diversité.
Ce "Hollywood Diversity Report" a conclu que les femmes et les minorités avaient obtenu de modestes gains et restaient sous-représentés dans l'industrie, comparés à leur nombre dans la population américaine.
Les femmes ont tenu les premiers rôles de films dans 32,9% des cas, près de deux points de plus depuis 2016. Mais elles sont 50% dans la population.
"Les améliorations pour les personnes de couleur et les femmes sont assez modestes, voire obstinément statiques", tranchent les auteurs de cette étude de l'Université UCLA, en Californie.
Les stagiaires interrogés par l'AFP ont tous affirmé ne pas avoir fait l'expérience, dans l'industrie du cinéma, de discrimination liée à leur origine ethnique ou à leur genre. Mais ils en connaissent plein dans leur entourage.
"Quand les réalisateurs et les chefs des studios de production ne vous ressemblent généralement pas, cela peut être difficile", avance Terion Ford, un Afro-Américain originaire de Dallas, au Texas.
Ce jeune homme de 26 ans croit qu'un changement pointe le bout de son nez parce que les patrons à Hollywood ont enfin réalisé que le public veut voir des histoires racontées par ceux qui les vivent.
"Tout le monde n'est pas partant, tout le monde ne veut pas de ce changement", lance-t-il. "Mais je dis qu'il va y avoir un moment où ils vont dire +Ok, on ne peut pas les vaincre+, il faut qu'on les rejoigne."


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