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Abdelouahed Radi à Doha : «Le développement sera fragile sans une solide assise démocratique»


Libé
Mardi 24 Avril 2012

Abdelouahed Radi à Doha : «Le développement sera fragile sans une solide assise démocratique»
Ainsi que nous l’avons annoncé dans notre édition d’hier, le président de l’UIP, Abdelouahed Radi participe à la session de la XIIIème CNUCED qui se tient du 21 au 26 avril courant à Doha (Qatar).
A cette occasion, il a prononcé un discours dimanche dont voici le texte intégral.


«Je suis très honoré de prendre la parole devant vous au nom de la communauté parlementaire mondiale et de son organisation, l'Union interparlementaire, qui rassemble plus de 160 parlements membres.
Quelque 46 000 hommes et femmes siègent actuellement dans les institutions législatives nationales à travers le monde.
C'est là une force non négligeable. Ces milliers d'hommes et de femmes politiques ont pour mandat constitutionnel d'adopter des lois, d'obliger le gouvernement à répondre de son action, d'adopter des budgets et d'examiner les politiques et les comptes publics.
La CNUCED a toujours été réceptive à l'égard des parlementaires. L'UIP, quant à elle, soutient la CNUCED qui, parmi les institutions des Nations unies, a pour rôle essentiel d'œuvrer pour une mondialisation centrée sur le développement et s'appuie sur un savoir bien spécifique.
Nous sommes tous d'avis que la communauté internationale a beaucoup à gagner d'une CNUCED forte et armée pour prendre une part plus active à la gouvernance de l'économie mondiale.
L'UIP est convaincue que l'édifice complexe du développement serait bien fragile s'il n'avait pas une solide assise démocratique.  De même que les deux volets du mandat de la CNUCED – le commerce et le développement – sont étroitement liés, de même le développement et la démocratie sont aussi inséparables que les deux faces de la médaille.
L'UIP a tenu récemment son assemblée statutaire à Kampala où ses membres ont eu un débat approfondi sur les leçons à tirer des événements du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, que l'on appelle communément le "Printemps arabe".
Ces leçons ont trait d'abord et surtout à la démocratie, à la liberté et à la bonne gouvernance.  Mais le "Printemps arabe" a aussi quelque chose à nous dire sur les stratégies à privilégier, sur les risques et les vulnérabilités en matière de politique économique et sociale.
Pour l'UIP, la bonne gouvernance, c'est gouverner de manière à maintenir le cap sur un développement économique, social et institutionnel durable tout en recherchant un bon équilibre entre l'Etat, la société civile et l'économie de marché.
La bonne gouvernance est fondée sur la primauté du droit, sur des institutions efficaces et responsables qui servent les intérêts du peuple. Elle suppose l'existence de règles en politique, dans la justice et l'administration, comme dans le monde des entreprises, qui favorisent le développement, protègent les droits de l'Homme et donnent aux individus la liberté de participer à la prise des décisions qui ont une incidence sur leur vie.
Manifestement, ces principes ont trop souvent été bafoués par les pouvoirs publics dans les pays du "Printemps arabe". Pendant des décennies, la richesse a été concentrée entre les mains des autocrates au pouvoir. La corruption était omniprésente. La hausse des prix des denrées alimentaires, la montée du chômage, l'acuité des problèmes rencontrés dans les domaines de l'éducation, des soins de santé et de la protection sociale ont mis le feu aux poudres et alimenté la rébellion qui a commencé par un simple refus du statu quo.
Cela m'amène à ma première conclusion : les préoccupations du peuple devraient être toujours au centre des décisions politiques. Et c'est aussi le message que nous adressons aux délégués à la CNUCED.
Les parlementaires accèdent aux questions du développement par le biais de la démocratie, qui est toujours à construire.  Nous estimons qu'il est d'une importance vitale que tous, y compris les pauvres et les minorités, soient équitablement représentés dans la prise de décision et que le processus politique dans son ensemble soit marqué par l'ouverture et la transparence.
