Pour une création littéraire sans sous-mission


PAR Razak *
Mardi 10 Mars 2009

La vocation de l'homme "et de la femme" de lettre est d’interroger, dans un engagement productif, les arcanes du présent et d’éclairer leurs recoins sombres. L'essence dialectique du monde où l'on vit est fuyante. Ceux et celles qui, par le truchement rébarbatif des propos peu avenants, cherchent par tous les subterfuges imaginables à imposer une certaine vision du monde littéraire, quitte à museler la création et brider l'esprit novateur, nourrissent le réquisitoire liberticide au lieu de l’abolir. Ils ne sont pas des auteurs mais des intrus. Le gharadisme (du mot « gharad » signifiant besogne) a tout perverti. Le clanisme lui sert d'abreuvoir et de condiment. Ecrire est liberté, mais proscrire est servitude. Toute phraséologie nourrie de mimesis rend la sémantique prisonnière de ses carcans. Bref, on cesse d'être écrivain quand se réveille en nous le bureaucrate qui sommeillait et quand le néant nous phagocyte et puis quand on ne trouve comme autre alternative que la glorification du vide. Tenter de le remplir par un "moi qui profite" est un passe-temps sans éloge aucune. Quand on vit dans un monde où la liberté est constamment menacée, la désunion anticipe la chute des valeurs communes. Ce sont les iconoclastes qui en profitent.
Zola avec son célèbre « J'accuse », avait fait de l'effronterie intellectuelle une sorte d’ultimatum dont l’engagement pour les valeurs de justice, d’équité et du respect de la personne humaine est un préalable doucereux et candide. Il n'est nullement question de souscrire à un héroïsme littéraire quelconque, bon à amadouer les instances critiques, mais d’aller jusqu’au bout de soi-même dans la singularité aussi bien de ce qui nous sépare que de ce qui nous unit. Cela nous permet d'appréhender le monde, sous un prisme finement personnalisé, tout en permettant à autrui de déguster le fruit du partage.
Des écrivains qui font recours aux tribunaux administratifs ou pénaux pour régler leurs différents corporatifs, en dehors des litiges afférents aux droits d’auteurs, de tels recours semblent incongrus et paradoxaux. De toute évidence, il n’y a ni gloriole, ni paillettes, ni profit à tirer de ces joutes fratricides. Le club de pensée qui autrefois militait pour faire valoir les vertus du dialogue et de la confortation pacifique des idées est aujourd’hui en proie à une humiliante zizanie. Mais où est la création messieurs-dames?
Le grand penseur grec Socrate avait la manie de parcourir les rues pieds nus et vêtu de haillons. Il se mêlait à la foule et se présentant souvent comme un ignorant, mais sa remarquable praxis qui avait fécondé tant d'esprits le mena tout droit à l’abreuvoir à la ciguë. Mais au-delà de la fatalité humaine, la sérénité avec laquelle il quitta notre monde fit de lui un des plus influents immortels. Diogène avait fait d’un tonneau son living-room. Allez savoir pourquoi détestait-il tellement le luxe trompeur des apparences.
Notre jeune littérature n’a pas besoin de telles distorsions et de telles guerres de chapelle. Il y a de la place pour tout le monde pourvu que le talent, le vrai soit réel et sans "sous-mission".

* Auteur des deux livres :
-« Au delà de l’ Artifex, je dis » (Ed. Maxime Canada)
-« Monographie: Bouzghiba-Awards (imprimerie Printer, Mohammedia)


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