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Dispersion violente d’un sit-in à Casablanca : La difficile gestion du droit de manifester pacifiquement


Narjis Rerhaye
Mardi 15 Mars 2011

Sit-in pacifique  dispersé dans la violence, marche non autorisée ou intention d’organiser un sit-in ouvert investi par « des criminels » : les versions divergent fortement sur les événements du 13 mars à Casablanca. Les images ont en tout cas fait le tour du monde et l’opinion publique d’ici et d’ailleurs en retiendra en tout cas que « des dizaines de personnes ont été blessées, dont certaines grièvement, dans la répression par la police d’une manifestation pour les réformes ».
Tout a commencé dimanche 13 mars en fin de matinée lorsqu’une centaine de jeunes -200 à 300 selon certaines sources- ont tenté d’organiser un sit-in sur la place dite des « colombes ». Une tradition désormais inaugurée par ceux et celles du mouvement du 20 février. Les premiers incidents commencent. Les forces de l’ordre dispersent les manifestants. Des courses-poursuites s’engagent dans les ruelles attenantes au centre-ville. Des arrestations suivent très vite.
Les jeunes du mouvement du 20 février tentent d’organiser un 2ème sit-in, non loin de là. Il connaîtra le même sort. En désespoir de cause, les manifestants, toujours au centre-ville, se dirigent alors vers la rue d’Agadir où se trouve le siège du Parti socialiste unifié. « Nous étions réunis en conseil national. Les jeunes observaient un sit-in devant les locaux du parti et la foule n’arrêtait pas de grossir. Ils étaient à mon avis plus de 1000 manifestants à réclamer la libération de leurs camarades arrêtés un peu plus tôt. MM. Bensaid Aït Idder et Moujahid avaient entamé les négociations entre les forces de l’ordre et ceux du mouvement du 20 février. C’est alors que la baston a commencé. Les forces de l’ordre pénètrent jusque dans le hall du siège du PSU où des manifestants avaient trouvé refuge.  Des dirigeants du PSU n’ont pas d’ailleurs échappé à la répression. MM. Bouaziz et Sassi pour ne citer qu’eux ont d’ailleurs été blessés et même embarqués dans une estafette de la police », témoigne le militant PSU, présent sur les lieux, Mostafa Miftah.
Quelques heures plus tard, dans les principaux journaux télévisés des deux chaînes de télévision, le préfet de police de Casablanca monte au filet et rend compte du fil des évènements, version sécuritaire. Les manifestants, soutient-il, avaient l’intention de faire une marche qui n’a pas été autorisée. « Ils avaient des instructions pour provoquer les services de sécurité.
 Ils se sont dispersés en petits groupes dans l’objectif de terroriser les citoyens et de semer la zizanie parmi les commerçants et les habitants » dira en substance le préfet de police face aux caméras de 2M et d’Al Oula avant d’affirmer que « les rangs des manifestants ont commencé à être renforcés par quelques criminels, la preuve étant les slogans qu’ils scandaient et dans lesquels ils ont exprimé leur intention d’entamer un sit-in ouvert ». Les forces de l’ordre seraient alors intervenues pour disperser les manifestants d’autant que deux groupes, toujours selon la version de la police, « échangeaient coups et injures ».

Le CNDH et le droit de manifester librement

Une version que démentent ceux et celles du PSU qui ont suivi en direct ce qui s’est passé ce dimanche 13 mars devant et à l’intérieur du siège de leur parti. Leur réaction ne s’est d’ailleurs pas fait attendre. Dans la matinée du lundi 14 mars, le Parti socialiste unifié annonçait sa décision d’observer  un sit-in ouvert de son  conseil national aux côtés des jeunes du mouvement du 20 février jusqu’à la libération des manifestants arrêtés le dimanche 13 mars. Dans la foulée, cette formation politique rendait publique une liste préliminaire des personnes arrêtées ce dimanche.
Comment  expliquer la réaction des autorités sécuritaires ? Et comment justifier la répression des manifestants ? La question n’en finit pas de se poser d’autant que cet épisode de violence intervient quelques jours seulement après que le Souverain a annoncé un changement global et une réforme profonde de la Constitution de 1996. Le Monarque avait, entre autres annonces, insisté sur le renforcement des libertés publiques et individuelles. « On a l’impression que ceux en charge de la sécurité n’ont pas écouté ou n’ont pas compris le discours du Roi. Il y a comme un message qui a été envoyé dimanche. Oui au débat à la télévision, dans les salons, dans les colloques mais pas question que la rue intervienne. Ce n’est pas la première fois que l’Etat donne un message et son contraire », commente Mostafa Miftah.
Du côté de la police, c’est la présence remarquée, dimanche à Casablanca,  et les actes de provocation d’activistes d’Al Adl wal Ihssane, le mouvement de Cheikh Yassine, qui sont relevés. Dans les vidéos postées du « you tube », on peut en effet voir de nombreuses femmes vêtues de tchador et le visage couvert d’une étoffe épaisse prises à partie par les forces de sécurité. Le mouvement interdit Al Adl wal  Ihassane a-t-il phagocyté le mouvement d’une jeunesse éprise de démocratie et de valeurs universelles ? « Depuis le début des manifestations, les jeunes d’Al Adl wal Ihssane ont rejoint le mouvement du 20 février. Les slogans scandés n’ont pas changé d’un iota. Alors pourquoi s’en inquiéter maintenant ? », s’interroge avec force un militant du PSU.
Les interrogations sont nombreuses et les réponses pour le moins contradictoires. En tout cas,  la gestion du droit de manifester pacifiquement et d’exprimer librement ses opinions dans le respect du pluralisme et de la diversité devra être sérieusement examinée aussi bien  par le Conseil national des droits de l’Homme nouvellement installé que par  la Commission consultative en charge de la révision de la Constitution.
En attendant, les jeunes du mouvement du 20 février ont appelé à des marches nationales pour la liberté, la démocratie et la dignité le 20 mars. 


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