Nous croyons aussi que l'existence d'un parlement librement et régulièrement élu, doté de tous les moyens d'exercer ses fonctions législatives, budgétaires et de contrôle, est une condition nécessaire du développement.
Dans le fond, les parlementaires sont d'abord des hommes et des femmes politiques. Leurs opinions couvrent tout le spectre des couleurs politiques, de la gauche à la droite, mais ils expriment les préoccupations les plus profondes de leurs électeurs. Non seulement ils doivent y répondre mais ils veulent que l'on les voie à l'œuvre et que l'on comprenne que tel est le sens de leur action.
Cela fonctionne assez bien dans de nombreux pays. Mais il n'en demeure pas moins – malgré toute la rhétorique à propos de la démocratie – que, dans beaucoup d'autres, le Parlement n'a ni l'espace ni les moyens nécessaires pour exercer ses fonctions.
Même des démocraties établies de longue date peuvent souffrir d'un déficit démocratique lorsqu'il s'agit de contrôler et de gouverner l'économie : la crise de la zone euro en a été l'exemple flagrant.
Que dire alors des pays du "Printemps arabe" ? Les événements qui s'y sont déroulés ont été la démonstration de ce qui ne peut manquer de se produire lorsque les parlements ne rappellent pas à l'ordre des gouvernements qui laissent se creuser les inégalités sociales et économiques et qui restent sourds aux aspirations des peuples au développement.
Mon deuxième point a trait à la transparence et à la responsabilité. Dans tous les pays, les parlements ont le devoir de veiller à l'une et à l'autre.  Et pourtant, manifestement, elles ont fait toutes deux défaut.
Dans bien des cas, par exemple, l'Exécutif, les bailleurs de fonds internationaux et les institutions de crédit ne consultent pas le parlement au sujet de la politique de développement. Il arrive bien souvent que les stratégies de réduction de la pauvreté ne soient pas débattues au parlement, que l'aide publique au développement (APD) ne soit pas soumise à son aval ni inscrite au budget national.
Nous sommes nombreux à nous efforcer de changer cet état de choses. Dans les pays en développement, de plus en plus de parlements s'emploient à ce que leur pays reste maître de sa politique de développement et à ce que le gouvernement rende compte de la manière dont l'APD est utilisée.
D'un point de vue parlementaire, réformer l'aide pour la rendre plus efficace est une manière de déverrouiller d'autres facteurs qui permettront au pays de mieux maîtriser ses plans de développement, de mieux rendre compte de leur exécution et d'agir dans une plus grande transparence.
Si, en volume, l'aide publique au développement n'est pas la source de financement la plus importante, elle reste capitale pour le développement. Elle l'est même plus encore aujourd'hui, car la crise financière a tari les mouvements de capitaux qu'attiraient naguère encore de nombreux pays en développement. L'UIP est d'avis que, quelle que soit l'évolution des événements, le volume de l'APD ne doit en aucun cas baisser.
Si j'insiste sur ce point, c'est aussi pour convaincre la CNUCED de la nécessité de se prononcer pour que les parlements soient associés à la définition et au réexamen de la politique économique, de la politique financière et de la politique de développement de leurs pays. Certaines initiatives ont été prises dans ce sens mais il reste encore beaucoup à faire.
Il devrait être possible, par exemple, d'assigner aux parlements un rôle précis dans l'observance de pratiques responsables d'octroi de prêts et de souscription d'emprunts pour que la dette demeure gérable. Nous savons que la CNUCED travaille à la rédaction de principes en la matière. Au moment de finaliser le projet, il serait important de mettre l'accent voulu sur la part que peut prendre le parlement à l'application de ces principes.
Mon troisième point concerne les politiques menées par les institutions financières internationales. Pendant de nombreuses années, des parlementaires ont reproché aux institutions de Bretton Woods de n'être pas assez démocratiques. Récemment, la situation a commencé à changer.  
