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Une rentrée des classes plus fictive qu’effective

Les dysfonctionnements d’une réalité scolaire trop amère


Kamal Mountassir
Vendredi 13 Septembre 2013

Une rentrée des classes plus fictive qu’effective
Les rentrées scolaires se suivent et se ressemblent. A une différence près : cette fois le constat d’échec du système éducatif aura été fait de la manière la plus officielle et la plus solennelle qui soit à l’occasion du discours Royal du 20 août.
Annoncée pour le 11 septembre (de triste mémoire), la rentrée scolaire 2013-2014 se fait toujours désirer. La même improvisation, le même tâtonnement, les mêmes problèmes, les mêmes solutions de raplâtrage et le même optimisme béat des déclarations et statistiques officielles. Images à la télévision à l’appui, on se croirait dans le meilleur des mondes. Sauf que le peuple marocain n’est pas aussi dupe que le croient Benkirane et son équipe gouvernementale. C’est trop beau pour être vrai. On aurait encore cru à ses illusions si ce n’était le discours Royal du 20 août qui avait, à la veille de la rentrée scolaire, mis l’accent sur la nécessité de la réforme de notre système d’éducation et de formation et attiré l’attention sur la détérioration de la situation de l’enseignement dans le pays.
Il est donc urgent que le gouvernement, loin de  l’idéologie politicienne étriquée adopte une stratégie à même de répondre à la feuille de route tracée par le Souverain.
Sur le terrain, la rentrée scolaire effective n’est pas encore visible dans la réalité. Dans les écoles, collèges et lycées, on constate que les dysfonctionnements habituels subsistent toujours. Dans le Grand Casablanca, par exemple, dans certains  établissements, les tableaux de service n’ont toujours pas été attribués aux professeurs. Et il en va de même pour plusieurs autres collèges et lycées à travers le pays. Rares sont les lycées où les cours ont  commencé à être dispensés. Et nombreux sont les établissements où l’opération d’inscription se poursuit encore. « C’est une habitude qui s’est  installée avec l’anarchie qui règne dans l’enseignement. Il faut attendre le début d’octobre pour voir la machine démarrer surtout dans les lycées », a confié à  Libé  un professeur du Grand Casablanca.
Par ailleurs, et à en croire les responsables, les syndicats et les enseignants, les problèmes existants s’amplifient davantage en attendant la réforme qui a besoin de beaucoup plus de réflexion, de concertation et de temps. Une réalité des plus choquantes : sureffectifs dans les classes, sous-effectif à la fois sur le plan pédagogique et administratif.  Une défaillance atroce  qui s’accentue avec la démission de plusieurs directeurs, surveillants généraux et censeurs, car ils trouvent que les conditions de travail sont   inacceptables.
 Ces conditions qui n’ont pas toujours un caractère financier exaspèrent également les enseignants,  d’où le ras-le-bol du corps de l’éducation nationale qui s’apprête à défendre l’école marocaine et les intérêts du personnel du secteur. Il faut s’attendre donc à  des débrayages locaux, régionaux et nationaux. La déperdition, l’abandon scolaire, les sureffectifs, les infrastructures scolaires vétustes, le manque de personnel, le problème des manuels scolaires et la marginalisation des concernés dans l’élaboration des programmes et des choix pédagogiques (pour ne citer que ceux-là) sont des réalités que nul ne peut nier.
Pour résoudre ces problématiques, on a recours à des solutions de fortune avec lesquelles on ne peut parler ni de qualité de l’enseignement ni  d’éducation. Imaginez que la plupart des délégations ont recours aux détachements des enseignants du primaire vers le secondaire et le collégial pour résoudre la problématique du sous-effectif dans certains établissements.
Dans le milieu rural, la situation est catastrophique. Le fait d’attribuer tous les niveaux dans la même salle à un seul instituteur relève du fantastique, voire de l’impossible.  C’est éreintant et non rentable. « Certains  instituteurs, lorsqu’ils sont bilingues, préparent parfois dix niveaux. C’est de la folie. Et chaque niveau nécessite plusieurs préparations. Certes le nombre d’élèves est réduit contrairement aux établissements scolaires en milieu urbain  mais le revers de la médaille, c’est que le temps réservé à chaque élève est supérieur à celui consacré dans une classe soi-disant normale. C’est harassant et c’est un véritable coup d’épée dans l’eau sur le plan de la rentabilité», nous explique un ex-formateur au Centre de formation des instituteurs à Khénifra. « Peut-on demander à un instituteur de travailler dans des conditions inhumaines ? Des annexes ont été créées en pleine montagne et où il n’y a pas d’accès routier. Le maître doit parcourir une distance d’une dizaine de kilomètres à pied et s’il a de la chance à dos de mulet. Pas de logement sur place et encore moins de moyens pour la restauration. C’est un véritable calvaire pour les maîtres d’école dans le milieu rural. Et dire qu’on ose parler de qualité », s’indigne un instituteur dans la région de Khénifra.
Loin d’être négativiste, on pense que les efforts consentis sont mal gérés et qu’il est temps de mettre fin à cette politique du tape-à-l’œil. Le discours Royal a  eu le courage de souligner que l’école publique a besoin d’une révolution. Il ne faut pas avoir honte de se regarder dans le miroir. Et ce ne sont pas les statistiques des nouveaux inscrits à l’école cette année ni de ceux qui ont des mentions au baccalauréat qui vont changer une réalité dont souffrent tous les concernés par l’école publique : « Réveillez les ronds-de-cuir ». Ce n’est pas en s’installant dans un fauteuil devant un ordinateur qu’on donnera de l’élan à notre  école. Allez faire un tour du côté du Maroc profond, car pour élaborer un projet de réforme qui vise la formation des intelligences et des esprits, il faut connaître la réalité des concernés par ce projet.


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