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Contre les narcos au Mexique, des agriculteurs prennent les armes


Libé
Mardi 13 Juillet 2021

Les uns derrières les autres, des véhicules d’hommes armés, patrouillent dans l’ouest du Mexique. Ce sont des producteurs d’avocats qui se protègent du racket des cartels de la drogue de plus en plus violents. Avec leurs fusils et leurs carabines, ces agriculteurs cagoulés sillonnent les plantations de la municipalité d’Ario de Rosales, dans l’Etat de Michoacan, théâtre d’une véritable guerre entre trafiquants de drogue. Ici, les paysans ont établi des postes de contrôle et creusé des tranchées en pierre. Mais jusque-là, ils vivaient dans la terreur des enlèvements, du chantage et du vol de leur production, selon un membre de “Pueblos Unidos”, une milice qui se dit forte de 700 hommes. “Nous devons être armés pour nous défendre par nous-mêmes”, explique à l’AFP ce producteur d’avocats qui préfère ne pas décliner son identité. “Non à l’injustice, non aux assassinats”, peut-on lire sur un badge collé sur sa poitrine. Ces criminels “nous imposaient leur loi. C’est terminé”, martèle l’homme. Mais ces milices - environ une cinquantaine au Mexique depuis leur apparition en 2013 - sont mal vues par le président Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO, gauche) pour lequel elles sont devenus une façade camouflant les agissements des gangs. Agacé, un milicien invite le président à “venir ici se salir les chaussures” pour appréhender la réalité de cette zone où sévissent les cartels +Jalisco Nouvelle Génération+ (CJNG) - l’un des plus puissants - et +Los Viagras+. La police et les militaires “ont ou peur des criminels ou sont soudoyés pour ne rien faire”, s’emporte Martin, un autre milicien. La tâche est lourde. Ces groupes tentent de contenir l’expansion des cartels qui ont intensifié leurs attaques dans les Etats de Michoacán, de Tamaulipas (nord-est, à la frontière des Etats-Unis) et Zacatecas (nord). En mai, 2.963 assassinats ont été recensés au Mexique, et depuis janvier, on en dénombre 14.243, selon le gouvernement. Dans l’un des incidents les plus graves, survenu le 19 juin, des hommes armés, présumés du +Cartel du Golfe+, ont tué 15 personnes à Reynosa, dans le Tamaulipas. L’un des tireurs arrêtés a déclaré que le massacre avait pour but de “chauffer la place”, une méthode de tuerie aléatoire visant à attirer l’attention des autorités sur certaines zones pour la détourner d’autres. Le 29 juin, neuf corps ont été retrouvés près de Ciudad Miguel Alemán, également dans le Tamaulipas, où des gangs armés se battaient pour le contrôle d’un passage frontalier avec le Texas (Etats-Unis) par lequel transitent drogues, armes et sans-papiers, selon une source du renseignement. A peu près à la même période, une confrontation a fait 18 morts à Zacatecas, où les corps de deux policiers ont été pendus à un pont. Et en dépit de la recrudescence de ces incidents, AMLO a pris le parti de ne pas déclarer la guerre aux cartels, arguant des échecs passés d’une telle politique et préférant demander aux Etats-Unis - principal consommateur de drogue - d’oeuvrer pour une limitation de la circulation d’armes américaines entre les deux pays. “On ne peut pas affronter la violence par la violence”, a-t-il à nouveau soutenu vendredi à propos de la situation à Aguililla, une autre municipalité du Michoacan gangrénée par la criminalité. Depuis décembre 2006, date à laquelle le gouvernement de Felipe Calderon a lancé une offensive militaire antidrogue, 300.000 meurtres ont été perpétrés au Mexique. Au cours de cette période, les principaux cartels se sont atomisés au point qu’environ 200 groupes opèrent désormais dans le pays, selon l’ONG Insight Crime. Pour éviter que les jeunes ne soient recrutés par ces gangs, Lopez Obrador, dont la popularité frise les 60 pc, mise sur des investissements sociaux plus conséquents dans les zones de conflit. Mais sa politique ne fait pas l’unanimité. En avril, l’ancien ambassadeur des Etats-Unis au Mexique, Christopher Landau, a déclaré qu’AMLO voyait les cartels comme une “distraction” à son ambitieux programme social. “Il a plutôt adopté une attitude de laisser-faire à leur égard”, a déclaré l’ancien représentant de Donald Trump. La stratégie de “câliner, pas tirer” crée “des vides de pouvoir dans lesquels s’engouffrent les gangs”, explique José Reveles, spécialiste du trafic de drogue. A Aguililla, lieu de naissance du leader du CJNG, Nemesio Oseguera (“El Mencho”), dont les hommes ont défilé dans la ville en avril, la situation est critique. “Ils sont là tous les jours, comme chez eux, avec leurs armes”, se lamente un habitant de cette ville, “et pendant ce temps, le gouvernement regarde ailleurs”. 


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