"Depuis plusieurs années, et la situation s'est encore aggravée ces dernières semaines, notre pays - comme d'ailleurs l'ensemble de l'Europe et la quasi-totalité des démocraties occidentales - est confrontée à une résurgence de l'antisémitisme sans doute inédite depuis la Seconde Guerre mondiale", a déclaré le chef de l'Etat devant le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), à Paris.
"À nouveau, depuis plusieurs années, l'antisémitisme tue en France", a-t-il poursuivi, alors que la France a connu en 2018 une flambée de 74% des actes antisémites.
Le chef de l'Etat a estimé que le temps des "actes" était venu, réitérant la promesse qu'il avait faite mardi en se rendant à Quatzenheim, dans l'est de la France, où une centaine de tombes du cimetière juif ont été recouvertes de croix gammées.
Le président a notamment annoncé le dépôt prochain d'une proposition de loi pour contrer la prolifération des propos racistes et antisémites sur le net en "renforçant la pression sur les opérateurs".
Répondant au vœu des instances juives et du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, il a annoncé que la France allait "mettre en oeuvre" - sans toutefois l'intégrer au Code pénal - une définition de l'antisémitisme élargie à l'antisionisme, qui est "une des formes modernes de l'antisémitisme".
Il a demandé la dissolution d'"associations ou groupements" racistes ou antisémites", dont "pour commencer" trois organisations d'extrême droite.
"Parce que la période met en cause ce que nous sommes, la France doit tracer de nouvelles lignes rouges", a-t-il déclaré.
"L'antisémitisme n'est pas le problème des Juifs, c'est le problème de la République", a-t-il ajouté, demandant au ministre de l'Education de se pencher sur le problème à l'école publique, et sur celui d'établissements touchés par la déscolarisation d'enfants de confession juive.
M. Macron s'exprimait après une série d'incidents antisémites en France ces derniers jours.
L'intellectuel et membre de l'Académie française Alain Finkielkraut a été violemment pris à partie samedi en marge d'un défilé des "gilets jaunes" par des manifestants, dont l'un a notamment utilisé le mot "sioniste". Cela a suscité un débat en France sur le sens à donner à ce mot dans ce contexte.
Mardi, 96 tombes avaient été découvertes profanées avec des croix gammées dans le cimetière juif de Quatzenheim.
Quelques jours plus tôt, des portraits de Simone Veil, rescapée d'Auschwitz et figure récemment décédée de la vie politique française, avaient été barrés d'une croix gammée. Et un arbre planté à la mémoire d'Ilan Halimi, un jeune juif torturé à mort en 2006, avait été retrouvé scié.
La France a recensé 541 actes antisémites en 2018, un chiffre en hausse de 74% sur un an, mais qui reste inférieur aux pics de 2014 (851) et de 2004 (974). Et en 2018, l'Agence juive estimait à 45.000 - un dixième de la communauté - le nombre des juifs de France ayant fait leur "aliyah", l'émigration vers Israël, en une décennie.
Dans son discours, le président du Crif, Francis Kalifat, avait lancé un appel aux musulmans et aux imams à lutter contre l'antisémitisme et à "en finir avec la justification religieuse de la haine des juifs".
Ce dîner annuel intervenait au lendemain d'une mobilisation contre l'antisémitisme à l'appel de responsables politiques, religieux et associatifs, qui a réuni des milliers de personnes dans plusieurs villes du pays et notamment à Paris, Marseille ou Strasbourg, sans pour autant prendre le caractère massif espéré par certains.
"La masse n'était pas là, la foule n'était pas là", a ainsi regretté à l'antenne de la chaîne CNews l'avocat Serge Klarsfeld, connu pour sa traque d'anciens nazis. "L'antisémitisme, ça ne se guérit pas facilement, c'est un travail très long".