Akihito et Michiko Révolution douce au Palais impérial du Japon

La rupture avec la tradition attire les regards, et les faits et gestes de Michiko seront constamment observés


Samedi 27 Avril 2019

L'empereur Akihito du Japon et l'impératrice Michiko ont, en trente ans de règne, fait évoluer en douceur le très rigide système impérial japonais, en allant au-devant du peuple et en distillant un message de paix.
Sous son air frêle et effacé, le souverain à la voix douce s'est distingué, depuis le choix d'un mariage d'amour avec une roturière rencontrée sur un court de tennis, jusqu'aux remords exprimés au fil de pèlerinages sur les lieux des exactions de l'ancienne armée impériale pendant la première partie du XXe siècle à travers l'Asie.
Sa façon d'être, ses visites aux victimes de catastrophes naturelles au bras de Michiko, ont pu contrarier les traditionalistes de droite, pour lesquels son rôle devrait se confiner strictement à la prière et à l'exécution d'une multitude de rites au rythme des saisons, mais elles lui ont attiré le respect et l'affection du grand public.
Il est né le 23 décembre 1933, alors que son pays était lancé dans une conquête militariste de l'Asie au nom de son père, l'empereur Hirohito. Il a 11 ans lorsque la Seconde guerre mondiale s'achève le 15 août 1945 par une humiliante capitulation sans condition du Japon, exsangue.
Hirohito est déchu de son statut semi-divin et devient, en vertu de la Constitution pacifiste imposée par l'occupant américain, "symbole de l'Etat et de l'unité du peuple", dénué de pouvoir politique.
Akihito hérite du trône du Chrysanthème en janvier 1989 à la mort de son père, même si la cérémonie d'intronisation a lieu l'année suivante. Il est le 125e empereur du Japon.
Avec lui, Michiko Shoda, d'à peine un an sa cadette, fille d'un marchand de céréales, élève d'un établissement catholique de Tokyo, devient la première impératrice qui ne soit pas issue de la noblesse. Leur mariage en 1959 avait fait sensation dans le pays.
Le couple décide de vivre avec ses trois enfants, une fille et deux garçons, dont le prince héritier Naruhito né en 1960, au lieu de les confier à des gouvernantes. Akihito, lui, avait été enlevé à ses parents à 3 ans. Une de ses éducatrices, l'Américaine Elisabeth Gray Vining, évoquera dans ses mémoires la vie "triste et recluse" du "pauvre petit garçon".
La rupture avec la tradition attire les regards, et les faits et gestes de Michiko seront constamment observés. Une fausse couche, le stress induit par les dures critiques des plus conservateurs et par les ragots des tabloïds la feront s'éclipser un temps et affecteront sa santé, selon les médias.
Mais elle accompagne son époux dans presque toutes ses très nombreuses obligations. Tous deux, devenus si ressemblants avec leurs cheveux gris perle, leur lente démarche élégante, semblent inséparables.
Michiko a contribué à humaniser la relation entre le souverain et l'homme de la rue. C'est elle qui aurait appris à l'empereur à s'accroupir ou s'agenouiller pour parler aux victimes de désastres naturels dans les refuges. Lors d'une récente réception de la société civile au Palais impérial, on pouvait la voir se mêlant à la foule bon enfant, trottinant courbée d'un groupe à l'autre, saisissant les mains de certains.
Après le tremblement de terre et le tsunami de 2011 qui ont provoqué la catastrophe nucléaire de Fukushima, Akihito a fait une intervention télévisée sans précédent pour encourager la population. Deux mois plus tard, le couple se rendait dans la région.
"Le legs le plus précieux venant d'Akihito et Michiko réside dans leurs efforts concertés pour mettre leur prestige impérial au service des membres les moins privilégiés de la société japonaise", dit à l'AFP Kenneth Ruoff, spécialiste du Japon à l'Université de Portland, estimant qu'"aucun politique" ne les a égalés.
Pour beaucoup, la popularité de l'empereur a permis à cet homme de pousser les limites et d'exprimer de manière subtile ses opinions, alors même que la Constitution lui interdit d'aborder des sujets politiques.
Il affiche clairement une aversion pour le nationalisme. Il a dit ces dernières années ses "profonds remords" pour les exactions commises par le Japon au XXe siècle, des propos parfois interprétés comme un rejet de la posture nationaliste du Premier ministre Shinzo Abe. Au cours d'un voyage qui a fait date en 1992, il avait admis que le Japon "a infligé de grandes souffrances à la population chinoise".
En 2001, il était allé jusqu'à évoquer, en conférence de presse, le fait qu'une partie de ses ancêtres provenaient de la péninsule de Corée, véritable chiffon rouge pour les nationalistes.
"Je ne pense pas que nous ayons vu un empereur aussi honnête et humain que lui", écrit Masayasu Hosaka, auteur d'un ouvrage sur Akihito et son père.
"Etre empereur peut être une tâche solitaire", avait déclaré pour ses 80 ans le souverain. "Mais la présence à mon côté de l'impératrice m'a apporté le réconfort et la joie. Elle a toujours respecté ma position et m'a soutenu".


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