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Abdelfattah Kilito et la passion des Anciens


Atmane Bissani
Jeudi 3 Décembre 2009

Abdelfattah Kilito se positionne tour à tour comme essayiste, nouvelliste et romancier. La matière première de ses recherche demeure la trace des anciens arabes, trace qu’il se propose de dépoussiérer et de présenter à son lecteur comme s’il s’agissait d’un trésor enfoui dans les dédales des livres d’antan. De main de maître, Kilito œuvre à l’exhumation de la parole de ses aînés afin de lui attribuer une nouvelle couleur et donc un nouveau son. Tout se passe ici comme si Kilito était un contemporain des anciens. Tout se passe comme s’ils lui adressaient la parole,  ses secrets et ses énigmes tout en l’incitant à la transcender par le truchement de l’écriture. Kilito interroge, déconstruit, décentralise et désacralise l’ombre des anciens dans l’intention de la tirer de l’oubli et de lui rendre sa luminosité par le biais d’une lecture active et d’une interprétation savante. Si Kilito revisite l’œuvre littéraire des anciens, c’est parce que celle-ci constitue une lumière à rallumer et un chemin à parcourir dans le but de comprendre les rouages et les mécanismes de la pensée arabe classique et contemporaine. En effet, De Harîrî à Hamadhânî, de Jâhiz à Ma’arî, et de bien d’autres icônes de la culture arabe classique, Kilito entreprend l’interminable voyage de la passion et de l’amour des origines. Il ressuscite les vestiges des ancêtres en tant que paradigmes fondamentaux structurant le fonctionnement d’une mentalité millénaire fondée, structurellement, sur le principe de la contradiction.
Le pont est désormais construit entre passé et présent. Le dispositif de travail, lui, est pratiquement analytique. Kilito exerce sur la trace des anciens une double chirurgie : esthétique visant l’embellissement de sa face, et thérapeutique visant le dévoilement de ses intrigues. Ecrire sur les anciens pour Kilito équivaut à la composition d’un poème fait paradoxalement de douleur et de jouissance : la douleur de la gestation et la jouissance de l’accouchement. Que fait Kilito sinon éveiller amoureusement cette œuvre neutralisée dans les ténèbres des volumes anciens ? Ne considère-t-il pas que la situation des œuvres anciennes est semblable à celle de cette belle fille endormie et attendant qu’un fin connaisseur de ses mystères vienne l’embrasser passionnément, la caresser et la réveiller doucereusement et l’aider soigneusement à s’adapter à son nouveau monde ? Kilito déloge l’œuvre des anciens du contexte strictement arabe dans le but de la placer dans un  contexte plutôt universel. Il y touche à la fois de la langue de Jurjânî et de celle de Molière. Par ce faire Kilito fait valoir le génie de cet autre être ne cessant de l’obséder : la langue. La langue chez Kilito fonctionne, effectivement, comme forme lui permettant non seulement de dire le monde, mais surtout d’habiter le monde, c’est-à-dire s’essayer à sa compréhension à partir de ce rapport fort ambigu jouxtant passé/présent/futur. Entre essai et fiction, Kilito brouille les  genres. Le texte devient pour lui une scène généreuse accueillant l’expérience du dire dans ses dimensions culturelle, anthropologique et rhétorique. Il s’applique à reconsidérer l’héritage des anciens et, de là même, à responsabiliser les contemporains de sa survie.
L’aventure, ne vaut-elle pas la peine d’être vécue ?…


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