Bachir D’Khil, premier représentant des séparatistes en Angola et en Espagne : « Des composantes autres que le Polisario doivent être associées aux négociations sur le devenir des Sahraouis »


Propos recueillis par Ahmadou El-Katab
Jeudi 11 Août 2011

Bachir D’Khil, premier représentant des séparatistes en Angola et en Espagne : « Des composantes autres que le Polisario doivent être associées aux négociations sur le devenir des Sahraouis »
Membre fondateur du Polisario, Bachir D’Khil est parmi les premiers Sahraouis auxquels les colons espagnols avaient permis de passer les examens du baccalauréat. C’était l’après 68, l’effervescence des révolutions à travers le monde et la guerre froide qui divisait le monde en deux camps.
C’était à cette époque également qu’un groupuscule de jeunes Sahraouis allait créer ce qui, au début, était un mouvement de jeunes révoltés qui voulaient mettre fin à l’occupation espagnole du Sahara. Ce Mouvement donna naissance au Polisario dont l’Algérie allait s’accaparer pour l’armer et le diriger contre le Maroc, malgré l’engagement du Président Boumedienne de ne pas s’immiscer dans l’affaire du Sahara.
Comme la plupart des jeunes sahraouis de sa génération, Bachir allait prendre part aux activités de ce mouvement dont il était premier représentant en Angola puis en Espagne jusqu’à l’appel de S.M le Roi Hassan II «  La Patrie est clémente et miséricordieuse», invitant tous les Marocains séquestrés à Tindouf à rejoindre la mère patrie.
S’étant rendu compte que le mouvement auquel il s’était dévoué corps et âme s’était détourné de son objectif initial, Bachir saisit l’occasion pour rejoindre la patrie et se mit au travail dans le domaine social et associatif. Depuis son retour au pays jusqu’à nos jours, Bachir s’était consacré, uniquement, au travail social, sans jamais vouloir se présenter à un poste d’élu et ce, malgré les propositions qui lui ont été faites par certains partis politiques.  Avec la nouvelle Constitution pour l’adoption de laquelle il n’a ménagé aucun effort, Bachir a changé d’opinion concernant sa propre implication dans l’action politique nationale.
Interview.
 
Libé : Depuis votre retour au pays, vous n’avez jamais voulu vous porter candidat aux nombreuses élections que vous avez suivies. Si vous participez, maintenant, cela signifie que vous croyez au changement que la nouvelle Constitution induira, n’est-ce pas ?

Bachir D’Khil : Je voudrais, d’abord féliciter tous les Marocains pour l’adoption de la nouvelle Loi suprême, texte qui constitue un grand pas vers le changement auquel ils aspirent.
Pour répondre à votre question, je n’ai jamais voulu me présenter aux différentes élections qui me semblaient être, en fait, des mascarades,  dont les résultats étaient connus d’avance et qui, de mon point de vue, ne représentaient aucun intérêt. Aujourd’hui, avec la nouvelle Constitution et l’insistance de Sa Majesté le Roi, nous espérons que les futures élections seront transparentes, intègres et honnêtes avec pour seul objectif de servir le Maroc et les Marocains.
Nous sommes convaincus que cette étape constitue un pas vers  la démocratisation du pays. Nous venons, en effet, de franchir une nouvelle étape, à savoir la révision de la Constitution approuvée par la grande majorité des Marocains alors que le monde arabe et le Maroc connaissent une situation particulière et des mouvements réclamant le changement.
Ceci nous amène à penser que la participation de tous est indispensable pour asseoir ce changement dans l’intérêt du Maroc et des Marocains.
Toujours est-il que tous les patriotes qui ont longtemps boycotté les élections, doivent aujourd’hui y participer pour consolider le changement, la transparence et l’intégrité des élections.

Des rumeurs font état  de la démission de certains élus des partis sous les couleurs desquelles ils avaient brigué leurs mandats  parlementaires. Ces mêmes rumeurs rapportent qu’un certain nombre de ces partis aurait présenté une motion demandant l’exclusion de ces élus, pendant au moins un an, de toute possibilité de candidature sous les couleurs des partis qu’ils vont rejoindre. Qu’en pensez-vous ?

