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Les marchés marocains de la faune accusés de maltraitance

Une nouvelle étude révèle que les animaux sont maintenus dans de mauvaises conditions, sans eau ni nourriture


Libé
Samedi 1 Septembre 2018

Il y a quelques jours, l'image choquante d’une éléphante d’Asie et de son petit en feu a remporté le premier prix d'un concours de photographie animalière, attirant ainsi l’attention sur le conflit qui oppose les éléphants aux hommes en Inde. A l’image d’un bourreau avec son supplicié, l’être humain prend un malin plaisir à maltraiter les animaux. Et le Maroc n’échappe pas à cette réalité. Récemment parue dans le Journal of Applied Animal Welfare Science et relayée par le site web mongabay, une nouvelle étude a établi de flagrantes maltraitances dans les marchés marocains de la faune.
En effet, là où de nombreux animaux sauvages sont mis en vente, malgré leur statut d’espèces protégées, dont la tortue éperonne, le macaque de Barbarie ou encore des caméléons méditerranéens, les chercheurs de ladite étude ont constaté que ces animaux sont la plupart du temps maintenus dans de mauvaises conditions sans eau, ni nourriture, ni ombre.
Chercheur à Oxford Brookes University, au Royaume-Uni, et spécialisé dans le commerce des espèces sauvages en Afrique du Nord, Daniel Bergin a sillonné pendant près de quatre ans (de 2013 à 2017) les marchés de la faune dans les villes de Marrakech, Fès, Casablanca, Meknès, Tanger et Rabat. Objectif ? Braquer les projecteurs sur les conditions de captivité des animaux à travers la grille de critères suivante : 1- S’ils avaient accès à de la nourriture et à de l'eau appropriées. 2- S'ils étaient capables de contrôler l'exposition à la chaleur ou au soleil. 3- Si le matériau du plancher de l'enceinte était confortable. 4- S'il y avait suffisamment d'espace pour se déplacer. 5- S'ils étaient capables de se cacher du stress.
Les résultats de ses constatations sont aussi inquiétants qu’édifiants, puisque l’ensemble des 2.100 animaux observés, en captivité pour le divertissement ou la vente, sont quasiment tous maltraités. Voici un poignant exemple révélé par Daniel Bergin : «Les bébés singes ont été ramassés et traînés avec une chaîne qui a été fixée autour de leur cou, même si cela leur cause clairement beaucoup de douleur et de détresse ». Et d’ajouter : «Les tortues étaient souvent entassées de sorte qu'elles ne pouvaient pas toutes toucher le sol et nous avons trouvé un sac rempli de tortues qui avaient apparemment été abandonnées au coin d'un marché. Les tortues essayaient désespérément de se libérer, mais il ne semblait pas y avoir d'intention immédiate de les déplacer, même pour les mettre dans des caisses ».
En réalité, les exemples cités ne sont que les cas les moins cinglants. Car ce qui a le plus choqué l’équipe de chercheurs, c’est que les animaux captifs n’ont ni eau, ni nourriture, et qui, plus est, sont exposés au soleil sans la moindre ombre à l’horizon.
Si toutefois les chercheurs n’ont pas eu la possibilité d’inspecter physiquement les animaux, leur conviction est déjà forgée : « Ces animaux sont en train de mourir lentement et dans d’atroces souffrances». Une conviction renforcée par les entretiens réalisés auprès des vendeurs. A vrai dire, le problème est beaucoup plus grave et va bien au-delà de la maltraitance. L’ignorance rentre en ligne de compte. L’équipe de chercheurs a souligné que les vendeurs méconnaissaient totalement les besoins des animaux, notamment en matière de nourriture. « Une grande partie de la nourriture disponible pourrissait et consistait uniquement en feuilles de laitue et de menthe, en dépit du fait que les animaux mangeaient une plus grande variété ou différents types de nourriture dans la nature », a déploré Daniel Bergin, avant d’embrayer : « La tortue à épis, par exemple, est connue pour manger au moins 34 espèces de plantes à l'état sauvage. Tandis que l'écureuil de Barbarie mange principalement des fruits, des graines et des noix ».
L’archétype de l’ignorance des vendeurs réside dans le cas des tortues «Les vendeurs ont souvent dit à tort que les tortues n'ont pas besoin de boire de l'eau ou que les caméléons ne mangent que des feuilles de menthe. Or, elles mangent aussi des insectes et ne peuvent survivre avec un régime de feuilles seulement », s’indigne l’équipe de chercheurs.
Catastrophique, dégoûtante et abjecte, la situation décrite par les chercheurs n’est pas à prendre à la légère. Le gouvernement, unique intervenant, doté de moyens de changer le cours de cette ignoble situation, doit impérativement se retrousser les manches, alors que l’impression qui prime de nos jours est que la maltraitance des animaux au Maroc ne fait pas partie des priorités. Pour preuve, la loi proposée en 2013 par le gouvernement, interdisant les mauvais traitements ou les abus envers les animaux en captivité, avec des amendes pouvant atteindre 20.000 dirhams, n’a toujours pas été adoptée.
Prendre ce problème à bras-le-corps, ne serait pas vain, car améliorer le bien-être des animaux sauvages sur les marchés éviterait leur mort et, par ricochet, les vendeurs n’auront pas à retirer d’autres animaux de leur milieu naturel. Un cercle vertueux dont la cause animale au Maroc est exclue.


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