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Carlos Ghosn dans les méandres du système judiciaire japonais


Vendredi 5 Avril 2019

Carlos Ghosn, de nouveau arrêté jeudi à son domicile de Tokyo lors d'un énième coup de théâtre, est confronté à un système judiciaire particulièrement complexe.
Après plus de 100 jours de détention dans le centre de Kosuge (nord de Tokyo), l'ex-PDG de Renault-Nissan espérait en avoir fini avec la prison quand il a été libéré le 6 mars sous caution.
Mais son interpellation jeudi par des enquêteurs du bureau des procureurs sur de nouveaux soupçons remet les compteurs à zéro.
Comme ce qui s'est passé après son arrestation initiale le 19 novembre, il peut rester en garde à vue jusqu'à 22 jours. Dans le détail, avant la fin des premières 48 heures, le bureau des procureurs doit demander une prolongation de dix jours à un juge, puis à nouveau de dix jours, pour les besoins de l'enquête. Le tribunal donne son feu vert dans l'écrasante majorité des cas.
A l'issue de cette période, le suspect peut être inculpé, relâché sans poursuites (dans 50% des cas) ou arrêté de nouveau pour un autre motif. Une fois la garde à vue arrivée à terme, en cas d'inculpation, le suspect peut ensuite rester emprisonné, dans l'attente du procès.
Contre l'avis du parquet, l'ex-grand patron avait été relâché sous strictes conditions début mars en échange du paiement d'une colossale caution d'un milliard de yens (8 millions d'euros), sous de strictes conditions.
Là aussi, le processus repart. Selon la loi, la caution versée reste en possession du tribunal jusqu'à la fin du procès. En cas de nouvelle inculpation qui enclenche une période de deux mois de détention provisoire (extensible), il lui faudra déposer une nouvelle demande de libération et repayer un montant défini par le tribunal si elle est acceptée.
Se pose aussi la question d'une éventuelle violation de son contrôle judiciaire. Alors que M. Ghosn avait interdiction d'utiliser Internet, il a créé mercredi un compte Twitter à son nom. Il peut y avoir eu entretemps des aménagements de conditions, ces détails n'étant pas rendus publics.
Au cours de sa garde à vue, le suspect au Japon est soumis à des interrogatoires répétés, sans ses avocats, un environnement qui "risque d'aboutir à des aveux forcés et des condamnations injustifiées", selon Amnesty International.
"Vous avez le droit aux services d'un avocat à tous les stades (...) Cela ne veut pas dire qu'il doit être présent à tout moment (...) C'est au procureur de décider", précise un responsable du ministère de la Justice.
L'avocat de M. Ghosn, Me Junichiro Hironaka, a dénoncé jeudi "une justice de l'otage", tentant de pousser à bout l'ancien patron de Renault-Nissan pour le faire avouer.
"Nous n'essayons pas d'obtenir des aveux (...) Mais nous avons besoin de poser un grand nombre de questions", rétorque le ministère de la Justice. La justice japonaise "dispose de moyens d'enquêtes plus restreints qu'en Occident" et ne peut par exemple effectuer d'écoutes téléphoniques que dans des cas précis, précise-t-il à l'AFP.
Les interrogatoires sont cependant entièrement filmés, ce qui n'était pas le cas dans le passé où ont été déplorées des erreurs judiciaires.
Mais pour Stephen Givens, avocat américain exerçant au Japon, les Japonais "ont gardé leur système d'avant-guerre" et "créé une façade par laquelle leur système de procédure criminelle semble se conformer aux normes occidentales (...) mais qui en réalité permet de garder une personne longtemps en prison. "Ce qui la presse clairement à des aveux".
Pendant la période de garde à vue, le suspect ne peut recevoir de visite, hormis celles de ses avocats et des représentants consulaires.
La date du procès n'a pas encore été fixée et M. Ghosn risque de rester au Japon "pendant un an ou plus longtemps encore", selon son avocat.
Mis en examen pour ne pas avoir déclaré l'intégralité de ses revenus aux autorités boursières, M. Ghosn encourt une peine de 10 millions de yens (80.000 euros) d'amende et 10 ans de prison, mais il peut obtenir un sursis, estiment les experts.
Il est aussi poursuivi pour abus de confiance: la peine maximale peut alors aller jusqu'à 15 ans, avec un risque de prison ferme plus élevé. Et il est désormais sous la menace d'une quatrième inculpation.
Peut-il sortir blanchi? Au Japon, 99% des personnes renvoyées devant le tribunal sont jugées coupables sur tout ou partie des chefs d'accusation.


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