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Benmoussa met les pieds dans le plat

Sentence inique à l’ encontre des prétendants aux concours de l’ enseignement


Hassan Bentaleb
Dimanche 21 Novembre 2021

Driss Lachguar : Une maudite décision anticonstitutionnelle et illégale

Benmoussa met les pieds dans le plat
« C’est une décision maudite », c’est ainsi que le Premier secrétaire de l’USFP a qualifié la dernière décision du département de l’Enseignement d’imposer de nouvelles conditions pour pouvoir passer le concours des enseignants relevant des  Académies régionales d’éducation et de formation (AREF), notamment celle relative à l’instauration de l’âge maximum à 30 ans au lieu de 40 ans. Pis, il considère cette décision comme une traduction  des orientations néolibérales du gouvernement remettant en cause ses assertions concernant l’« Etat providence ».

Intervenant devant le Conseil national du parti réuni samedi dernier à Rabat,  Driss Lachguar a précisé, en outre, que cette décision est anticonstitutionnelle et illégale puisqu’elle a fixé l’âge d’accès au concours des AREF à 30 ans sans justifier, pour autant, les motivations sous-tendant cette mesure, alors que le statut de la fonction publique fixe cet âge à 45 ans pour les catégories classées à l’échelle 10 et que le statut des cadres des AREF a fixé l’âge de 40 ans comme seuil pour le recrutement.

En effet, le département de l’Education nationale s’est contenté de déclarer que cette décision a été prise pour « attirer les jeunes candidats vers les métiers de l'enseignement, dans le but d'assurer leur engagement permanent au service de l'école publique et de réaliser l'investissement le plus efficace dans la formation et dans leurs parcours professionnels ».
L’ article 31 de la Constitution stipule que «l'Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales œuvrent à la mobilisation de tous les moyens à disposition pour faciliter l'égal accès des citoyennes et des citoyens aux conditions leur permettant de jouir des droits»
Pour sa part, Abdelhak Belfkih, professeur de droit constitutionnel et de sciences politiques à l'Université Mohammed Ben Abdellah-Fès, soutient  que cette décision est immorale et va à l’encontre de l’esprit de la Constitution. Selon lui, les dispositions constitutionnelles sont claires notamment en ce qui concerne l’égalité des chances et l’égalité devant la loi.

Dans ce sens, il  précise que le préambule de la Constitution édicte que le Royaume du Maroc, fidèle à son choix irréversible de construire un Etat de droit démocratique, « poursuit résolument le processus de consolidation et de renforcement des institutions d'un Etat moderne, ayant pour fondements les principes de participation, de pluralisme et de bonne gouvernance. Il développe une société solidaire où tous jouissent de la sécurité, de la liberté, de l'égalité des chances, du respect de leur dignité et de la justice sociale, dans le cadre du principe de corrélation entre les droits et les devoirs de la citoyenneté ».

Et d’ajouter que l’article 31 de la Loi suprême stipule que « l'Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales oeuvrent à la mobilisation de tous les moyens à disposition pour faciliter l'égal accès des citoyennes et des citoyens aux conditions leur permettant de jouir des droits » relatifs au travail et à l'appui des pouvoirs publics en matière de recherche d'emploi ou d'auto-emploi  et à l'accès aux fonctions publiques selon le mérite.

La décision du département de Chakib Benmoussa est également incompréhensible vu l’évolution du marché du travail qui se caractérise par une plus grande mobilité dans une conjoncture où cette mobilité est de plus en plus demandée entre le secteur privé et le secteur public. Cet enjeu est d'autant plus important à cause des départs massifs à la retraite particulièrement dans certains secteurs dont l’enseignement public et des défis de la situation démographique. En effet, et selon l’édition 2018 des indicateurs sociaux du Maroc publiée par le HCP, le poids de la population des adultes (15-59 ans) a atteint 62,8% en 2017 contre 47% en 1971. Autrement dit, près des deux tiers de la population du Maroc est en âge de travailler. Une situation qui pose un gros défi pour le Maroc dont l’économie peine à absorber cette population. Le taux d’activité (population occupant un poste ou à la recherche d’emploi rapportée à la population en âge de travailler) est très bas, en dessous des 45% contre plus de 60% dans les pays développés. De même, le taux de chômage est rigide à la baisse et s’élève encore à 10%. A noter également l’allongement de l’espérance de vie à la naissance, passée à 76,1 ans en 2017 contre 47 ans dans les années 1960, celle des femmes atteint désormais 77,8 ans.

La limite d’âge d’accès aux AREF demeure également inacceptable dans un contexte mondial marqué  par la tendance d’assouplissement des limites supérieures de l'âge permettant d'accéder à la fonction publique, voire à leur suppression. En fait, nombreux sont les gouvernements qui se sont engagés à étudier la possibilité de faciliter l'entrée dans la fonction publique de salariés ou de travailleurs indépendants dont l'expérience acquise dans le secteur privé pourrait bénéficier au service public.

Mais au-delà de ce débat constitutionnel et juridique, la limite de l’âge des recrutés à 30 ans aura également un coût social important. Elle risque de plomber davantage un climat social déjà très tendu à cause de la cherté de la vie et de l’augmentation du taux de chômage.

« Cette décision maudite aura pour conséquence l’exclusion d’un pan important des jeunes,  ce qui augmentera incontestablement  le sentiment de déception notamment chez les fraîchement diplômés des universités à accès ouvert (droit, littératures,…) qui n’ont pas beaucoup d’opportunités pour accéder au marché du travail », a conclu Driss Lachguar.


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