De leurs vrais noms, Ahmed et Mohamed Abu Nasser : Tarzan et Arabe, deux artistes de Gaza envers et contre tout

Mercredi 28 Septembre 2011

Malgré leur manque de formation, d’équipements, de financements et de public, les artistes jumeaux de Gaza sont déterminés à réussir comme réalisateurs de films.
 « En tant qu’artistes, nous sommes limités par une vie dans une communauté conservatrice et dure », dit Arabe. « Soyons réalistes. Nous vivons en état de siège, sous contrôle. Les gens n’ont pas de temps pour l’art. Ils passent tout leur temps à chercher des miettes. Ils disent : "A quoi sert l’art ? L’art ne va pas vous donner du pain"».
Tarzan et Arabe - de leurs vrais noms, Ahmed et Mohamed Abu Nasser - ont des looks inhabituels pour Gaza. Ils portent les cheveux longs, chaussent des Converse All Stars importées d’Egypte en contrebande par les tunnels, et ont des écheveaux de perles et des chaînes enroulés autour du cou.
Leur père, chef d’établissement, utilise son temps libre à peindre, et son intérêt pour l’art a influencé les jumeaux. Il a donné des surnoms à ses fils qui leur sont restés jusqu’à l’âge adulte et sont devenus aujourd’hui leurs sobriquets professionnels.
Tarzan et Arabe peignent et dessinent également, mais depuis leur enfance, ils sont attirés par l’art cinématographique. «Nous passions devant le (vieux) cinéma, regardions les affiches roussies, déchiquetées sur le mur, nous étions tristes, et espérions pouvoir y entrer», dit Tarzan. A la place, ils ont décidé de créer leurs propres affiches, de celles qui reflètent «la souffrance de Gaza, les problèmes de Gaza, les problèmes quotidiens des gens», dit Arabe. La vingtaine d’images frappantes que présentent les jumeaux portent les noms d’opérations militaires israéliennes : Pluie d’été, Nuages d’automne, Rempart, Plomb durci. « Pour nous, ces noms sont comme des films de guerre. (Nous voulons) produire une version cinématographique originale de ces opérations ».
Leur premier film, Voyage pittoresque, parle des luttes internes entre factions dans la Bande de Gaza et de leur coût politique, social et personnel. Tarzan et Arabe dépeignent une guerre fratricide, présentant les factions à l’identique pour renforcer leur message dont les frères de Gaza ont besoin pour s’unir face à leur ennemi commun.
Le film a remporté le premier prix du concours de Ramallah, en Cisjordanie, parrainé par la Fondation AM Qattan. Il a été présenté aussi, avec une exposition de leurs affiches, aux Mosaic Rooms de Londres en mars. Les jumeaux n’ont pu y assister, ni à l’un ni à l’autre. « Imaginez que vos rêves deviennent réalité, et vous n’y êtes pas», dit Arabe. Le minuscule studio, une pièce de Tarzan et Arabe, qui fait salle de montage et leur sert aussi de chambres, est une œuvre d’art en lui-même. Des graffitis couvrent les murs - «Je voudrais être ton amoureux», lit-on dans un gribouillage - les peintures des jumeaux sont mélangées à des croquis et à une image imprimée de Mona Lisa, des bandes de pellicules 35 mm pendent du plafond, deux pianos droits se battent pour occuper la surface au sol avec les lits et le matériel informatique, et une unique Converse All Stars est clouée à la porte. Quand le courant est coupé, comme cela arrive fréquemment ici, ils emportent leurs outils de montage dans un café.
Ils ne se considèrent pas comme des artistes politiques, «mais en tant qu’artistes, nous examinons notre réalité, car l’artiste doit parler de sa propre réalité, et non des autres réalités. Et notre réalité est pleine de politique», dit Tarzan. Mais, ajoute Arabe, «si vous êtes malin, vous prenez la réalité politique (et) vous la mettez là où vous êtes».
Il n’est pas surprenant que Tarzan et Arabe rêvent de partir étudier à l’étranger. Mais s’ils le pouvaient, reviendraient-ils un jour?
«Bien sûr que nous reviendrions. C’est notre terre, nous sommes nés ici, nous y avons nos amis, notre famille», dit Arabe. «Tout artiste doit être relié à sa communauté et à son environnement et en être le reflet. Nous voulons représenter Gaza dans notre art.»

 * Association France -Palestine Solidarité (Afps)

Harriet Sherwood

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