Nous constatons avec satisfaction que certaines mesures sont prises pour améliorer la gouvernance de la Banque mondiale et du FMI, et rendre leur action plus transparente.  Il est encourageant de voir que des dispositions pratiques sont prises pour augmenter les quotes-parts des pays en développement siégeant aux conseils des gouverneurs. Nous avons pris note de la politique complète adoptée par la Banque en matière de divulgation de l'information. Nous savons qu'une réforme de la conditionnalité est en train de s'imposer au FMI. Nous percevons d'autres signes positifs, notamment un meilleur équilibre entre hommes et femmes aux plus hauts échelons, ce dont nous nous réjouissons.
Bien que conscients de tout cela, les parlementaires continuent à craindre que ces réformes ne soient trop lentes ou superficielles, en partie faute de communication entre les parlements nationaux et les institutions de Bretton Woods.  
Aussi la Stratégie que l'UIP a récemment adoptée pour les cinq prochaines années insiste-t-elle tout particulièrement sur la nécessité de combler cette lacune au plan international comme au niveau des pays.
Permettez-moi de mentionner dans ce contexte une enquête mondiale réalisée par l'UIP en coopération avec la Banque mondiale et le FMI sur le thème du contrôle parlementaire des accords de prêt et des dispositifs apparentés.
Les conclusions préliminaires de l'étude montrent que les cadres légaux établis en vue d'un contrôle parlementaire des prêts contractés auprès de la Banque mondiale et du FMI sont communs mais qu'ils sont loin d'être universels. Même en place, ils ne sont pas sans faille. Les pratiques de contrôle manquent de rigueur. Les parlements ne sont pas habilités à demander des amendements, et ainsi de suite.
Ces résultats peuvent sembler déprimants mais l'enquête a eu un résultat positif en ce sens que nous avons maintenant une perception commune des problèmes et des lacunes. C'est la promesse d'un nouveau départ, qui pourrait conduire à une collaboration plus étendue à l'avenir.
Si l'on cherche d'autres exemples parlants de la manière dont les parlements peuvent contribuer à la transparence et à la responsabilité des institutions internationales, point n'est besoin de regarder plus loin que le processus qui dure depuis maintenant dix ans et qui est connu sous le nom de Conférence parlementaire sur l'OMC.
Sous l'impulsion commune de l'UIP et du Parlement européen, la Conférence parlementaire a contribué à dépouiller l'OMC d'une partie de ce qui la rendait opaque pour le monde extérieur et a permis aux parlementaires de mieux comprendre la complexité des négociations du Cycle de Doha.
Les sessions de la Conférence parlementaire sur l'OMC ont lieu une fois par an.  Les parlementaires peuvent ainsi établir un dialogue direct avec les principaux négociateurs de l'OMC. La dernière session s'est tenue pour la première fois dans les locaux mêmes de l'OMC à Genève.
Aussi n'est-il pas exagéré de dire que les parlementaires ne sont plus des étrangers au Siège de l'OMC. Ils y sont même les bienvenus et jouent le rôle qui leur revient en tant que partie prenante au processus.
Les exemples de cette nature ne manquent pas. Nous espérons qu'ils sauront aussi inspirer les délégués à la CNUCED.
Pour sa part, l'UIP s'engage à communiquer les résultats de la XIIIème CNUCED à tous les Parlements à travers le monde afin qu'ils en débattent et les examinent dans la plus pure tradition parlementaire.
En vous souhaitant de très fructueuses délibérations, je vous remercie de votre attention ».

Rencontre entre
Radi et Alkhouleili


Abdelouahed Radi, président de l’UIP, a rencontré Mohammed Ibn M’barek Alkhouleili, président de l’Assemblée consultative de Qatar.
Au cours de cette réunion, les deux présidents ont examiné les moyens de renforcer les relations entre l’UIP et les Parlements arabes, en général et le Parlement de Qatar en particulier, l’évolution politique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ainsi que la situation actuelle des femmes dans les Parlements du monde et les perspectives d’améliorer leur présence notamment à Qatar.



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