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Aura-t-on sonné le glas des violences faites à la femme ? C’est pas demain la veille

L’adoption d’une loi en la matière laisse comme un goût d’inachevé


T. Mourad
Vendredi 16 Février 2018

Après plusieurs années de tergiversations, le Parlement a fini, mercredi, par adopter le controversé projet de loi contre les violences faites aux femmes.
Cette loi tant attendue a été votée en deuxième lecture par la Chambre des représentants. 168 députés ont voté pour et 55 contre ce projet de loi qui définit la violence faite aux femmes comme étant « toute violence matérielle ou morale ou abstinence basée sur le genre, entraînant un dommage physique, psychologique, sexuel ou économique pour la femme ».
Malgré son importance, cette loi ne fait pourtant pas l’unanimité au sein des associations féminines qui assurent qu’elle est insuffisante pour faire face à ce phénomène.
« En fait, il ne s’agit pas d’une loi à proprement parler », a expliqué Zahra Ouardi, ex-présidente de l’Union de l’action féminine (UAF) et membre de la Commission régionale des droits de l'Homme de Casablanca-Settat, dans une déclaration à Libé. « Il s’agit de plusieurs amendements modifiant des articles du Code pénal et du Code de procédure pénale », a-t-elle ajouté.
« Nous ne sommes pas opposées à  cette loi qui pourrait réduire les violences faites aux femmes, mais nous et les autres associations féminines et des droits de l’Homme avons toujours appelé à l’adoption d’une loi globale contre les violences faites aux femmes » qui ne comprendrait pas seulement la répression, qui est pourtant fondamentale, mais qui devrait également porter sur la protection et la prévention.
Notre interlocutrice nous a, par ailleurs, assuré que ce dossier ne concernait pas uniquement le ministère de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social et celui de la Justice, mais aussi d’autres départements ministériels tels que l’Intérieur, l’Education nationale, la Culture et la Communication.
Zahra Ouardi a  également critiqué le fait que ce texte ait été adopté sans concertation avec les associations défendant les droits des femmes. « Nous avons adressé des mémorandums à qui de droit. Nous avons aussi adressé une lettre au chef du gouvernement, Saad Eddine El Othmani, lui demandant de retirer ce projet de loi et de le réviser. Malheureusement nous n’avons reçu aucune réponse de sa part », a-t-elle souligné. Un comportement qui contredit, selon elle, l’un des principes de la Constitution de 2011 qui dispose dans son article 12 que les organisations non gouvernementales contribuent, dans le cadre de la démocratie participative, à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des décisions et des projets des institutions élues et des pouvoirs publics.
Pour sa part, l'Association marocaine de lutte contre la violence à l'égard des femmes, a jugé cette loi « insuffisante, car elle passe sous silence le problème du viol conjugal », indique l’agence AFP.
Quant à l'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), elle avait souligné récemment que certaines sanctions proposées par la loi traduisent une évolution mais sont toujours en dessous des normes internationales en matière de protection des droits de la femme. Mobilising for Rights Associates (MRA) est du même avis et avait, elle aussi,  souligné, dans un communiqué, les lacunes de ce projet de loi qui a fermé les yeux sur de nombreuses préconisations de la société civile pour l'améliorer. La criminalisation du viol conjugal par exemple, réclamée depuis des années, est toujours passée sous silence.
Idem pour Nouzha Skalli, militante pour l’égalité des sexes et ancienne ministre du Développement social, de la Famille et de la Solidarité, qui a précisé, dans une déclaration relayée par le journal « Le Monde que « le texte ne prend pas en compte les définitions internationales en matière de violences à l’égard des femmes. Le viol conjugal n’est par exemple pas puni » et « cette loi ne modifie que quelques articles du Code pénal, alors que celui-ci reste fondamentalement basé sur des concepts obsolètes, comme l’atteinte à la pudeur publique ou la pénalisation des relations sexuelles hors mariage ». Elle a aussi regretté « l’absence d’un esprit de consensus » dans l’élaboration du texte.
Un rapport gouvernemental publié en 2015 avait indiqué que les affaires de violences physiques soumises aux tribunaux marocains en 2014 sont en augmentation de 8,33% par rapport à 2013 et que les violences  sont commises par des hommes majeurs dans environ 88% des cas.
Les juridictions de Marrakech, El Jadida, Kénitra, Rabat et Béni Mellal enregistrent plus de la moitié des affaires recensées dans ce rapport qui a fait remarquer qu’à Kénitra, par exemple, une ville peu peuplée par rapport à Casablanca ou Rabat, le nombre des agressions violentes, c’est-à-dire celles menant à une incapacité physique de plus de 20 jours, est très important.
Par ailleurs et selon une enquête publiée par le Haut-Commissariat au plan (HCP), 40,6% des femmes en milieu urbain âgées de 18 à 64 ans ont déclaré avoir été « victimes au moins une fois d’un acte de violence ». Les lieux publics sont les endroits où la violence à l’égard des femmes est la plus manifeste, d’après une étude de l’Observatoire national de la violence faite aux femmes.
Cette étude avait également relevé que cette violence  est d’abord urbaine et que sa prévalence augmente avec la précarité socio-économique.
Ladite étude avait aussi démontré que le risque qu’une femme urbaine soit violentée est supérieur à celui d’une femme rurale de 12,7% pour la violence physique conjugale, de 35,4% pour la violence sexuelle et de 7,8% pour la violence psychologique.
Ensuite, l’augmentation d’une année d’âge réduit de 1,9% le risque de violence physique à l’égard d’une femme dans le cadre conjugal, de 2,2% le risque de violence sexuelle et de 0,7% le risque de violence psychologique.  
Enfin, le taux de prévalence de la violence physique parmi les femmes au chômage, par rapport aux femmes actives, est de 140%. Il est deux fois supérieur en termes de violence psychologique en milieu familial et 4 fois en termes de violence attentatoire à la liberté personnelle.


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