Cinéma indien : Polémique autour d'un film sur la discrimination positive


AP
Mardi 16 Août 2011

Un film indien, qui aborde le sujet sensible des castes et de la discrimination positive, est à l'origine d'un débat passionné dans le pays, où il est sorti vendredi: au moins trois grands Etats de la fédération ont interdit sa sortie, de peur qu'il ne provoque des tensions sociales.
"Aarakshan" ("réservations"), traite de la politique de discrimination positive pratiquée en Inde envers les dalits, également qualifiés d'"intouchables", tout au bas de l'échelle sociale, qui bénéficie de quotas dans l'éducation ou les emplois de la fonction publique. Les dalits constituent près d'un quart de la population indienne.
Le film a déclenché la colère de groupes appartenant aux castes inférieures, qui jugent qu'il offre d'eux une vision négative et méprisante, susceptible de renforcer les préjugés dont ils sont victimes.
Cette polémique vient souligner que le système hindouiste millénaire des castes, qui impose sa stricte hiérarchie à la société, reste un thème très sensible dans l'Inde moderne.
Mercredi, le gouvernement d'Uttar Pradesh, plus grand Etat du pays, a interdit le film. Le lendemain, il a été imité par ceux du Pendjab et de l'Andhra Pradesh, une interdiction qui pourrait coûter des millions de dollars au film, qui sort à l'occasion du long week-end de l'Indépendance du pays, au cours duquel les Indiens, grands amateurs de cinéma, se ruent dans les salles obscures.
Son réalisateur, Prakash Jha, a fait appel à la Cour suprême pour qu'elle fasse lever ces interdictions, et les acteurs se sont vu attribuer des gardes du corps.
Amitabh Bachchan, la grande star bollywoodienne tête d'affiche d'"Aarakshan", a réagi avec inquiétude sur son blog vendredi, reprochant aux gens de critiquer le film avant même de l'avoir vu. Il cite son personnage dans le film, un directeur de lycée idéaliste confronté à la tension entre dalits et élèves des castes supérieures: "Il y a deux Inde dans ce pays (...) et en vérité, si nous voulons voir un quelconque progrès dans notre société, la distance entre ces deux Inde doit être effacée".
Depuis l'indépendance en 1947, les efforts du gouvernement indien n'ont pas réussi à mettre un terme à la discrimination basée sur la caste, et le boom économique n'a fait que creuser encore le fossé.
Reste que des pans importants des castes supérieures dénoncent la politique des quotas, qui réserve des places aux membres des castes inférieures dans les établissements supérieurs les plus prestigieux et recherchés.
Une commission gouvernementale chargée de la protection des basses castes a également demandé aux autorités de censure cinématographiques de faire retirer au moins cinq passages du dialogue jugés tendancieux, ce que le réalisateur a accepté, tout en réfutant cette interprétation négative de son oeuvre.
Autre critique avancée par les détracteurs du film, le fait que le personnage principal dalit est joué par la star Saif Ali Khan, héritier d'une dynastie royale musulmane indienne. "Cette objection est injuste. En suivant cette logique, est-ce qu'ils disent qu'un dalit ne pourrait pas jouer le rôle d'un roi dans un film?", s'est interrogé le réalisateur.


Lu 795 fois

Nouveau commentaire :

Votre avis nous intéresse. Cependant, Libé refusera de diffuser toute forme de message haineux, diffamatoire, calomnieux ou attentatoire à l'honneur et à la vie privée.
Seront immédiatement exclus de notre site, tous propos racistes ou xénophobes, menaces, injures ou autres incitations à la violence.
En toutes circonstances, nous vous recommandons respect et courtoisie. Merci.











Inscription à la newsletter



services