
Yadh Ben Achour, juriste respecté qui a dirigé en 2011 une instance chargée de réaliser les objectifs de la révolution, ne mâchait pas ses mots dans un entretien au quotidien La Presse fin août.
«Oui, nous risquons dans peu de temps de nous retrouver dans une dictature pire que celle (du régime déchu) de Ben Ali, une dictature théocratique. Oui, nous risquons de perdre l’un des acquis les plus chers de la révolution: la liberté d’expression», jugeait-il.
En cause: le conflit croissant entre les islamistes d’Ennahda et les médias publics dont les nouvelles directions, nommées à la chaîne par le gouvernement, sont accusées de complaisance à l’égard du pouvoir.
En cause aussi les poursuites engagées pour atteinte à l’ordre public et aux bonnes moeurs contre deux artistes qui risquent cinq ans de prison pour avoir exposé des oeuvres jugées offensantes pour l’islam, alors que les actions violentes organisées par la mouvance salafiste restent impunies.
Toute la semaine, des journaux ont multiplié éditoriaux et tribunes accusant les islamistes de visées hégémoniques au lieu de se concentrer sur la nouvelle Constitution, dont la rédaction semble avoir pris des mois de retard.
«Le gouvernement, avec son parti dominant, verse dans l’hégémonie et outrepasse ses prérogatives. Chargé d’expédier les affaires courantes et de traiter les situations urgentes, il s’occupe à accaparer tous les pouvoirs», s’insurge La Presse.
Le Quotidien dénonce lui «une stratégie de pourrissement du parti-Etat, Ennahda en l’occurence, visant à neutraliser tous ses rivaux à des fins électorales».
En face, Ennahda fait le dos rond, estimant être la seule force capable de diriger le pays et voyant derrière ces volées de bois vert les vestiges du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de Ben Ali.
Un mouvement informel de jeunes baptisé «Ekbes» (Magne-toi) multiplie les appels à manifester pour que le gouvernement durcisse enfin son action.