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Avec un tel argument, on pourrait s’attendre à un mélodrame et au spectacle de «pathos». Rien de tel: le Théâtre Anfass, nous offre, encore une fois, avec «Kharif» un moment de pur théâtre, si l’on veut bien admettre que la spécificité de cet art est le geste, le mouvement et le verbe quand il se fait chair.
Dans « Kharif », un monodrame initialement, le personnage - narrateur a un double visage figuré par deux actrices de talent, bien dirigées. (Une première qualité par laquelle se distingue Asma Houri.) L’une, Salima Moumni, ne profère pas un seul mot : tout en attitudes, en mouvements rythmiques, expressions du visage et du corps tout entier, sa performance donne une présence organique à la souffrance, au rejet social, aux effets de la terrifiante maladie et au sentiment de l’injustice :
« Pourquoi moi ! …. Pourquoi moi !» crie, l’autre figure du personnage – narrateur, Farida Bouazzaoui, face au ciel dirions-nous, comme dans les héros des tragédies antiques.
Asma Houri signe une mise en scène, tout en retenue et sensibilité. Elle ne semble pas avoir cherché à relater un drame mais à rendre présent, ce qui sous- tend le drame, au sens fort : angoisse et déchirement, souffrance, impuissance et révolte. L’écriture scénique, car il y a véritablement une écriture scénique, est épurée des scories et excès de « spectaculaires » qui souvent tentent les jeunes metteurs en scène. Sur la grande scène du Théâtre national, délimité par des pendrillons noirs se détachent, en robes rouges, une première puis une deuxième actrices. Leur jeu est sobre.
Pas un geste de trop ou un déplacement inutile. L’espace scénique est dépouillé et laisse le jeu se déployer: c’est un plateau nu avec une armoire dans le lointain. Objet fonctionnel et symbolique, l’armoire installe l’automne dans la chambre à coucher du couple. On en sort vêtements et accessoires et à la fin du monodrame, on y range vêtements et ce qui semble renvoyer à des feuilles mortes. Un tabouret est posé au milieu du tas de bouts de tissus, de couleurs variées, à dominante automnale, éparpillés sur le sol comme le seraient des chutes de feuilles mortes. Kharif : cycle saisonnier, renvoie ici à un automne prématuré dans la vie brisée d’une jeune femme.
Une feuille blanche (le récit- testament ? page arrachée dans la vie de la jeune femme?) échappe, sur fond noir coupé par deux taches rouges ( les robes), des mains du personnage - narrateur muet. Il tente vainement de la ramasser, lire et délivrer un « message » ? Asma Houri use délicatement de métaphores et d’allégories comme , par exemple dans cette scène représentant le personnage- narrateur -muet coupant nonchalamment, avec des ciseaux des morceaux de sa robe pour les voir tomber, en geste de désespoir, comme, en automne l’arbre assisterait impuissant à la chute de ses feuilles…
La caractéristique majeure de cette mise en scène, outre le pari relevé par Asma Houri de prendre un texte à faible potentiel de théâtralité, reste la conciliation du souci esthétique avec la force dans l’expression, et l’unité de style : tous les éléments concourent harmonieusement à produire de l’émotion et du plaisir, une musique, tout aussi épurée, soudée à la gestualité, une scénographie d’autant plus expressive qu’elle ne cherche pas « à se montrer »,un éclairage efficace dans sa discrétion, un jeu sans fioriture. Une marque de fabrique de la compagnie Anfass ? En tout cas, la confirmation d’une ligne esthétique par laquelle se distingue ce collectif autour de Asma Houri, Rachid Bromi et Issam Yousfi.