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Chercher à se faire tester ? Toute une galère

Le parcours du combattant d'une citoyenne


Hassan Bentaleb
Lundi 21 Septembre 2020

Aujourd’hui, le Maroc compte 2.552 nouveaux infectés au Covid-19. Le nombre  total  des contaminations depuis l’apparition de l’épidémie dans le Royaume est de 99.816 cas. En effet, plusieurs dizaines de cas sont recensés chaque jour. Ils sont souvent liés aux entreprises, aux rassemblements familiaux ou au manque de respect des mesures barrières.
Pourtant, derrière ces chiffres, il y a des personnes en souffrance qui manquent d'accompagnement, d’orientation et de repères. Elles sont loin de l’image souvent rapportée par les médias qui tentent de les dépeindre comme des personnes irresponsables.
Imane, une jeune Casablancaise, a raconté à Libé son expérience avec les structures d’accueil des malades du Covid-19 et les chemins tortueux pour faire un test.
 

Il est 11h30 lorsque le téléphone d’Imane a sonné. A l’autre bout du fil, c’est Aicha, sa petite cousine. «Allô ! j’ai une mauvaise nouvelle à t’annoncer. Notre cousine Asmaa est atteinte du Covid-19 et il est possible que toute la famille soit contaminée.   Tu dois faire le test et le plus tôt possible». Fin de l’appel.
Imane a la tête qui tourne. Elle a le vertige. Elle ne sait plus quoi faire ni quoi dire à sa maman qui se demande qui peut être derrière cet appel étrange qui a bouleversé sa fille.  « Il est fort probable que nous ayons été  contaminés par le coronavirus lors des funérailles de l’Haj», a lancé Imane avec une voix faible et triste.  La nouvelle est tombée comme un couperet sur sa mère, sa sœur et sa tante qui se sont échangées des regards sans dire un mot.  Les quatre femmes n’arrivent pas à réaliser ce qui se passe. Pour elles, le coronavirus n’existe pas. Il s’agit d’une maladie imaginaire, inventée par la Chine et amplifiée par les médias.
Aujourd’hui, et pour la première fois, elles voient le Covid-19 en face. Il a des yeux, une forme et il bouge. Il est à cet instant même en train de les dévisager et de les menacer du pire. Notamment Imane (25 ans) et sa mère (56 ans) qui sont respectivement hypertendue et diabétique.   Les deux autres femmes ont plutôt peur et se font du souci pour leurs nouveau-nés, si innocents et si fragiles.
 
Recherche désespérément un test

Imane ne sait plus où donner de la tête. Elle est submergée par des idées noires et suicidaires. Elle veut faire le test, mais elle ne sait pas où ni comment. 
Certaines voisines lui suggèrent d’aller voir un centre public de dépistage sis au boulevard Mekdad Lahrizi. 
Le centre se trouve loin de chez elle, mais, il est à peine midi. Elle a encore du temps. Pourtant, une fois sur place, elle a trouvé portes closes et l’agent en faction refuse de la laisser passer la barrière de sécurité. «C’est terminé pour aujourd’hui. D’autant plus que vous ne pouvez pas bénéficier des services de ce centre puisque vous ne faites pas partie des habitants   de la préfecture d’arrondissement de Ben M’Sick. Vous devez aller au centre relevant de votre lieu de résidence», lui a-t-il  répondu sèchement. Et d’ajouter sur le même ton : «Et même si vous résidez à Ben M’Sick, vous ne pouvez pas faire le test aujourd’hui puisqu’il y a plus de 90 personnes devant vous qui attendent leur tour». Fin de la conversation.  
Sans trop réfléchir, Imane prend un autre petit taxi. Direction, l’hôpital de Sidi Othmane. Il est presque 14h00, mais les responsables de cet établissement ont, eux aussi, refusé de la faire admettre. Cette fois-ci, pour une autre raison : «Nous avons terminé les enregistrements pour cette journée», lui a lancé calmement une infermière. Et de préciser sur un ton presque glacial: «Le test n’est plus possible que si vous présentez des symptômes. Si vous avez été en contact avec une personne porteuse de Covid-19, il nous faut son nom et prénom pour l’identifier sur nos registres».
«Faut-il donc mentir pour faire le test ?», a crié Imane au visage de l’infirmière, les larmes aux yeux. Pour elle, pas question de rentrer sans faire le test. Elle estime désormais être une menace, notamment pour son père qui est aussi diabétique et qui a la santé fragile. Les premiers symptômes sont déjà là. Il s’agit des symptômes les plus fréquents : la fièvre et la fatigue. Elle craint le pire : les difficultés à respirer ou l'essoufflement, la sensation d’oppression, la douleur au niveau de la poitrine ou la perte d’élocution ou de motricité.   
 «Vous devriez voir avec les laboratoires privés. Ils sont votre dernière chance. Et ne pensez pas partir à l’Institut Pasteur. Il accepte seulement ceux qui vont partir à l’étranger. C’est tout ce que je peux faire pour vous», a répondu l’infirmière avant d’être appelée par son supérieur.
 
