Authentique et ouverte, la chanson amazighe à la conquête de l’universalité


MAP
Samedi 9 Juin 2012

Authentique et ouverte, la chanson amazighe à la conquête de l’universalité
La chanson amazighe s’est de plus en plus illustrée, ces dernières années, sur la scène musicale au point de se tailler une place de choix dans le répertoire national, à la faveur de sa diversité, son authenticité et de sa nature flexible et ouverte, qui lui permettent désormais de prétendre à l’universalité.
Forte de son histoire millénaire et de sa polyphonie linguistique, cette forme d’expression amazighe est un terreau fertile et une source intarissable d’inspiration pour les nouvelles générations, dans le sillage de l’intérêt sans cesse croissant dont elle fait l’objet autant auprès des mélomanes que des musicologues.
Selon l’écrivain-chercheur Ahmed Assid, la chanson amazighe en tant qu’expression artistique très variée et enracinée dans l’histoire du pays, a connu un grand essor, quoique les études ayant approché cette thématique n’ayant commencé à être connues du grand public que depuis une date assez récente.
En effet, chaque région du Royaume est portée par une expression artistique originale, allant du fin fond du sud, aux recoins les plus reculés du nord, en passant par les agglomérations amazighophones du centre, a-t-il expliqué.
Au sud, elle est empreinte de son prolongement subsaharien, à travers ce qu’on appelle al makam al khoumassi (palette de mélodies composée de cinq niveaux) et l’utilisation des instruments de percussion caractéristiques des pays subsahariens, a-t-il indiqué.
Au centre, on constate une grande variété de niveaux musicaux makamat, tandis que dans le nord, les sonorités sont marquées par une ouverture sur les influences provenant du bassin méditerranéen, a-t-il poursuivi.
Sur le plan thématique, a-t-il fait observer, la chanson amazighe aborde tous les aspects de la vie et célèbre les différentes péripéties de la condition humaine, mais schématiquement elle s’articule autour de deux axes: les sujets sentimentaux (amour, passion) et les sujets de critique sociale et politique (chanson engagée).
“En général, les chansons traitant d’amour sont plus répandus au Moyen-Atlas, au moment où la chanson rifaine est plutôt marquée par le thème de l’identité, contre une prédominance de la critique sociale et politique chez les Rwaïss du Souss”, a précisé M. Assid.
Côté rythmes, le chercheur fait remarquer l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes plus enclins au mixage du local/traditionnel avec les rythmes du monde, répondant par là-même aux attentes des jeunes, comme en témoigne l’expérience du groupe Amareg Fusion, qui a su donner un nouveau souffle à la chanson amazighe des Rwaïss.
Pour M. Assid, l’avenir de la chanson amazighe ne saurait être compromis par l’utilisation des instruments modernes, puisque la quintessence de l’expression artistique est jalousement préservée, voire même renforcée par le renouvellement qu’exige l’air du temps.
Même son de cloche du côté de Mohamed Sellou, chercheur et directeur du département de la communication à l’IRCAM, pour qui la musique d’expression amazighe a connu une avancée significative, durant les années 70, dans la foulée du phénomène Nass El Ghiwan et du contexte sociopolitique de l’époque.
On allait ainsi assister à l’émergence d’une multitude de groupes, tels Oudaden, Izenzaren, Ousman, Inou Mazigh, a-t-il rappelé, faisant observer que la chanson rifaine, en particulier, a opéré une rupture avec le style traditionnel pour épouser des thématiques plus engagées.
Cette rupture s’est poursuivie jusqu’à une date récente, lorsque les artistes ont entamé un retour au terroir, de plus en plus empreint de langueur et de nostalgie pour célébrer la chanson sentimentale, a-t-il relevé.
A l’origine de cette mutation, le chercheur cite l’apparition de groupes et d’artistes résidant à l’étranger ayant fait leur carrière au contact de la musique occidentale, comme c’est le cas de Zahra Hindi, Saida Fikri, entre autres.
Pour lui, il va sans dire que le développement de la chanson amazighe reste tributaire de l’effort consenti par les artistes, dont il a salué le professionnalisme tant au niveau technique (rythmes, sonorités, instruments) qu’au niveau de l’interprétation, comme en témoignent les tubes du groupe d’Amouri M’barek et de Belaid El Akkaf.
C’est précisément cette faculté à conjuguer le local à l’universel qui laisse Idriss Elkaissi, acteur associatif et chercheur dans la culture amazighe, confiant en l’avenir de la chanson amazighe, a fortiori d’une synergie entre l’artiste et l’intellectuel. On peut espérer un bel avenir pour cette composante culturelle marocaine notamment si l’artiste et l’intellectuel entrent en interaction, a-t-il souligné.
Il en veut pour illustration de cette coopération, qui a hissé la musique amazighe au rang de l’universalité, l’expérience de la symphonie Fazaz, un orchestre composé de 27 personnes maniant l’Outar, 10 tenant le bendir, accompagné d’un choral de femmes.
Dans cette optique, le chercheur a rappelé la mémoire de feu Mohamed Rouicha qui a su, avec son génie musical, jouer un rôle majeur dans le développement et l’enrichissement de la chanson amazighe, en capitalisant avec brio sur le legs des écoles artistiques antérieures et particulièrement sur l’apport du recteur de la chanson amazighe Hammou Elyazid.
Qu’à cela ne tienne, la préservation et le développement de la chanson amazighe, comme composante essentielle de la culture marocaine, relèvent de la responsabilité de toutes les parties concernées (responsables, artistes, producteurs, institutions, grand public).
Car, in fine, il en va de la cohésion de l’ensemble des affluents qui irriguent l’identité et la culture marocaines dans leurs ramifications et leurs sources arabo-islamique, amazighe, sahraouie-hassanie, africaine, andalouse, juive et méditerranéenne.


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