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Polémique autour du nouveau système d’évaluation du handicap

Le profil des membres des commissions désignées et l’ exclusion des experts et de la société civile posent problème


Hassan Bentaleb
Mardi 27 Avril 2021

“Le projet de mise en place d’un nouveau système d’évaluation du handicap ne doit pas se faire dans la précipitation et l’improvisation vu son impact fort et durable sur les personnes en situation de handicap », C’est ainsi qu'Abdelmalek Asrih, coordinateur national de la Plateforme de coordination des coalitions œuvrant dans le domaine du handicap a qualifié le projet en cours. Selon lui, ce chantier manque de maturité et sa gestion risque d’échouer faute de compétences. « Auparavant, l’évaluation du handicap s’est focalisé uniquement sur les fonctions organiques et les structures anatomiques. Il s’agit d’une approche purement médicale qui n’intègre pas les facteurs environnementaux. Aujourd’hui, le Maroc, en s’adaptant à la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, a la volonté d’adopter un concept qui englobe des facteurs médicaux, sociaux ainsi que l’impact de l’entourage », nous a-t-il indiqué. En effet, la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), adoptée par l’Organisation des Nations unies (ONU) en 2006, confirme à l’article 19 portant sur l’accessibilité, le rôle primordial de «l’accès à l’environnement physique, aux transports, à l’information et à la communication […] et aux autres équipements et services offerts ou fournis au public » (ONU, 2006). Ce faisant, elle oblige les États partie à prendre les mesures nécessaires afin d’éliminer les obstacles environnementaux et ainsi assurer aux personnes ayant des incapacités une participation sociale pleine et entière à la vie en société. Selon le modèle systémique interactionniste du développement humain et du processus de production du handicap (MDH-PPH), la participation sociale d'une personne correspond à la réalisation de ses habitudes de vie et résulte de l’interaction entre ses caractéristiques personnelles et l’environnement physique et social dans lequel elle vit (son milieu de vie). Selon cette perspective, rehausser la qualité d’accès à l’environnement devient un enjeu incontournable de nos sociétés contemporaines puisqu’elle détermine les possibilités de participation sociale et d’exercice effectif des droits humains des personnes ayant des incapacités et l’objectif du droit à l’égalité avec les autres citoyens. Conséquemment, la notion d’accès demande que l’on s’y consacre de manière rigoureuse afin de proposer une conceptualisation cohérente et une définition opératoire permettant de la mesurer intégralement dans le temps et l’espace. « A cet effet, notre pays a mis en place un nouveau système basé sur la création des commissions provinciales chargées d’évaluer le taux du degré du handicap des personnes concernées. Ces dernières doivent passer également par une commission nationale avant que leurs dossiers n'atterrirent sur le bureau de la direction chargée du handicap, au sein du ministère de la Solidarité, du Développement social, de l’Egalité et de la Famille, pour qu'elle leur délivre une attestation de handicap », nous a expliqué notre interlocuteur. Et de préciser : « Il y aura un examen médical pour évaluer le taux d’insuffisance et d’invalidité fonctionnelle. Les personnes concernées seront appelées également à répondre à un questionnaire de 50 items en relation avec leurs besoins en matière de transport, de scolarisation, etc. La visite médicale et la réponse au questionnaire constitueront les bases du rapport qui fixera le degré du handicap (fort, moyen ou faible). Et sur la base de cette évaluation, il sera décidé de de livrer, ou pas, la carte de handicapé». Pour le coordinateur national de la Plateforme de coordination des coalitions œuvrant dans le domaine du handicap, si l’idée de ce nouveau système est louable, sa mise en place pose problème. « Il y a trop de précipitation dans le lancement de ce chantier. L’Etat semble brûler les étapes alors qu’il s’agit d’un processus évolutif qui exige du temps et de la réflexion. En effet, l’ensemble des expériences mondiales dans ce domaine ont nécessité des années d’études et de réflexion avant la mise effective d'un tel projet. D’autres ont commencé avec des projets-pilotes avant toute généralisation », nous a-t-il indiqué. Et de poursuivre : « On se demande pourquoi il n’y a pas eu des projets-pilotes comme ce fut le cas pour le RAMED ou le Registre social. Certaines voix évoquent des pressions de la part de l'Institution du médiateur du Royaume au motif que cette institution a reçu plusieurs plaintes de personnes handicapées privées du bénéfice de la carte de handicapé. Il y a également la pression due au projet de mise en place d’un Registre social unifié (RSU)supervisé par le ministère de l’Intérieur et d'un système de soutien et d’encouragement des personnes en situation de handicap ». Mais que reproche-t-on au nouveau système d’évaluation ? « D’abord, le questionnaire le concernant ne correspond pas au contexte marocain. Certaines questions sont des copier-coller d’autres expériences internationales qui ne collent pas avec la réalité de notre pays. Ensuite, la composition des commissions locales sont purement inadéquates puisqu’elles sont composées de fonctionnaires qui exercent leur mission sous la supervision du préfet sans la présence d’un expert. Une absurdité puisque ces fonctionnaires n’ont pas les compétences requises, (savoirs scientifiques, expérience dans le domaine,…) ainsi que des moyens logistiques.», nous a-t-il fait savoir. Et d’ajouter : « Le nouveau système ne met pas en place un système de recours en cas de litige alors que dans les expériences mondiales, une personne handicapée bénéficie d'un droit de recours si le degré du handicap ne lui convient pas, sachant que nos experts ont conçu ce droit dans la conception du projet du nouveau système d’évaluation, mais ce volet s’est volatilisé en cours de chemin ». Abdelmalek Asrih a constaté également l’exclusion des experts marocains via celle du groupe des experts nationaux ainsi que de la société civile.«Il y a eu des discussions et des échanges des points de vue, mais concrètement, les responsables de ce dossier ne font qu’à leur tête», a-t-il noté. Et de conclure :« L’ensemble de ces éléments laissent penser qu’il y aura des pertes de droits et l’exclusion de plusieurs personnes de l'accès aux différents droits prévus par la législation nationale. En effet, l'entame de ce projet n’augure rien de bon ». 


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