Labos privés, un autre calvaire

Casablanca compte six laboratoires privés sur les 18 autorisés par les autorités sanitaires à faire le diagnostic du Covid-19. Ils ont été sollicités par le département de la Santé afin d’élargir le dépistage mais aussi de rendre l’obtention des résultats plus rapide. En effet, ces laboratoires sont tenus de rendre les résultats des tests dans les 24H qui suivent les prélèvements oro/naso-pharyngés et/sanguins.
Imane s’est dirigée en premier vers le Laboratoire international d’analyses biomédicales sis au boulevard Abdelmoumen. Sur place, une longue file de personnes attend. Certaines sans masque et sans respect de la distanciation sociale. «Vous ne pouvez pas entrer, lui a lancé un agent de sécurité installé devant le portail du labo.  Vous devez avoir un rendez-vous». «Et comment je peux avoir ce rendez-vous ?», réplique Imane. «Il doit être pris par sms, par e-mail ou par téléphone. Si vous présentez des symptômes graves, vous pouvez avoir un rendez-vous rapproché, sinon il faut attendre jusqu’à une semaine ou plus», précise l’agent.
Pour Imane, il est hors de question d’attendre. Il faut chercher un autre labo et vite. Elle a entendu parler d’un autre qui a pignon sur rue à Derb Soltane. Peut-être aura-t-elle plus de chance.
Il est 15h00. Devant ledit labo, il n’y a pas grand monde comme ce fut le cas ailleurs. Et c’est normal puisque le labo a clos  ses enregistrements des personnes désireuses faire le test vers 15h00. « Vous devez revenir demain tôt pour avoir une place », lui a lancé une jeune femme.
Pour Imane, c’est inacceptable. Elle est presque sûre qu’elle est atteinte. Elle est convaincue qu’elle représente un danger public, une source de contamination. Pourtant, personne ne semble s’inquiéter ou prêter attention à son cas. Elle a le sentiment qu’elle n’existe plus, qu’elle est une malpropre dont personne ne veut.
Elle n'en peut plus. Elle tente difficilement de retenir ses larmes. Elle se sent abandonnée et condamnée à affronter seule son triste sort. Elle a donc décidé de rentrer chez elle, mais à contre cœur.  

