L’intitulé officiel étant déjà un programme en soi: le pacte national pour l’émergence industrielle ; la sémantique, ici, tient lieu de politique, chaque vocable est dénotatif, porteur d’un premier sens mais il est aussi connotatif exprimant un choix, déclinant une volonté. Au cœur de cet ambitieux projet, il y a l’objectif annoncé de parvenir à assurer 220.000 emplois. Un chiffre qui focalise l’attention car il renvoie à une attente, que dis-je, à une douleur transversale qui remonte du pays profond…c’est donc un message d’espoir, un signal éloquent dont la portée doit interpeller l’ensemble des acteurs du système politique et social. Du point de vue de ses initiateurs, il ne s’agit pas d’un geste technique inscrit dans la logique de la gestion quotidienne des dossiers.
Bien au contraire, l’attention a été accordée aux aspects relevant des finalités, celles qui relèvent d’un niveau politique, celui des valeurs. “En mobilisant et coordonnant les actions de l’Etat et des opérateurs économiques, le Pacte vise à construire un secteur industriel fort et à créer un cercle vertueux de croissance. Il consacre, en outre, les principes démocratiques du dialogue et de la transparence, l’importance des ressources humaines et la responsabilité sociale des entreprises”. C’est dans ce sens qu’il me semble nécessaire d’accompagner ce pacte par un débat national.
Nous sommes en présence d’un geste fondateur qui doit être compris comme projet porteur d’objectifs concrets mais aussi générateurs de valeurs…un débat sur notre démarche de développement en posant les questions qui aident à améliorer notre action, à la corriger, à la réévaluer à la lumière des acquis de l’expérience, la nôtre et celle de la communauté internationale mais aussi à la lumière de ce qui traverse le monde comme interrogations, vicissitudes, doutes et espoirs.
Faut-il alors souligner que par un hasard instructif, le Maroc a mis en chantier ce programme ambitieux au moment où le monde est secoué par une crise économique d’une amplitude inouïe.
C’est une crise générale, profonde et structurelle: on ne peut plus concevoir un programme économique, un projet sans les leçons mises en lumière par l’hécatombe qui a bouleversé l’ensemble des donnes mondiales…chaque jour qui passe, la crise révèle une autre de ses nombreuses facettes. En concevant un vaste projet de décollage économique intégré, il est utile de prendre conscience de ce contexte international très particulier et les signes qu’il nous invite à décrypter et à en prendre compte dans l’élaboration des politiques de développement. En premier lieu, la crise a mis à nu la faillite des approches managériales et a mis fin à l’arrogance des traders et des loups de la finance. “Les banquiers sont nuls” a titré à sa Une un grand magazine international. Pour certains, c’est une découverte, pour la gauche socialiste, c’est une évidence.
L’économie est une affaire trop sérieuse pour la laisser aux seuls…économistes. Vive la crise qui nous libère de cette variante d’intégrisme qu’est le libéralisme financier qui a failli mettre à genou des institutions et des Etats. Le pacte national signé dernièrement doit être porté par d’autres valeurs en plaçant en son centre l’homme et l’environnement. C’est une nouvelle philosophie qu’il s’agit de défendre aujourd’hui au moment où le capitalisme ne détruit pas seulement la cohésion sociale mais s’attaque aux fondements même de la vie sur terre. La crise d’aujourd’hui ne dit pas seulement les limites économiques et sociales fondées sur le gain et le profit mais sa faillite en tant que projet de vie.
Une démarche alternative s’impose dans la question de la redistribution des richesses et dans l’élaboration des critères de développement: les 4X4 qui sillonnent les artères aux générations délabrées de nos villes sont un scandale politique et une aberration écologique. Il nous faut réfléchir à un contre-modèle qui ne met pas la consommation au poste de commande. Un modèle qui puisse répondre aux besoins d’aujourd’hui sans hypothéquer les aspirations des générations futures. Oui, nous pouvons! Le mot d’ordre d’Obama n’est pas un hasard. C’est l’expression d’une volonté commune pour dire qu’un autre monde est possible.