Si la nouvelle Constitution a interdit le nomadisme politique, c’est, tout simplement, parce que quand quelqu’un est élu, il ne lui est plus possible de quitter un parti pour un autre, tant que son mandat électoral est valide, car ce mandat  n’est pas le sien mais celui des militants d’un parti qui lui ont fait confiance, non pas parce que c’est une personne connue, mais que cette confiance  lui est accordée pour son appartenance à ce parti. Je suis personnellement pour l’adoption d’une telle motion condamnant le nomadisme que rien ne justifie, qui démontre le manque de sérieux des élus nomades et du peu de considération qu’ils accordent à leurs électeurs. Si ces élus sont daltoniens, leur exclusion pendant un an doit leur permettre de se faire soigner et de ne plus confondre les couleurs. Ils doivent comprendre que la liberté de mouvement garantie par la Constitution n’inclut pas le nomadisme entre les partis politiques qui, de mon point de vue, a créé une grande pagaille dans le champ politique marocain.

Est-ce que vous allez créer votre propre parti politique ?

Nous avions espéré que la Constitution allait tenir compte des particularités de chacune des régions et permettre la création de partis régionaux. Ce qui ne s’est pas passé, malheureusement.
Aussi, nous allons intégrer l’un des partis existants qui doivent tenir compte de ces particularités et décentraliser leurs actions et décisions au maximum afin de permettre aux militants et aux représentations dans chacune des régions de mener la politique qui sied à cette région.

Le vent de changement qui souffle sur le monde arabe aurait, selon des informations, touché les camps du Polisario. Qu’en pensez-vous ?

Le contraire aurait été étonnant, car les camps du Polisario sont dirigés par une poignée d’individus qui n’ont connu aucun changement depuis qu’ils ont pris cette direction il y a presque 40 ans. Abdelaziz est resté  à la tête de cette direction presque autant que Kadhafi. Son équipe et lui ont démontré leur incompétence. Les habitants des camps ont, de tout temps, essayé de dénoncer les faiblesses de cette équipe. Ce qui a valu à bon nombre d’entre eux d’être incarcérés dans les geôles. L’appel Royal « La Patrie est clémente et miséricordieuse » a permis à des milliers d’entre eux de fuir les camps. Et ceux qui  sont restés, ils l’ont fait parce qu’ils n’ont pas les moyens de partir. Mais la contestation a toujours existé et avec le Printemps arabe, elle s’est exprimée à travers la création de mouvements opposés au Polisario, dans plusieurs pays européens ou ailleurs.
Malgré tout cela, la direction du mouvement séparatiste reste la même avec ses carences. Quant à ce qu’on appelle le Printemps arabe, parmi ces  avantages, nous citons le fait qu’il a attiré l’attention du monde sur les dictatures arabes et sur la nécessité de changement que réclament les peuples arabes. La rue arabe a besoin de solutions pour les nombreux problèmes, entre autres le chômage, la participation des élites et des jeunes, l’alternance, etc. Nous devons comprendre que le concept de leader infaillible a changé. Fini le temps de l’oligarchie qui dirige le pays à travers les membres de la famille du leader. Les temps ont changé, les dirigeants du Polisario comme ceux du monde arabe, en général doivent le comprendre, l’admettre et s’y faire. Les populations arabes ont besoin de dirigeants capables de répondre à leurs aspirations.

Le Maroc vient d’acquérir des avions F16. Ce fut l’occasion pour Abdelaziz de le dénoncer, lui qui ne s’est jamais prononcé sur les milliards de dollars dépensés par l’Algérie pour son armement. Quel est votre point de vue sur la question ?

Abdelaziz a oublié que ce dont il doit parler c’est du commerce qu’il a fondé et continue de développer à Tindouf et ailleurs, ce sont les centaines de Sahraouis morts ou portés disparus dans ses geôles pour avoir réclamé le changement dont il oublie toujours de parler.
Il a aussi oublié qu’il n’a pas pu résoudre les problèmes de milliers de Sahraouis qui n’ont pas la possibilité de quitter les camps. Il a, surtout, oublié que son équipe et lui appartiennent à une ère révolue et qu’ils doivent se retirer et permettre aux jeunes de s’exprimer. Il doit comprendre que le Maroc est un Etat souverain qui a ses stratégies et ses alliances et que l’achat d’armes est moins destructif pour le Maghreb que de laisser des générations parmi ses populations sans avenir. Il doit comprendre que les derniers évènements de G’dim Izik ont démontré la capacité des Sahraouis de diriger et d’organiser leur vie. Il doit, par conséquent, se préparer à céder la place, lui et ses acolytes, aux jeunes générations qui sauront prendre la décision la plus réaliste, à savoir soutenir la solution d’autonomie élargie proposée par le Maroc. Il doit enfin être conscient du fait que tout le monde, à commencer par l’ONU, réclame une représentation concrète des Sahraouis et qu’il y a d’autres composantes que le Polisario qui doivent être associées aux négociations sur le devenir des Sahraouis. 


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