Clôture en apothéose du Festival international du film de Marrakech : Un palmarès trop correct


Mohammed Bakrim
Lundi 14 Décembre 2009

Clôture en apothéose du Festival international du film de Marrakech : Un palmarès trop correct
C’est un palmarès équilibré (trop!) voire politiquement correct qui a été proclamé samedi par le maître iranien Abbas Kiarostami, président du jury, à l’issue de la 9ème édition du Festival international du Film de Marrakech. L’Etoile d’or est allée presque naturellement au coup de cœur qui a marqué d’emblée le cœur et l’esprit des cinéphiles, le film mexicain « Northless » de Rigoberto Perezcano. C’est une œuvre sobre, portée par une esthétique pure faite de plans fixes et de mouvements limpides dans un espace éminemment dramatique, la frontière.
La thématique du film est actuelle, celle du départ, celle du désir de l’ailleurs ; un sujet que l’on croirait cent fois galvaudé mais qui confirme ici la règle d’or de toute création cinématographique : les situations dramatiques sont fixes mais l’art réside dans la manière. Le thème de l’immigration a fait l’objet de plusieurs films notamment autour de cette barrière mythique entre le Mexique et les Etats-Unis.
« Northless » y revient en suivant le parcours de Andrés, jeune issu du Mexique profond ; les premiers plans où nous le découvrons aux portes de la ville Tijuana, véritable fenêtre sur cet Eldorado proche et interdit que sont les USA, sont d’une beauté inouïe. La caméra fixe capte un temps figé ; un très beau mouvement dans le champ fait croiser une voiture qui s’en va portant un meuble de chambre à coucher pour faire entrer de l’autre côté la camionnette qui portera Andréas vers son destin. Une fois à Tjuana, il va tout de suite entamer des tentatives pour traverser. 
Elles s’avéreront toutes vaines…il découvre alors autour de lui, une vie, des histoires, des moments d’émotion… Le film construit tout cela par couches successives proposant des vides, des regards qui seront plus tard et petit à petit remplis par des échanges d’une grande profondeur humaine aboutissant à une très belle séquence finale où le rêve transforme le réel en une image  de bonheur surréaliste.
La surprise du palmarès vient du Prix du jury. Traditionnellement c’est un prix qui va vers une œuvre qui a séduit le jury mais qui ne l’a pas convaincu dans sa totalité ; la surprise vient du choix de récompenser deux films à la démarche totalement opposée, si ce n’est radicalement différents. C’est un Prix du jury ex aequo qui est allé au film belge « Les barons » réalisé par Nabil Ben Yadir et au film « My daughter » de Charlotte Lim Lay Kuen de Malaisie. Dans le premier cas, le Prix du jury est l’équivalent du prix du public et dans le deuxième il signifie l’hommage à un cinéma radical, minoritaire. « My daughter » est principalement un travail sur la forme alors que «Les barons » est une comédie. Est-ce une manière d’envoyer un clin d’œil au public local frustré de ne pas voir le film marocain récompensé ? De toutes les manières, ce fut un dosage inédit. Les deux Prix d’interprétation sont allés à deux films très forts notamment pour le Prix d’interprétation féminine qui est allée à l’excellente Lotte Verbeek pour son rôle dans le très beau film « Nothing personal » de Ursula Antoniak.


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