En dépit de tous les argumentaires développés ici et là pour faire accroire qu'elles ont été induites par les cours mondiaux, personne n'a été dupe, puisque les hausses appliquées l'ont été à un moment où ces cours avaient entamé une décélération à la fois visible et importante. Le discours sur la vérité des prix a ainsi été écorné en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire. L'a également été toute la communication initiée à propos de la soi-disant émergence d'entreprises citoyennes et socialement responsables. Un discours qui rappelle l'inénarrable logomachie des temps où il fallait obligatoirement être dupe. A une différence près : le Maroc avance réellement et se développe à vue d'œil. Mais les fruits de ce développement ne sont pas équitablement répartis.
A preuve, les 10 % de la population les plus aisés dont la DAMP (dépense annuelle moyenne par personne) est égale ou supérieure à 14 723 DH « dépensent par tête, en moyenne, 11,8 fois plus que les 10 % de la population les plus défavorisés dont la DAMP est inférieure à 2 672 DH ».
Ces données de l'enquête nationale sur les niveaux de vie des ménages (1998-99) demeurent d'actualité, puisque le fossé entre les premiers et les seconds est extrêmement important et fort pernicieux au regard de la faiblesse numérique de la classe moyenne et de l'érosion constante et tendancielle de son pouvoir d'achat. Un processus dont l'impact sur la stabilité du pays ne peut être que négatif. D'où la volonté des responsables de s'atteler à lui trouver une solution. Du moins au niveau des effets d'annonce, puisque les derniers mois de l'année qui nous a quittés ont été placés sous le signe d'un discours appelant à faire mieux émerger cette catégorie de citoyens sans laquelle toute paix sociale sera illusoire.
Pour que ce vœu devienne une réalité palpable, il faudrait laisser les mécanismes de régulation mis en place fonctionner librement et de manière automatique ou en créer de nouveaux à même d'établir un nécessaire équilibre entre les demandes, forcément contradictoires, des citoyens qui vendent leur force de travail et ceux qui les font travailler.
Si le Dahir du 31 octobre 1959 relatif au relèvement général des salaires en fonction de l'augmentation du coût de la vie est mort de sa plus belle mort avant d'être abrogé par l'actuel Code du travail, l'indexation de l'évolution des salaires sur celle des prix demeure encore à l'ordre du jour.