"Un simple accident", Palme d'or 2025 : Conte moral iranien et brûlot politique

Lundi 26 Mai 2025

Palme d'or à Cannes, "Un simple accident" ausculte le dilemme d'anciens détenus tentés de se venger de leur tortionnaire et livre une charge frontale contre les autorités de Téhéran
Tourné clandestinement, le 11e long-métrage du cinéaste dissident Jafar Panahi s'ouvre par une banale collision routière et se transforme peu à peu en conte moral autour d'une question centrale: que risque-t-on à s'abaisser au niveau de ses tortionnaires ?
"La question qui se pose, au fond, c'est: est-ce qu'on doit leur rendre la pareille ? Est-ce qu'il faut entrer dans ce cercle de violence ou pas ?", a résumé Jafar Panahi, dans un entretien accordé à l'AFP mardi.

Croyant reconnaître son ancien geôlier qui lui a fait subir les pires sévices, un employé sans histoires le kidnappe et songe à le tuer sans autre forme de procès, avant de se raviser et de s'entourer d'anciens compagnons de détention pour chasser ses doutes.

"C'est un film d'un espoir fou et d'une nécessité folle", a estimé la présidente du jury, l'actrice française Juliette Binoche, après la remise de la Palme d'or.

"Si ce film est politique, c'est parce qu'il pose la question philosophique et fondamentale de la vengeance", a complété une autre membre du jury, l'écrivaine franco-marocaine Leïla Slimani. "La façon dont nous choisissons chacun d'être quelqu'un de bien ou pas, d'ajouter de la violence à la violence ou non."

Pour construire son récit, Jafar Panahi s'est inspiré de sa propre expérience des prisons iraniennes, lui qui a été incarcéré à deux reprises (86 jours en 2010, près de sept mois entre 2022 et 2023) pour "propagande" contre les autorités

Dans le film, en salle en France le 10 septembre, le cinéaste abandonne l'autofiction de ses précédents longs-métrages et brosse en creux le portrait d'un Iran gangréné par la corruption.

Tout au long d'"Un simple accident" émergent aussi des fragments d'un pays où a récemment grondé une révolte populaire durement réprimée. Fin 2022, des manifestations de masse ont secoué l'Iran après la mort en détention de la jeune Mahsa Amini, arrêtée en raison d'un voile islamique mal ajusté

Dans le long-métrage, les deux actrices principales ont les cheveux au vent et on aperçoit furtivement, dans les rues d'une ville qu'on devine être Téhéran, d'autres femmes délaissant leurs voiles

"La question n'est pas de savoir si cela nous affecte personnellement mais de savoir comment on façonne le futur de ce pays", déclarait le cinéaste dans son entretien à l'AFP.
"Où allons-nous ? Est-ce que ce cycle va continuer ou arriverons-nous à faire en sorte que personne ne nous dicte comment nous habiller, ce que nous devons créer ou manger ? Personne n'a le droit de contrôler cela", avait-il ajouté en farsi, traduit par l'AFP.

Libé

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