Deuxième film français en compétition après “Polisse” de Maiwenn, “The Artist”, présenté après une série de longs métrages aux sujets lourds - violences sexuelles, enfances brisées, familles dysfonctionnelles -, a suscité de nombreux éclats de rires et salves d'applaudissements lors de la projection à la presse, malgré - ou grâce - à son format inhabituel.
Le réalisateur reconnaît avoir beaucoup travaillé ses classiques pour raconter cette histoire de destins croisés qui revisite celle du cinéma: le crépuscule d'une star du cinéma muet (Jean Dujardin), orgueilleuse et pathétique, et l'ascension d'une jeune étoile du parlant (Bérénice Béjo), ambitieuse, pétillante et amoureuse.
“J'avais envie de me coller à cette manière de raconter une histoire et la chance de reprendre là où de grands réalisateurs s'étaient arrêtés, en 1927, mais avec les 80 ans d'expériences techniques du cinéma”, a expliqué Michel Hazanavicius.
Enfant chérie du cinéma français après ses deux cartons au box-office, les “OSS 117”: “Le Caire, nid d'espions” et “Rio ne répond plus” avec déjà Jean Dujardin, il s'est nourri des grands noms du muet, Murnau, Fritz Lang ou Frank Borzage avec la volonté d'éviter le pastiche ou l'ironie.
D'où la teinte douce amère qui accompagne la dégringolade artistique et sociale de “George Valentin”, et les doutes et le chagrin qui escortent la montée au firmament de “Peppy Miller”.
“J'ai fait beaucoup d'emprunts, de citations, d'hommages et quelques vols purs et simples” aux grands anciens, confie le cinéaste.
“Moi aussi, j'ai fait les poches de Gene Kelly”, renchérit Jean Dujardin: avec Bérénice Béjo, il a pris des cours de claquettes pendant près de six mois pour la scène de la fin, clin d'oeil à “Chantons sous la Pluie”: “On ne voulait surtout pas se faire doubler. On a fait 17 prises et c'est la 11e qui était la bonne”, a insisté la jeune femme, qui s'est par ailleurs imposé le visionnage de centaines de scènes de Joan Crawford, Gloria Swanson ou Marlène Dietrich - dont elle a étudié les clins d'oeil.
L'image a été travaillée avec un soin infini pour un rendu noir et blanc où chaque ombre, chaque cadre a été réfléchi et exigé par le réalisateur, qui explique aussi avoir “tourné en 22 images/secondes, soit un léger accéléré, pour restituer la saveur des années 20”.
Pour autant, “The Artist” n'est pas une excursion au musée du cinéma: “C'est une comédie populaire, pas un exercice de style”, souligne Hazanavicius, qui s'est offert un vrai plaisir de cinéphile en tournant à Hollywood “dans le lit de Marie Pickford, le studio de Charlie Chaplin, le cinéma de l'avant-première des +Temps Modernes+”...