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Les bidonvilles philippins, piège pour les émigrés de la campagne


AFP
Vendredi 8 Juillet 2011

"La province, c'est très beau, il n'y a pas de bouchons. Mais sans terre à cultiver, on meurt de faim": comme Maria Luisa Bernardo, venue du nord du pays, nombreux sont les Philippins à fuir les campagnes pour venir s'entasser dans les bidonvilles de Manille, dans l'espoir d'une vie meilleure.
A 44 ans, cette mère de cinq enfants et grand-mère vit depuis 25 ans à Triangle Nord, l'un des plus grands bidonvilles de la capitale philippine.
Elle y partage une minuscule pièce avec l'un de ses fils, sa petite amie et leurs deux bébés.
"Ici au moins, il y a une chance de gagner un petit peu d'argent", assure cette femme qui, après avoir quitté un mari qui la battait, a d'abord travaillé à Manille dans une usine de carton, avant de devenir serveuse dans un bar. Elle vend maintenant de l'épicerie et des bouteilles de gaz, même si cela ne suffit pas à payer la nourriture, l'électricité et l'eau.
Elle a donc vendu la moitié de sa masure à un voisin pour 52.000 pesos (834 euros), ce qui ne lui laisse plus que 12 m2 pour vivre.
Près de 2,63 millions de personnes, soit 23% de la population de Manille, vivent ainsi dans des conditions de grande précarité dans les bidonvilles de l'immense métropole.
Une population défavorisée qui augmente de 2,1% par an, indique Reynaldo Lunas, reponsable de la planification pour l'autorité chargée du développement de la ville de Manille.
Pire, 310.000 personnes vivent au-dessus des égouts à ciel ouvert ou sous les ponts, bloquant l'écoulement des eaux et aggravant ainsi des inondations à répétition.
"Ces gens sont à l'origine des travailleurs agricoles et ils manquent donc de qualification pour les emplois proposés dans les centres urbains comme Manille", explique M. Lunas.
"Il faut agir à la source du problème qui réside dans des revenus agricoles trop faibles. Même si nous relogeons ces gens, tant que les revenus dans les régions rurales ne s'améliorent pas, on ne pourra pas empêcher les ruraux d'affluer", ajoute-t-il.
Pour Florian Steinberg, spécialiste du développement urbain à la Banque asiatique de développement (BAD), il sera difficile à court terme de stopper ce flux.
Les habitants des bidonvilles "vivent mieux que dans les zones rurales. Ils ont plus de chance de trouver un emploi et d'envoyer leurs enfants à l'école", explique-t-il.
Si 5% de cette population vit dans une extrême pauvreté, la proportion monte à 25% dans les zones rurales.
"Il s'agit d'une tendance historique. Seule l'urbanisation permettra de soutenir la croissance", ajoute M. Steinberg.
De par leur grand nombre et leur puissance, les habitants des bidonvilles sont courtisés par les hommes politiques, qui achètent leur vote.
Contre des produits d'épicerie offerts, Mme Bernardo était ainsi devenue la représentante dans son quartier d'un candidat aux élections municipales de mai 2010. Mais celui-ci fut battu.
Quatre mois plus tard, le bidonville se soulevait et s'en prenait aux équipes de démolition envoyées par l'Etat qui voulait nettoyer les lieux dans la perspective de la construction d'un centre d'affaires.
Bloquant la principale artère de la ville, à l'aide de pneus incendiés et paralysant ainsi le centre-ville, les habitants firent plier le président Benigno Aquino qui renonça au projet immobilier.
Mais pour autant rien n'a changé à Triangle Nord. Les ruelles sont toujours si étroites que les pompiers ne peuvent intervenir en cas d'incendie.
Et pour Mme Bernardo, le quotidien laisse toujours aussi peu d'espoir de s'en sortir. Son fils de 18 ans, qui a terminé ses études secondaires, ne parvient pas à garder un petit boulot bien payé.
"Pourquoi l'enverrais-je étudier quand nous n'avons même pas assez pour nous acheter du riz ? ", lance-t-elle. 


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