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Au grand dam des demandeurs d’asile marocains, le Maroc est un pays sûr

L’Italie occupée à confectionner un plan de retour des migrants irréguliers


Hassan Bentaleb
Mardi 15 Octobre 2019

Faut-il s’attendre à un refoulement massif des Marocains demandeurs d’asile déboutés par Rome ? Oui, à en croire Luigi Di Maio, ministre des Affaires étrangères italien, qui a présenté dernièrement un plan de retour accéléré des migrants en situation irrégulière vers leur pays d’origine. Le Maroc figure parmi les 13 pays concernés (Algérie, Tunisie, Albanie, Bosnie, Cap Vert, Ghana, Kosovo, Macédoine du Nord, Monténégro, Sénégal, Serbie et Ukraine) et considérés comme «pays sûr». Les ressortissants de ces pays représentent, selon lui, plus d’un tiers des 7.000 arrivées enregistrées cette année.   

Le Maroc, pays sûr
Selon un décret ministériel présenté le 4 octobre dernier par Luigi Di Maio et son collègue de la Justice, Alfonso Bonafede, les demandes d'asile des migrants arrivant de ces pays seront rejetées, à moins que ces personnes ne démontrent qu’elles seront en danger si elles rentraient chez elles. Les décisions concernant leur renvoi seront prises dans un délai de quatre mois et non de deux ans notamment pour ceux qui sont arrivés en Italie et qui n’ont pas les moyens d’y rester.
Ledit décret prévoit également l’extension de la liste des pays sûrs et le renforcement de la coopération bilatérale avec les pays africains. A ce propos, Luciana Lamorgese, ministre de l’Intérieur, soutient la mise en place de nouveaux accords de réadmission avec les pays d'origine des flux et la mise en œuvre de ceux qui sont déjà en vigueur.
En fait, la directive européenne 2013/32 permet aux pays membres de l’UE d’établir la liste des pays considérés comme "sûrs". De son côté, la directive du 1er décembre 2005 relative à  l’harmonisation des politiques d’asile des Etats membres prévue par le traité d’Amsterdam a précisé que «la sûreté du pays se caractérise, d’une part, par l’absence de risque pour la vie ou la liberté du demandeur d’asile  pour l’un des motifs de la convention de Genève ou d’atteintes graves au sens de la directive de qualification, d’autre part, par le respect par cet Etat du principe de non refoulement stipulé par l’article 33 de la convention de Genève, ainsi que de l’interdiction requise par le droit international de toute mesure d’éloignement susceptible de l’exposer à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, enfin par la possibilité d’y solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié et d’y bénéficier d’une protection conformément à la Convention de Genève. L’application du concept de pays tiers sûrs se voit subordonnée à un examen individuel en vue de déterminer si le pays tiers concerné est sûr pour le demandeur».

Des retours suspendus
Jusqu’au 22 septembre dernier, l’Italie avait ordonné 5.244 retours dont 5.044 forcés et 200 volontaires d’après des chiffres émanant du ministère de l’Intérieur italien.  Des chiffres en légère diminution par rapport aux années précédentes. En effet, 2017 avait enregistré 7.383 retours dont 6.514 forcés et 869 volontaires. De son côté, 2018 avait été marquée par le retour vers leur pays d’origine de 7.981 personnes dont 6.820 de manière forcée et 1.161 volontaire.
Selon la Direction centrale de l’immigration et de la police des frontières, 457 Marocains en situation irrégulière ont été expulsés entre le 1er janvier et le 15 juin derniers. La même période a enregistré également le retour de 680 Albanais, 510 Tunisiens, 164 Egyptiens, 155 Nigériens, 91 Péruviens, 85 Géorgiens, 69 Ukrainiens, 59 Moldaviens et Chinois. La Liste compte également des ressortissants de pays comme le Sénégal, le Bangladesh, l’Algérie, le Kosovo, etc.   
Entre 2015 et 2017, la première nationalité des ressortissants ayant reçu le plus grand nombre d’ordres de quitter le territoire a été la marocaine avec 25.000 décisions suivie de la  tunisienne (12.965), de la nigérienne (5.500) et de l’Egyptienne (5.095), selon des chiffres révélés par le journal « Corriere Della Sera ». Cette même source estime que seulement un Marocain sur dix est expulsé en dépit de la collaboration des consulats marocains et malgré la signature d’un accord de réadmission entre le Maroc et l’Italie en 1998. Ce n’est pas le cas de l'Egypte et de la Tunisie, où une personne sur trois est contrainte de rentrer chez elle (4.205 en Tunisie et 1.655 en Egypte). Le premier accord avec la Tunisie a été signé en 1998, puis renforcé en avril 2011 avec la mise en place de procédures rapides pour le rapatriement des Tunisiens débarqués illégalement, contre un engagement d’assistance de la part de l'Italie en faveur de la Tunisie.
D’après un rapport ISPI (Institut d'études politiques internationales), si l’Italie compte aujourd’hui près de 500.000 migrants irréguliers, seuls 20% d’entre eux ont reçu l'ordre de quitter le territoire et ont été rapatriés vers leurs pays d’origine entre 2013 et 2017. Ces ordres d’expulsion concernent en priorité les demandeurs d’asile déboutés, ceux dont le permis de séjour a expiré et les migrants qui ne jouissent pas des conditions nécessaires d’habilitation. La seule exception concerne les mineurs, les apatrides ou ceux qui attendent toujours une réponse à une demande d'asile ou à une protection internationale.

Le Maroc coopère mais résiste
« Le Maroc a effectivement signé un accord de réadmission avec l’Italie qui consiste à accepter le retour de ses ressortissants en situation administrative irrégulière. Mais, cet accord a été mis en stand-by par Rabat après son entrée en vigueur et le Maroc a même menacé d’y  mettre un terme», nous a indiqué Said Machak, chercheur en droit international sur la migration et l’asile. Et de nous expliquer que « cette position du Royaume a été prise pour  protester contre Rome qui a procédé à des refoulements massifs et arbitraires de migrants marocains sans respecter les dispositions dudit accord. Les opérations de refoulement ont été effectuées sans traitement des dossiers individuels, sans vérification des identités et sans respect de la dignité humaine de ces migrants».
Notre source nous a affirmé que cet accord a été modifié par la suite en y incluant certaines conditions dictées par le Maroc, à savoir que toute opération de retour ne doit être effectuée que si les autorités italiennes sont sûres des identités des personnes expulsées, que ce retour est motivé par des raisons fondées et respectant la dignité des refoulés et que les retours ne concerneront que les ressortissants que le Maroc accepte d’accueillir. « Le Royaume a donc fait le choix de mesures fermes et rigides afin d’entraver tout refoulement massif des migrants irréguliers vers son territoire. Il coopère, mais dans le cadre de conventions et d’accords signés entre les deux parties.
Ce n’est pas le cas concernant la Tunisie et l’Egypte où l’Italie a préféré jouer la logique des compensations et du chantage au détriment des droits des migrants ; ce qui constitue une entrave aux droits élémentaires des migrants et une violation des engagements de l’Italie vis-à-vis de l’UE », nous a-t-elle précisé. Et de conclure : « En effet, la droite populaire italienne est en train de chercher par tous les moyens à opérer des retours rapides et plus aisés des migrants irréguliers vers leurs pays d’origine sans tenir compte de leurs  droits».


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