A l'affiche depuis le 2 novembre, le film n'aura finalement pas passé le seuil minimum d'une semaine dans cette salle obscure de la capitale économique. Une désagréable surprise pour le cinéaste qui fustige la manière dont les choses se sont passées et s'interroge sur cette décision incompréhensible.
«Les affiches du film étaient encore accolées jusqu'il y a deux jours. A ma grande surprise, j'apprends que le film a été retiré parce qu'il n'aurait pas rapporté, il ne ferait pas recette. Le Megarama a le droit de retirer un film de ses salles, mais c'est la manière qui me choque», a confié amèrement à Libé Mohamed Achaour, rappelant que son long-métrage a été projeté à une période où les spectateurs étaient plutôt préoccupés par la fête de l’Aïd.
Ceci dit, le plus drôle dans ce triste épisode, observe le réalisateur, c'est qu'il n'y a pas eu de censure institutionnelle puisque ce film a reçu un avis favorable du CCM (Centre cinématographique marocain) et a même été primé au Festival national du film de Tanger en 2011. C'est ainsi, soupçonne-t-il, un certain public aurait contribué au retrait prématuré de son film des salles du Megarama. Et pour cause: « On m'a rapporté que les gens étaient très virulents par rapport au film lors de sa projection à Tanger. Ce que je ne comprends pas, c'est que ce même public regarde des films américains avec des scènes beaucoup plus osées sans s'en offusquer. Le public marocain aime qu'on le caresse dans le sens du poil, mais dès lors qu'on lui montre sa vie, ce qu'il est alors tout change. Pourquoi devrions-nous aller mollo quand on veut parler de nos maux ?», s'interroge le réalisateur des courts « Zorroh », « Machi L'Khatri » et « Allo Canada ».
« Qu'on arrête un peu d'être schizophrène et hypocrite, vis-à-vis de nous-mêmes, de nos manières de réagir et de celles des autres également. Ce film est l'histoire de quelqu'un qui nous dit qui il est, sans autocensure », confiait le réalisateur dans un entretien publié récemment à Libé.
Revenant sur sa production, Mohamed Achaour trouve « vraiment dommage que l'on vienne à réduire un film à quelques scènes quand bien même elles pourraient paraître choquantes. Qu'on le veuille ou non, le film évoque nos vies, habitudes, comportements. Pourquoi refuse-t-on de voir en face ce que nous sommes ?»
Mais Mohamed Achaour ne compte pas baisser les bras. « Je vais me battre pour que mon film passe dans d'autres salles de Casablanca et villes du Maroc tout simplement parce qu'il mérite d'être vu et que nous vivons dans un pays épris de liberté où chacun a le droit d'avoir un avis différent ».
Avant de conclure en ces termes : « Mon intention n'est pas de donner un coup de fourmilière. Je vais juste dire qu'on n'est pas tous des conservateurs, la liberté autorise d'autres points de vue. Aussi, il est important de rappeler que nous sommes des gens responsables », a-t-il dit, reconnaissant toutefois qu'un e-mail contenant des chiffres justificatifs lui aurait été envoyé par un responsable du cinéma casablancais.