Dans un rapport d’évaluation, la Cour des comptes s’inquiète de la pérennité de la biodiversité du pays

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Flou juridique
Toubkal, Ifrane, Souss-Massa, Khénifra, Iriqui, Haut Atlas oriental, Khenifiss, Talassemtane, Al Hoceima, Tazekka et Dakhla sont les 11 parcs nationaux répertoriés dans le pays, depuis la création, en 1942, d’aires protégées dénommées «parcs nationaux». Depuis, une loi, n° 22-07, relative aux aires protégées, est entrée en vigueur en 2010. Le problème est que son décret d’application n’est toujours pas adopté. Un retard dû principalement « au manque de concertation entre les départements concernés par les aires protégées, à savoir les eaux et forêts, la pêche maritime, l’équipement, le domaine maritime et l’environnement», selon la Cour des comptes
Le second grief exprimé tient dans l’article 3 de la loi n° 22-07. D’après ce dernier, «une aire protégée peut être subdivisée en zones continues ou discontinues relevant de régimes de protection différents». Or, ce concept capital dans la conservation des aires protégées n’est défini « ni dans son contenu, ni dans la forme de sa mise en œuvre », déplore la Cour des comptes. Un flou qui en appelle à un autre, celui qui entoure la définition des catégories d’aires protégées (parc national, parc naturel, réserve biologique, réserve naturelle et site nature). Ce manque de clarté jumelé à un système de contrôle et d’infraction unifié n’est pas sans conséquence.
Concrètement, il ne plaide pas en faveur d’un pouvoir d’action adapté en matière de préservation, de conservation et d’éco-développement. La situation est d’autant plus inquiétante, du fait que la loi n ° 22-07 n’a pas prévu la création d'entités dédiées à la gestion des aires protégées, aussi bien au niveau central qu’au niveau régional. Par la force des choses, cela crée une faiblesse en termes de mécanismes de concertation entre l’administration et les collectivités territoriales.
Aucun plan d’aménagement
et de gestion
En effet, si l’implication des collectivités territoriales se manifeste à la fois lors de la phase du projet de création de l’aire protégée et de la préparation du plan d’aménagement et de gestion (PAG) relatif à l’aire protégée, la Cour des comptes regrette que les collectivités territoriales « n’interviennent dans le processus qu’au même titre que les associations de la société civile et la population ou comme un intermédiaire entre l’administration et cette même population, bien qu’elles soient l'un des principaux intervenants au niveau de la création et de l’aménagement». D’où certainement des retards dans l’établissement des plans d’aménagement et de gestion prévus par la loi n° 22-07 dont l’article 19 précise qu’une aire protégée est dotée d'un plan d'aménagement et de gestion (PAG) établi à l'initiative de l'administration et en concertation avec les collectivités territoriales et les populations concernées.
L’autre incompréhension majeure réside dans la durée de validité du PAG qui ne peut excéder 10 ans. Mais « les modalités de son approbation et la durée maximale que l’administration réservera à la préparation de ce document ainsi que la date de sa production par rapport à l’annonce de la création de l’aire protégée ne sont pas spécifiées», précise la Cour des comptes. Bref, dans ce cas, la loi telle qu’elle est laisse trop de place à l’interprétation. Preuve de son inutilité sur ce point, jusqu’à fin avril 2018, aucun PAG des parcs nationaux n’était encore établi selon la nouvelle loi.
Des infractions impunies
Pointé du doigt, l’ensemble de ces dysfonctionnements juridiques est dicté par une seule et même honorable raison : la préservation des parcs nationaux et de leur formidable biodiversité.
Malheureusement, cet objectif rencontre beaucoup trop d’obstacles comme les statuts juridiques des terrains, décrits dans le rapport comme « un frein aux actions de conservation des parcs nationaux » notamment quand le domaine de l’Etat, généralement forestier, ne constitue par la superficie majoritaire des espaces. C’est d’ailleurs le cas dans les parcs nationaux de Souss-Massa (39%), d’Al Hoceima (31%), du Haut Atlas oriental (51%) et d’Ifrane (64%). Dès lors, le pouvoir de l’Etat se retrouve limité et ne peut empêcher des infractions relatives aux changements d’aspect extérieur. Et les conséquences sont tristement irréversibles. Dans le parc national d’Ifrane, les agriculteurs propriétaires de terrains ont opté pour une agriculture moderne qui a détruit l’aspect naturel du parc. En cause, le creusage de puits, le goutte-à-goutte ou encore l’arboriculture.
Et quand bien même des infractions seraient constatées, les agents verbalisateurs sont souvent dans l’incapacité de verbaliser. Pourquoi ? D’abord, à cause de l’absence de coordonnées GPS de l’infraction et des photos des dégâts occasionnés. Ensuite, en l’absence de suivi rigoureux des dossiers, il est quasi-impossible d’évaluer le retard au niveau des jugements ni leur exécution. Et enfin, si infraction il y a, le PV ne mentionne pas les parcs nationaux comme lieu d’infraction.
En somme, le volet juridique du rapport de la Cour des comptes en dit long sur la précarité de la situation des parcs nationaux au Maroc. Et ce n’est que le premier. Ceux dédiés à la gouvernance, au cadre opérationnel de gestion ainsi qu’à l’évaluation de la faune et la flore seront publiés dans nos prochaines éditions.