Une si longue nuit

Tout au long de la nuit, elle n’a pas pu fermer l'oeil, le moral en dents de scie balloté entre culpabilité et besoin de réconfort. Les heures passent lentement et la nuit semble interminable. Imane pleure en silence. Elle a peur, vraiment peur de cette maladie malgré son jeune âge.  Les scènes des malades sous respiration artificielle, l’image des familles qui ont perdu un proche à cause du Covid-19, les histoires que racontent les gens sur les souffrances des malades hantent son esprit et la plongent dans une spirale d’inquiétude et de torture morale.
Il est 4h00 du matin et elle peine encore à s’endormir. Il est préférable qu’elle se lève et parte pour avoir une place parmi les premiers. Vers 05h00, Imane a été la troisième personne à arriver sur place. Une très longue journée l’attend. Elle se sent faible et elle a le vertige. Voilà près de 24 heures qu’elle n’a rien mangé.  Elle tente comme elle peut de patienter.
Vers 7h30, les portes du labo s'ouvrent. Ils sont presque une trentaine de personnes à occuper 70m2 de la salle d’attente, les unes entassées sur les autres. Le labo ne dispose que de huit chaises pour accueillir les usagers. Vu son numéro sur la liste d'attente, il était prévu que son tour arrive vers 8h30. Mais, il y a trop d’anarchie et de désordre.  Elle ne fera son test que vers 11h00. Mais qu’en est-il des résultats ? « Tu dois attendre jusqu’à lundi. On va t'appeler vers l’après-midi», répond une jeune préposée à l’accueil.
Imane est en colère. «Je dois payer 700 DH et attendre trois jours, mais comment osez-vous ? », a-t-elle lancé avec rage. «On ne peut rien faire pour vous. Il y a trop de demandes», s’est contentée de répondre la femme d'accueil.
Imane doit vivre un autre cauchemar, celui d’attendre. Mais, une fois retournée à la maison, comment doit-elle se comporter ? Doit-elle s’isoler ? Doit-elle prendre des médicaments pour ses migraines et bouffées de chaleur ? Autant de questions qui resteront sans réponses.   
 
La fin d’un cauchemar

C’est le lundi tant attendu par Imane. Ses yeux sont rivés depuis le matin sur son portable. Elle s'attend au pire. En effet, d’autres cas de contamination se sont déclarés au sein de sa  famille. Durant le week-end, elle a appris qu’une cousine et son mari ainsi que leurs deux filles ont été contaminées. A l'instar  d’autres membres de sa famille.   Tous ont des courbatures, des maux de gorge ou des pertes de l’odorat ou du goût. Certains ont déjà été pris en charge par les services sanitaires publics. Ils ont été hospitalisés à El Jadida faute de place dans les structures médicales situées à Benslimane.
Imane s’est préparée au pire. Elle s’attend à une hospitalisation de 14 jours à El Jadida. Elle imagine déjà la souffrance, la douleur et le désespoir que promet cette hospitalisation.  Mais, mieux vaut quelques jours de souffrance que la fin d’une vie, dit-elle en tentant de se convaincre de la nécessité de se rendre à Benslimane ou ailleurs.
Il est 11h00. Imane est déjà devant le labo. Elle ne veut plus attendre et elle n'en peut plus. « Je viens pour les résultats de mon test », a-t-elle lancé à l’agent de sécurité. « Vous devez attendre. Il n’y a personne pour aller les chercher », a-t-il répondu. Des mots qui ont aiguisé la colère et la rage d’Imane qui a commencé à hurler. Elle n’arrive plus à retenir sa colère.  Une seule chose peut la calmer : c’est le résultat de son test qui a trop tardé.
La jeune femme du labo s’est alors précipitée au premier étage du labo pour le chercher:   Le test d'Imane  est négatif. Elle n'est pas infectée.

Hassan Bentaleb

Signature d'un mémorandum d’entente pour l’acquisition de vaccins anti-Covid-19

Le ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, a procédé, vendredi à Rabat, à la signature d’un mémorandum d’entente pour l’acquisition de vaccins anti-Covid-19 produits par la Société "R-Pharm", sous licence du groupe "AstraZeneca".
Cette signature qui s’est déroulée en visioconférence entre les deux parties, s’inscrit dans le cadre des efforts du Royaume pour sécuriser l’approvisionnement du pays en quantités de vaccins suffisantes.


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