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Tirs israéliens dans le tas

Des dizaines de morts et de blessés lors d’ une distribution d'aide humanitaire à Gaza


Mehdi Ouassat
Dimanche 3 Mars 2024

Jeudi, dans les rues délabrées de Gaza, ce qui aurait dû être une lueur d'espoir pour une population affamée s'est rapidement transformé en un bain de sang. Aux premières lueurs du jour, des milliers de personnes se sont rassemblées sur la rue al-Rashid, dans l'ouest de Gaza. Parmi eux, des hommes, des femmes et des enfants, tous désespérément en quête de nourriture, après des mois de pénurie et de privations. Certains n'ayant d'autre choix que de manger du fourrage ou d'abattre des animaux de trait pour se nourrir.

L'arrivée tant attendue de camions d'aide alimentaire a rapidement tourné au chaos lorsque des soldats israéliens postés à proximité ont ouvert le feu sur la foule en quête de survie. Un triste épisode qui a laissé derrière lui un paysage de mort et de souffrance.

Ali Awad Ashqir, blessé par balle au pied gauche, a témoigné de la terreur qui a régné pendant cet assaut meurtrier. «Je suis allé à l'aube au rond-point Naplouse chercher de la farine car il n'y a plus rien chez moi et les enfants meurent de faim. Vers 4 heures du matin, les camions ont commencé à s'approcher et l'armée a tiré des obus d'artillerie et ouvert le feu», a-t-il déclaré.

Un autre témoin, préférant rester anonyme par crainte de représailles, a décrit le chaos qui a suivi :«Nous étions dans la rue al-Rachid, et soudain des chars nous ont pris d'assaut. Il y avait des colis remplis d'aide. Les gens, à cause du manque de nourriture et de farine, ont foncé pour les récupérer. C'était le chaos, il y avait des foules de gens, mais les forces d'occupation continuaient à nous tirer dessus, il y a eu tant de martyrs et de victimes", a-t-il rapporté dans une déclaration à l’AFP.

Hossam Abu Safiya, directeur de l'hôpital Kamal Adwan, a affirmé que toutes les victimes avaient été touchées par «des balles et des éclats d'obus provenant des forces d'occupation».

Le bilan humain est effroyable et les chiffres terriblement glaçants. Leministère de la Santé du Hamas a, en effet, dénombré 112 morts et 760 blesséslors de cette tragédie, qualifiée de carnage. Cette escalade de violence survient alors que le bilan de la guerre dépasse déjà les 30.000 morts et 70.000 blessés, la plupart des femmes et des enfants.

Pourtant, le cauchemar ne s'arrête pas là. La crise humanitaire à Gaza ne fait que s'aggraver, avec un risque imminent de famine. Il ne s’agit pas d’un risque hypothétique, mais plutôt d’une menace très sérieuse. Les chiffres sont éloquents.

Selon l'ONU, 2,2 millions de personnes sont actuellement menacées de famine. 90% de la population ne mange pas à sa faim. Dans le nord du territoire, un enfant sur six est en malnutrition aiguë. Et ce bilan va continuer à se dégrader si la guerre continue. Le taux de malnutrition est équivalent à celui dans certaines régions du Sahel, ce manque n'avait jamais existé à Gaza.

Au-delà de son impact immédiat, cette tragédie incarne la défaite d’Israël face aux Palestiniens. Il va sans dire qu’affamer une population puis lui tirer dessus après lui avoir permis d’accéder à l’aide humanitaire est pour le moins indigne. Mais il s’agit aussi d’une défaite stratégique, quels que soient les victoires militaires ou le nombre de morts. Car ce qui a rendu les actes de jeudi possibles, c’est à la fois la haine et la peur des soldats israéliens à l’égard des Palestiniens.

Pendant ce temps, les espoirs d'une trêve avant le début du ramadan, ont été douchés. Il n'y aura «probablement» pas de trêve d'ici lundi, a affirmé Joe Biden après avoir dit en début de semaine qu'il espérait un cessez-le-feu d'ici au 4 mars. Selon la Maison Blanche, il a aussi échangé avec les chefs d'Etat du Qatar et de l'Egypte sur un accord pour un cessez-le-feu «immédiat et durable» d'au moins six semaines, en échange de la libération des otages israéliens retenus à Gaza.

