Bouvines: une bataille décisive pour l’Europe menée il y a 800 ans


AFP
Mardi 26 Août 2014

Bouvines: une bataille décisive  pour l’Europe menée il y a 800 ans
Bouvines! Le nom de ce village du nord de la France sonne comme un cri de guerre, et pour cause: il y a 800 ans, une bataille décisive pour le destin de l’Europe occidentale s’y déroula.
L’armée du roi de France Philippe Auguste, en infériorité numérique, met en déroute une coalition anglo-germano-flamande, commandée par l’empereur germanique Otton IV de Brunswick. Il empêche ainsi le dépeçage auquel était promis son royaume, en même temps que la fin de la dynastie capétienne sur le trône depuis 987.
Pour commémorer cette bataille qui impliqua la France, la Belgique, la Grande-Bretagne et l’Allemagne actuelles, l’association Bouvines 2014 a voulu placer les célébrations sous les thèmes de la paix, l’Europe et la jeunesse. Ainsi, on a organisé une marche commentée sur le site de la bataille, suivie d’un défilé costumé en tenues d’époque et d’un concert d’orgue donné par l’organiste de Notre Dame de Paris.
Comme l’explique aujourd’hui le médiéviste Eric Vanneufville, “la bataille est effectivement importante parce que c’est le premier conflit entre les trois grandes monarchies d’Europe occidentale à être arbitré militairement”. Comme l’on sait, il y en eut beaucoup d’autres ensuite.
La bataille, qui impliqua un nombre modeste —16.000 au total— en comparaison des masses humaines engagées dans des conflits plus récents comme ceux dont on commémore cette année le centenaire (la Grande guerre) ou le bicentenaire (les dernières batailles de Napoléon), n’en changea pas moins aussi le cours de l’Histoire.
L’auteur du “Dimanche de Bouvines”, ouvrage de référence paru en 1973, l’historien français Georges Duby, qualifie la bataille d’”événement”, “ponctuel” mais “retentissant”, qui raffermit définitivement les assises de la monarchie française. 
La partie avait été chaude et le plan des coalisés consistant à tuer le roi avait failli réussir. Philippe Auguste, tombé de cheval, avait été sauvé in extremis.
Face aux 10.000 hommes de la coalition rassemblant Anglais, Allemands, Flamands et Brabançons, outre des féodaux “félons” comme le comte de Boulogne, Renaud de Dammartin, Philippe Auguste ne pouvait en aligner que 6.000, dont une partie formée des milices communales, en majorité picardes.
Mais le choix, appuyé par Guérin, conseiller militaire du roi, d’un terrain plat et dégagé, cerné de bois et de marais, pour livrer bataille, empêcha les coalisés de profiter de leur supériorité numérique. Il permit au contraire à l’armée française de faire donner à plein sa nombreuse cavalerie. 
Si la survie du royaume de France était en jeu, souligne M. Vanneufville, de l’université catholique de Lille, il faut comprendre qu’à l’inverse, aux yeux des Flamands, “la menace française était bien réelle”. Le Capétien avait déjà récupéré l’Artois (nord), l’arrachant à l’orbite flamande. 
“Le conflit était permanent entre le devoir de vassal et l’intérêt économique d’une Flandre tournée vers l’Angleterre, qui fournissait la laine aux drapiers flamands, alors que les grandes voies de commerce menaient vers l’est germanique”.
La victoire du fils de Philippe Auguste, Louis, le 2 juillet contre le roi d’Angleterre, Jean Sans Terre, à la Roche-aux-Moines, près d’Angers (ouest) avait précédé celle de Bouvines. Ces deux succès consacraient l’issue, victorieuse pour les Capétiens, d’une première guerre de 100 ans, face à leurs rivaux normands puis angevins, les Plantagenêt, ceints de la couronne anglaise. Ils perdaient définitivement le contrôle de la moitié ouest de la France, hors l’Aquitaine.
De cette défaite sont sortis un an plus tard la Grande charte (Magna Carta) et le Grand conseil imposés par ses barons mécontents à un Jean Sans Terre affaibli, aux racines du parlementarisme britannique.
Sur le continent, après Bouvines, le XIIIe siècle fut celui d’une première apogée de la France, celui de la Sorbonne, des cathédrales de style français (dit plus tard “gothique”) et de Saint Louis, petit-fils de Philippe Auguste et grand-père de Philippe-le-Bel.
Largement oubliée, Bouvines resurgit en 1914 pour son 700e anniversaire comme symbole opportun d’une victoire française contre l’ennemi héréditaire teuton, quelques semaines avant le terrible conflit.
Un siècle plus tard, changement net d’ambiance: le maire de Bouvines, Alain Bernard, souligne à l’AFP qu’il a voulu dédier ces festivités à la jeunesse d’une Europe occidentale en paix. 


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