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Au fait, la sécheresse n'a rien d’inédit


Hassan Bentaleb
Mardi 24 Mai 2022

Les discours alarmistes se suivent et se ressemblent inutilement

Au fait, la sécheresse n'a rien d’inédit
“Répétés trois fois, les mots deviennent fades comme l’eau”, c’est ainsi qu’on peut qualifier le discours du ministre de l’Equipement et de l’Eau, Nizar Baraka, sur le stress hydrique dans notre pays. En effet, l’opinion publique a droit, depuis des semaines, au même discours alarmiste, inquiétant voire catastrophiste sur la menace qui guette nos ressources hydriques et sur l’avenir sombre qui nous attend. Pas plus tard que lundi dernier au Parlement, le ministre a ressassé le même récit timoré en ajoutant d’autres éléments plus dramatiques : le gaspillage et l’usage excessif des ressources hydriques. D’après lui, le gaspillage représente l’équivalent de deux mètres de nappe phréatique chaque année. Un état des lieux qui s’est amplifié par la multiplication de puits informels, à en croire le ministre, partout dans le monde rural. Nizar Baraka a révélé que plusieurs canaux d’irrigation perdent 30 à 40% de leurs ressources sans qu’ils ne soient exploités tout en précisant que les pertes peuvent, parfois, culminer à 60%. En plus de ces lacunes, le ministre pointe du doigt ce qu’il a nommé “le vol de l’eau”, en indiquant que près de 40% du cours d’eau destiné aux terres agricoles est détourné pendant son passage. Même au niveau des recettes proposées pour sortir de cette situation, le ministre n’innove pas suffisamment. Il se contente d’annoncer l’élaboration d’un plan pour assurer la sécurité de l’eau, basé sur l’accélération du rythme du programme d’achèvement des barrages et d’utilisation de la technique du dessalement de l’eau. Pour le Pr. Taieb Boumeaza, géographe et professeur à l’Université Hassan II de Casablanca, le dossier du stress hydrique est devenu aujourd’hui un sujet à la mode notamment avec le débat sur le changement climatique, la sécheresse et l’environnement. Concernant le stress hydrique qui touche certaines régions du Maroc et les effets du changement climatique sur les ressources hydrauliques, notre interlocuteur estime que le changement climatique ne concorde nullement avec les conditions météorologiques ou climatiques annuelles qui sont très variables d’une année à l’autre dans l’espace méditerranéen. «Quand on parle des changements climatiques, on évoque les données climatiques et biogéographiques (végétation, flore et faune) sur une période assez significative pour dire si vraiment il y a un changement ou pas. Ceci s’applique également aux pays du Nord de la Méditerranée. On n’est jamais sûr si l’année sera arrosée ou sèche», nous a-t-il indiqué. Et de poursuivre : «Le décideur marocain a des informations concernant les quantités d’eau consommées, mais il ne peut pas prédire la pluviométrie. Le cycle climatique n’est pas stable et il est marqué par des périodes exceptionnelles. Et nous avons pris l’habitude de cette situation. C’est le cas également en Espagne, en France et en Italie, à titre d’exemple, avec qui on partage un climat méditerranéen». Pour notre interlocuteur, le problème réside au niveau de l’administration chargée de la gestion de ce dossier et qui accapare le débat sur le sujet en excluant les scientifiques et les personnes dotées d’expérience dans ce domaine. «Les responsables administratifs excluent tout le monde, scientifiques, société civile et les personnes maîtrisant un vrai savoir, savoir-faire, pratiques et représentations sur leur environnement naturel. Pis, le ministre de tutelle himself est écarté, nous a-t-il affirmé. Alors qu’il faut l’implication des géographes, des géologues, des ingénieurs hydrographes et même des agricultures, notamment les anciens qui disposent de savoirs locaux». Le Pr. Taieb Boumeaza soutient qu’il faut également revoir la politique de construction des barrages qui doit être opérée en orientant les projets vers les zones à fort apport pluviométrique telles que celles rifaines et atlasiques là où il y a des conditions topographiques et géologiques favorables. Il estime également qu’il faut accorder plus d’intérêt aux barrages moyens de proximité afin de limiter les frais de transfert d’eau et de promouvoir l’indépendance régionale ou locale en matière d’eau. Cela doit être fait, toujours selon notre source, en prenant compte des études techniques (géophysique, géologique, climatologique et géomorphologique), des conditions naturelles, de l’étude d’impact de longue durée et de la faisabilité du projet engagé. D’après lui, il est temps de réfléchir à la possibilité de recourir à des pipelines aquatiques. Lesquels constitueront, toujours selon lui, un réseau vital pour les régions démunies. «Des pipelines sont utilisés partout dans le monde pour l’acheminement du pétrole et du gaz, alors on fera l’exception en transportant l’eau vers nos régions du Sud et au Sahara (la Californie du Royaume dans l’avenir) où les potentialités agricoles et les sols n’attendent que d’être irrigués pour valoriser ces grands espaces qui disposent d’un rayonnement solaire adéquat et de températures clémentes. De tels projets insuffleront à ces régions un dynamisme économique en matière agricole dont le fruit sera orienté vers l’Afrique où la demande est toujours importante. Ceci contribuera également à une expansion urbaine des petits centres des régions méridionales du Royaume», développe-t-il. A ce propos, le Pr. Taieb Boumeaza a rappelé que les institutions qui gèrent le domaine de l’eau au niveau national n’ont ni les moyens ni le pouvoir de procéder à un dispatching (distribution + réseau) ou à une gestion interrégionale car elles n’ont pas de moyens logistiques patents. «Chaque région (bassin hydraulique) est propriétaire de son stock aquatique car il y a un manque de connexion entre les bassins ou entre les régions. On a des connexions électriques mais pas aquatiques», nous a-t-il expliqué en indiquant que notre pays serait en mesure d’alimenter nos voisins algériens si les deux pays arrivaient à construire un pipeline aquatique qui relierait le barrage Mohammed V sur la Moulouya à la région d’Oran afin de l’alimenter en eau potable. 


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