Les médiateurs -Qatar, Etats-Unis, Egypte tentent depuis des semaines d'arracher un tel accord, sans succès jusqu'à présent. «Le meilleur moyen d'alléger les souffrances actuelles du peuple palestinien est de parvenir à un accord sur un cessez-le-feu temporaire qui permettrait de libérer les otages, d'acheminer davantage d'aide», a fait savoir le département d'Etat américain.

Condamnations pour faire bonne figure

Ce carnage a suscité une vague de condamnations internationales. Des responsables politiques de divers pays, des États-Unis à l'Europe en passant par le Moyen-Orient, ont exprimé leur indignation.

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a condamné cet événement, selon son porte-parole. «Nous ne savons pas exactement ce qui s'est passé. Mais que ces gens aient été tués par des tirs israéliens, qu'ils aient été écrasés par la foule, ou renversés par des camions, ce sont des actes de violence, d'une certaine manière, liés à ce conflit», a déclaré Stéphane Dujarric, décrivant des morts dans des «circonstances horribles».

A Washington, le porte-parole du Département d'Etat Matthew Miller a indiqué que son pays, fidèle allié d'Israël, exige «des réponses» après cette tragédie.

A Rome, le chef de la diplomatie italienne Antonio Tajani a posté sur X que «les morts tragiques à Gaza appellent à un cessez-le-feu immédiat pour permettre davantage d'aide humanitaire, la libération des otages et la protection des civils».

En Turquie, les autorités ont dénoncé «un nouveau crime contre l'Humanité» et estimé que ce drame «est la preuve qu'Israël vise à détruire consciemment et collectivement le peuple palestinien».

Dans un post sur X, le ministère saoudien des Affaires étrangères a «condamné fermement et dénoncé la prise pour cible de civils sans défense», qui a conduit à «la mort de centaines de personnes».

A Madrid, le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, a jugé «inacceptable ce qui s'est produit à Gaza».
Un communiqué du ministère français des Affaires étrangères a également estimé que «les tirs par des militaires israéliens contre des civils tentant d'accéder à des denrées alimentaires sont injustifiables».
«Cet événement tragique intervient alors que la situation humanitaire à Gaza relève de l'urgence absolue», avec «un nombre croissant et insupportable de civils palestiniens qui souffrent de faim et de maladie», ajoute le texte.

A Amman, les autorités jordaniennes ont dénoncé «une violation claire du droit humanitaire international». Cette tragédie «intervient alors qu'il n'y a pas de position internationale pour arrêter cette guerre et ce massacre qu'Israël commet contre les Palestiniens et que le Conseil de sécurité des Nations Unies soit incapable de prendre une décision de cessez-le feu immédiat pour mettre fin aux crimes de guerre commis contre les Palestiniens à Gaza», a ajouté le ministère jordanien des Affaires étrangères.

Nécessité d'une action internationale

Les mots de condamnation sont-ils suffisants face à un tel massacre ?  Il semble que les appels au cessez-le-feu et à la protection des civils ne soient que des paroles en l'air, tandis que le carnage continue impunément à Gaza.

Aucun pays n'a osé franchir le pas de l'action. Les condamnations restent des déclarations vides de sens tant qu'elles ne sont pas suivies d'une intervention concrète pour arrêter le bain de sang. Les résolutions des Nations Unies restent lettre morte et le Conseil de sécurité semble impuissant à prendre des mesures décisives pour mettre fin à cette spirale de violence.

Pendant ce temps, le peuple palestinien continue de souffrir. Les civils, déjà éprouvés par des années de blocus et de conflit, se retrouvent pris pour cible dans leur quête de nourriture et d'aide humanitaire.

Il est temps pour la communauté internationale de passer des paroles aux actes. Les condamnations ne suffisent plus. Il est impératif que les pays du monde entier prennent des mesures concrètes pour mettre fin à ce massacre injuste. Les vies des civils palestiniens dépendent de l'action immédiate de la communauté internationale pour instaurer un cessez-le-feu durable et garantir la sécurité et la dignité du peuple palestinien.

Faut-il rappeler que l'histoire jugera non seulement les actes de violence perpétrés contre les Palestiniens, mais également la réaction de la communauté internationale face à cette tragédie. Car si les condamnations sont importantes, l'action le serait encore plus.

Mehdi Ouassat


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