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Opération d’embauche de 5.542 diplômés dans l’administration territoriale : La polémique qui n’en finit pas


Hassan Bentaleb
Vendredi 23 Décembre 2011

Opération d’embauche de 5.542 diplômés dans l’administration territoriale : La polémique qui n’en finit pas
La date limite de dépôt des dossiers de candidature pour postuler un poste  dans l’administration territoriale a pris fin hier. Près de 5.542 postes d’emploi sont offerts par voie de concours. L’Etat cherche à recruter 393 administrateurs (échelon 3), 550 rédacteurs (échelon 4), 943 administrateurs adjoints (échelon 3 et 4), 76 médecins (échelon 1), 132 ingénieurs d’Etat (échelon 1), 83 architectes (échelon 1), 8 vétérinaires (échelon 1) et 97 infirmiers diplômés d’Etat (échelon 2), 1984 adjoints techniques (échelon 4) et 1065 techniciens (échelon 4).
Pourtant, cette initiative continue à susciter tant d’interrogations sur les motivations d’une telle annonce communiquée avant la constitution du nouveau gouvernement et dans un contexte économique morose où l’on parle de la fragilité des finances publiques due à l'opération d'intégration de 4.304 chômeurs dans la Fonction publique, lancée par le gouvernement sortant en mars dernier.
Pour Abdelhamid Najh,  directeur exécutif de l’Association nationale des collectivités locales du Maroc (ANCLM), l’annonce du ministère de l’Intérieur n’a rien de surprenant même si le chiffre avancé reste très élevé. En effet, les 5.542 postes d’emploi proposés ne proviennent pas directement du département du Taieb Charkaoui, mais de certaines collectivités (CL) urbaines et rurales disposant de postes d’emploi vacants faute de ressources humaines.  Une circulaire du ministère, datant du mois d’août dernier, a interdit à l’ensemble des présidents des CL d’organiser des concours d’embauche et a demandé aux gouverneurs et walis de recenser les postes vacants. Au titre de cette même circulaire, les CL ont été sollicitées, notamment celles qui ne disposent pas de postes vacants, leur demandant de lister leurs besoins dans ce sens. « Bref, l’opération en cours n’est que l’aboutissement de ce processus qui a débuté en août au cours duquel le ministère de tutelle n’a fait qu’agréger l’ensemble de ces concours  au niveau central», a-t-il ajouté.   
Par ailleurs, le directeur exécutif de l’ANCLM a indiqué que cette opération a été précédée par d’autres. Précisément en 1991 et en 1992 lorsque l’Etat a lancé une opération similaire afin d’embaucher près de 8.000 diplômés chômeurs. « Il s’agit d’une vaste opération menée pour absorber le chômage des diplômés.
Les CL ont toujours été d’importants pourvoyeurs d’emplois», nous a souligné notre source.
Mais cette fois-ci, au-delà de  l’épuisement du stock des diplômés chômeurs qui a pris des proportions alarmantes ces dernières années, la démarche de l’Etat obéit, selon lui, à un autre impératif, à savoir le renforcement du taux d’encadrement jugé très faible et en dessous de  la moyenne. « Les cadres classés à l’échelle 10 restent peu nombreux. Leur répartition parmi le personnel des CL ne dépasse pas les 2% au sein des CL rurales et les 9% dans celles urbaines. D’ailleurs, les Cours des comptes régionales ont épinglé dans leurs rapports successifs les CL pour cet aspect », nous a-t-il révélé.
En effet, selon certaines statistiques émanant du ministère de l’Intérieur, datant de 2008, les cadres supérieurs représentent uniquement 16.713 fonctionnaires, soit 11,02% du personnel des CL. Les cadres administratifs et  techniques représentent respectivement 11.820 et 4.893, soit 7,80% et 3,23%.
Parmi ces cadres, 197 soit 52,12%, exercent leur fonction au sein des régions, 4.704 (19,22%) dans les préfectures et provinces, 7.844 (8,78%)  dans les communes urbaines et 3.833 (10,39%) dans les communes rurales.
Ils se placent donc loin derrière les cadres moyens qui représentent 30.502 fonctionnaires, soit 20,12%, le personnel d’exécution avec 32.645 fonctionnaires (21,53%) et la main-d’œuvre avec 71.463 fonctionnaires (47,33%).   
« Les CL manquent énormément de cadres, le salaire et  les perspectives de carrière étant peu attractifs contrairement au secteur privé qui propose mieux. Les cadres reprochent à l’administration territoriale l’absence d’un organigramme précis, d’une loi qui les protège et des indemnités dérisoires », a souligné la même source avant d’ajouter que même ceux qui sont en fonction aujourd’hui dans les CL ne semblent pas satisfaits de leurs conditions de travail et plusieurs d’entre eux comptent changer d’air.
Pour  notre interlocuteur, la création de ces nouveaux postes d’emploi ne devrait pas engendrer de nouveaux coûts budgétaires pour les finances publiques déjà fragilisées étant donné que ces postes budgétaires existent déjà.  « Il n’y aura pas d’impact financier puisque les CL se trouvent chaque année avec plusieurs postes vacants dus au départ en retraite de plusieurs fonctionnaires gradés avec des échelons divers. Pour les remplacer, il suffira de l’envoi d’un courrier du président de la commune au ministère de l’Intérieur pour avoir l’aval du ministère des Finances et le tour est joué », nous a-t-il confié.
Mais, selon lui, le vrai problème est ailleurs : c’est comment garantir l’efficacité et le rendement d’une telle opération. Le directeur exécutif de l’ANCLM craint que ladite opération ne devienne une copie conforme de celle de 1991.  Une  vraie catastrophe puisque ses retombées sur le développement d’une administration territoriale efficiente ont été quasi nulles. «Pendant cette période, l’Etat a embauché en masse des diplômés et des profils divers. Le hic, c’est qu’ils ne servent à rien, car sans compétence ni réelle connaissance du terrain », nous a-t-il précisé avant de poursuivre : «L’Etat doit s’interroger sur la valeur ajoutée de ces nouvelles recrues. Sont-elles capables de mener à bien leur mission ? Répondent-elles aux besoins des CL ? Disposent-elles des compétences adéquates ? ».
De son côté, Larbi Lkhrim, secrétaire général du Syndicat démocratique des collectivités locales (SDCL), affilié à la FDT, a estimé que quelles que soient les motivations qui sous-tendent cette décision du ministère de l’Intérieur, il s’agit d’une initiative qui va booster le marché du travail et permettre à beaucoup de chômeurs d’intégrer ce marché, notamment les diplômés.   Cette décision étatique, selon lui, pourrait s’expliquer par la volonté du ministère de l’Intérieur  de mettre fin à l’exploitation  de ces postes vacants à des fins électorales par les présidents des CL, d’autant plus que le pays vit une nouvelle ère après les échéances du 25 novembre.
Toutefois, M. Lkhrime appelle à ce que ces concours se déroulent dans la transparence la plus totale et  que les procédures de recrutement soient clarifiées.


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