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Logement : le marteau des promoteurs et l’enclume des banques


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Samedi 9 Mai 2009

Logement : le marteau des promoteurs et l’enclume des banques
Cela fait des années que Mohamed.N, salarié dans une entreprise privée, rêve d’acquérir un appartement dans un quartier de moyen standing et tranquille à Casablanca. Malgré son salaire net de 8518,90 DH, dans un pays où le SMIG ne dépasse pas 2000 DH, ses tentatives d’obtenir un prêt bancaire  se heurtent à une contrainte de taille.
Non seulement les banques refusent de lui accorder le montant de 800.000 DH sous prétexte que la traite mensuelle dépasserait 40% de son salaire, mais il est dans l’incapacité de payer une partie de la transaction (20% en moyenne) en «noir». Or, ce même salarié s’acquitte mensuellement de ses droits fiscaux à hauteur de 880,40 dh en termes d’Impôt sur le revenu, soit un taux de 38% (même si sa profession bénéficie d’une exonération de près de 40%).
Ce cas est fort révélateur. Il résume parfaitement la situation de la classe moyenne marocaine  victime du fisc et délaissée à la fois par le système bancaire et les politiques publiques. Les « champions de l’immobilier » et les «bâtisseurs du bonheur» peuvent avancer qu’il existe bel et bien des projets immobiliers dans le logement économique et moyen standing.
 Le Groupe Addoha avait annoncé récemment que ce segment représente 77% des unités en cours de commercialisation, à fin février 2009. Seulement, il est quasiment impossible de trouver aujourd’hui une offre qui réponde aux besoins des classes moyennes et à leur capacité financière, en particulier à Rabat et à Casablanca.
Si des efforts relativement sérieux ont été déployés en ce qui concerne l’habitat économique et social et que le haut standing connaît une abondance logique, le problème se pose au niveau de la classe moyenne qui ne trouve pas de produits adéquats. Ni le discours officiel ni les spots publicitaires des promoteurs immobiliers ne peuvent occulter la réalité. La propriété est inaccessible en raison de l’attitude des promoteurs qui ne tiennent  pas compte des besoins réels et des revenus des classes moyennes. Il suffit de constater que les prix des lots de terrain ont connu une montée vertigineuse. Pour un 90 mètres carrés, il faut au moins 1.000.000 dirhams. Cela dépasse les revenus.
Du coup, les cadres appartenant à ces classes se trouvent dans une situation particulièrement difficile. Au lieu d’habiter dans des appartements de moyen standing, ils sont contraints d’acheter un logement social destiné en principe aux ménages à faibles revenus ou qui n’ont pas du tout de revenus fixes et réguliers. Le ministère de l’Habitat  reconnaît qu’il existe un grand déficit en matière de logements destinés à la classe moyenne. Selon les chiffres du haut commissariat au Plan, 2,4 millions de familles sont concernées par le phénomène. Au total, 800.000 familles ne sont pas propriétaires de leur logement ; 300.000 d’entre elles vivent dans des logements insalubres.
Ainsi et après s’être battu des années pour assurer des logements accessibles pour les ménages marocains à faibles revenus, le gouvernement se trouve aujourd’hui confronté à un nouveau problème : l’achat d’un logement est hors de portée pour  la classe moyenne et les promoteurs immobiliers n’ont rien à offrir. Ainsi, les villas économiques, dar Lakbira et les autres programmes se sont-ils avérés au fil des mois une supercherie, ni plus ni moins.
Par ailleurs, les pouvoirs publics se vantent de « l’initiative » qui consiste en la garantie par la Caisse centrale de garantie de prêts plafonnés à 800.000 DH pour, dit-on, encourager la classe moyenne à accéder à la propriété. Force cependant est de déduire que le but est tout autre sauf la classe moyenne. En elle-même, la garantie n’a rien de sérieux.
Les banques qui ont commencé à commercialiser cette « nouvelle offre », posent des conditions qui ne tiennent nullement compte des contraintes empêchant les gens d’acquérir un appartement. Les banques plafonnent les montants des crédits à 800.000 DH, à condition que la traite mensuelle ne dépasse pas 40% du salaire net du demandeur de crédit.
Or, des appartements moyen standing se vendent à 1.000.000 DH en moyenne sans évoquer la partie à payer sous la table et qui varie, selon le marché, entre 15 et 20% du prix total de la transaction immobilière. Autrement dit, c’est une mesure conçue et mise en œuvre par les pouvoirs publics peu soucieux en réalité des classes moyennes, pour venir en aide aux banques et  donc  donner un nouveau souffle aux promoteurs immobiliers qui sont touchés, d’après les statistiques officielles, par les effets néfastes de la crise financière sur l’économie marocaine.
On peut donc affirmer que les classes moyennes  constituent l’épine dorsale de la société marocaine. Mais la paix et la stabilité sociales supposent des mesures concrètes en faveur de ces classes à plus d’un titre : financement, foncier, fiscalité et conditions de vie. Pour le moment, le gouvernement n’a fait qu’annoncer des intentions sans action visible ni programme détaillé.
L’accès à la propriété n’est pas, donc, un droit reconnu aux classes moyennes. Ces dernières font face au déficit en produits adéquats, au refus des banques de leur assurer le financement nécessaire, aux promoteurs immobiliers peu scrupuleux et à l’attitude opportuniste des pouvoirs publics vis-à-vis de ces couches socioéconomiques.


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