Olivier Poivre d’Arvor : Au Maroc, il ne faut pas se laisser dominer par une autre culture


Propos recueillis par Youssef Lahlali
Mardi 19 Janvier 2016

Olivier Poivre d’Arvor : Au Maroc, il ne faut pas se laisser dominer par une autre culture
Olivier Poivre d’Arvor est un écrivain et diplomate français,
directeur de France Culture de septembre 2010 à août 2015. Président du Musée national de la Marine, il est aujourd’hui ambassadeur chargé de l’attractivité culturelle en France.
Libé l’a rencontré à Paris lors d’une conférence sur le thème “De la diplomatie culturelle au soft power”, organisée dans le cadre des “Mercredis de l’ambassade” du Royaume à Paris.
Lancés en 2005, les “Mercredis de l’ambassade” proposent un rendez-vous mensuel avec des personnalités du monde de l’art, de la culture et de la politique ayant un lien avec le Maroc.
Ces rendez-vous constituent un espace de réflexion, d’échanges et de débat sur des thématiques diverses ayant trait au Maroc. Entretien.


Libération : Est-ce que la culture est un investissement rentable dans un monde où domine  la crise économique ?
 Olivier Poivre d’Arvor : Pour moi, tous  les pays doivent investir dans le domaine culturel et c’est la meilleure façon d’avoir une image positive dans le monde et d’avoir un grand nombre de visiteurs et de touristes. Le tourisme aujourd’hui, c’est la culture, la France investit dans ce domaine. Au Maroc vous investissez dans  la culture, il ne faut pas se laisser dominer par une autre culture, ni par la culture française ni par la culture américaine. Ce que j’aime dans votre pays, le Maroc,  c’est que vous avez investi dans le patrimoine, dans les villes, l’artisanat, la création, le cinéma marocain.  Je connais votre pays à travers son cinéma, ses écrivains et  ses peintres. Je pense aujourd’hui que ce qu’on appelle le soft power c’est la clé de la puissance, c’est une forme de puissance ; ce n’est pas une puissance dominatrice mais c’est une puissance. Ce n’est pas la guerre par les bombes mais c’est une forme de séduction du reste du monde. C’est la meilleure façon de dépasser ses frontières et son identité pour s’ouvrir au monde.

Vous avez déclaré que la culture a pris le pouvoir avec François Mitterrand et Jack Lang au début des années quatre-vingts du siècle dernier ?
C’est vrai, moi j’ai été construit dans mon pays grâce à cela, vous avez donné un exemple formidable.

Vous avez insisté sur l’enjeu des connaissances aujourd’hui dans le monde. Est-ce que les responsables  politiques  sont conscients de cet  enjeu à votre avis?
Les politiques sont obligés de travailler sur le court terme et ce dont je parle, la culture et la connaissance, c’est du long terme. Ils sont obligés de résoudre des crises en permanence et de réagir, mais l’enjeu dont on parle, seuls les gouvernements durables et les chefs d’Etat qui durent dans le temps peuvent en tenir compte. Au Maroc, avec votre  système politique,  vous pouvez faire plus dans ce domaine que ce que vous faites.

Comment un pays comme le Maroc pourrait exporter sa culture,  par la création d’instituts ou de maisons de la culture à l’étranger?
Si  on prend l’exemple de la France, il y a 85 millions de touristes qui y passent chaque année. 70 millions passent par la ville de Paris. Si vous créez un endroit à Paris sur le parcours d’un touriste qui vient en France et que vous l’appelez «Maroc»,  c’est gagné.
Des expositions organisées à Paris comme celles de l’Institut du monde arabe et du Musée du Louvre sur le Maroc ont un grand impact.
La culture a besoin d’alliances entre les pays,  notamment entre le Maroc et la France dans ce domaine.

Quand vous avez parlé de la culture en France,  vous avez souligné le rôle important des étrangers  qui ont participé à ce développement comme Picasso, Dali et d’autres. Comment expliquez- vous le repli français aujourd’hui par rapport à l’étranger?
C’est un repli à mon avis pour certains, mais il y a d’autres gens comme moi qui sont ouverts sur le monde et sur tout ce qui est apporté par l’étranger. J’ai adopté une fille d’origine togolaise et je suis fier d’elle. J’ai été marié avec une Tchèque ; je crois qu’une partie de la population a peur. J’espère que ce pays continuera à recevoir des créateurs du monde entier, c’est cela qui compte. La richesse d’un pays n’est pas de rester entre soi mais  d’avoir des influences étrangères.

Je sais que vous êtes très intéressé par la vie  culturelle au Maroc. Quels sont les festivals culturels et artistiques  du Royaume que vous appréciez ?
Je me suis beaucoup intéressé au Festival de  musique Gnaoua d’Essaouira auquel  j’ai participé deux fois. Il y a aussi le Festival des  musiques sacrées et celui du cinéma à Fès et Marrakech. Votre pays dispose d’un patrimoine culturel d’exception qui constitue une source d’attractivité pour les visiteurs.
 


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