
En annonçant le rétablissement des relations diplomatiques avec le régime communiste à l'issue de négociations ultra-secrètes entamées il y a 18 mois, le président américain marque une rupture avec un demi-siècle d'isolement de Cuba. Et fait un véritable coup politique.
Comme sur le réchauffement climatique ou l'immigration, il prend l'initiative de façon spectaculaire, et parfois inattendue, sur des promesses déjà anciennes auxquelles même certains de ses fervents partisans ne croyaient plus. La défaite de son camp lors des élections législatives de novembre a - paradoxalement - marqué un tournant pour un président visiblement décidé à passer outre les virulentes critiques de ses adversaires politiques, qui semblent pris de vitesse.
Piqué au vif, conscient que le temps est compté pour laisser son nom dans l'histoire, il modifie par touches successives l'image peu flatteuse d'un dirigeant indécis, réticent à trancher.
Retrouvant parfois les accents de sa première campagne électorale - quelques cheveux gris en plus -, il monte au créneau pour appuyer ses décisions.
A Brisbane, en Australie, il défend un accord sans précédent avec la Chine sur le climat: "Je ne peux attendre éternellement", plaide-t-il. A Las Vegas, il vante la régularisation de plusieurs millions de clandestins face à un système "fondamentalement injuste": "Des générations d'immigrants ont fait de ce pays ce qu'il est".
Sur Cuba, il explique son initiative par la volonté d'explorer de nouvelles voies après un demi-siècle d'une approche diplomatique stérile. "Je ne crois pas que nous pouvons continuer à faire la même chose que depuis cinq décennies et attendre un résultat différent", dit-il. "Ni le peuple américain ni le peuple cubain ne tirent bénéfice d'une politique rigide héritée d'événements qui ont eu lieu quand la plupart d'entre nous n'étaient pas nés".
Pour Julia E. Sweig, du Council on Foreign Relations, centre de réflexion de Washington, la promesse de campagne d'Obama a mis du temps à se concrétiser pour de nombreuses raisons, au premier rang desquelles l'arrestation en 2009 à Cuba de l'Américain Alan Gross, libéré mercredi.
Mais l'annonce spectaculaire de cette semaine est d'abord le résultat "de deux années d'intense travail diplomatique", entamées après la réélection d'Obama en 2012, "qui culminent aujourd'hui".
La perspective d'une visite du président américain à Cuba est désormais ouvertement évoquée par la Maison Blanche. Symbole fort, un tel déplacement marquerait la fin de l'un des derniers vestiges de la Guerre froide.
Les mois qui viennent seront déterminants sur un autre dossier international sur lequel, comme pour Cuba, les négociations ont été lancées dans le plus grand secret: l'avenir du nucléaire iranien. Au Canada et au Vatican dans le cas des discussions avec La Havane, dans le sultanat d'Oman pour celles avec Téhéran.
Un accord provisoire entre les grandes puissances du groupe "5+1" a été conclu en novembre 2013. La nouvelle échéance pour parvenir à un accord final a été fixée au 1er juillet 2015.
Même si Washington et Téhéran, ennemis depuis 1979, sont très loin de normaliser leurs relations, un accord sur le programme nucléaire iranien serait une incontestable victoire diplomatique pour Obama, après trois décennies de rapports exécrables allant jusqu'à des menaces de conflit armé.