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Les animaux ne violent pas !


Par Jamal Eddine NAJI
Lundi 2 Avril 2012

Qui a arraché à Larache cette membrane qui nous cachait notre honte à tous et à toutes dans ce pays où l'ultime marque d'amour ne peut être « convenable » et légale aux yeux - bandés- de la loi et de la foi que si le sang coule et soit exposé comme un trophée de chasse, aux sons des tambours, des «néffars» et youyous de «négafates», ces cousines ou comparses d'exciseuses de petites filles?  Cette honteuse membrane, que nos frustrations ataviques et nos résiduels d'instincts néandertaliens, de l'ère des mangeurs de chair de bouc vivant, a été enflammée par ce sanglant arrachage. Le viol, instinct «humain» que ne connaissent pas les animaux, a donc provoqué, après longue incubation, le geste sacrificatoire d'une de nos innombrables Amina, dont le trépas par la mort-aux-rats eut, in fine, pour  salvatrice conséquence de déchirer notre membrane à tous en ce pays! Un pays qui ne célèbre et ne consomme l'amour  qu'en état de transe collective, plus assimilable à un exercice d'exorcisme que de jouissance de la vie et de sa beauté, éphémère pourtant…
Notre membrane à tous (mâles et femelles) a été déflorée. Enfin, notre bien sombre Moi collectif a été démasqué, disloqué, révélant l'état de flétrissure de nos lois et de nos serments de foi. Voici donc donnée en spectacle, dans la rue, dans le Parlement, dans les tribunaux, sur les plateaux télé, cette pitoyable ataxie qui ronge et agite notre corps social dans son entier…Avec ses puissants et ses faibles, ses riches et ses pauvres, ses lettrés et ses analphabètes, ses gandouras et ses smokings, ses vieux et ses jeunes (hélas !), ses juges et ses plaignants…Devant sa machine, le greffier de nos amours, entre mâles et femelles (loi de la nature, de l'Homme comme de l'animal), n'accepte de taper le PV de la vie ici-bas des Amina et de ses consœurs que quand le ruban de son clavier change d'encre, quand celle-ci devient rouge sang, le sang de l'hymen-trophée! Nos magistrats et nos jurisconsultes n'ont pas le souffle suffisant pour pouvoir remonter jusqu'aux grottes d'origine d'où nous viennent nos tables de lois et nos entrelacs de croyances, d'us et de coutumes. Leur souffle est trop court pour pouvoir embrasser, sonder, réformer, humaniser et moderniser toute la cosmogonie qui nous lie, dans notre univers social et humain, sur cette terre marocaine occupée par mâles et femelles depuis des millénaires… Faiblesse d'efforts, de compétences et de force de l'âme, qui profite aux sentences du «génie maléfique» des charlatans, des fous, des faux prophètes, des violeurs et chasseurs d'hymen frais, fossoyeurs de l'amour, de la dignité humaine, de l'amour dans la dignité et dans la célébration de la vie et de sa beauté que seule l'espèce humaine a le privilège, parmi toutes les espèces, de vivre et d'en prendre conscience.
Dans notre réalité, plus de deux cent mille ans après l'«Homme de Sidi Abderrahman», successeur lointain de «l'Homo Erectus», en cette province romaine de Tingitane, avec sa Tingis (Tanger), sa Tamuda (Tétouan) et sa Lixus (Larache), il n'est encore accordé à toute Amina  la légitimité de vivre dans la légalité, dans l'amour et dans le pardon, que si son hymen est «légalement» et dûment saigné à blanc, sur blanc de «saroual» ou…de linceul! Quitte à ce que cet égorgement de dignité humaine  prenne ou paraisse prendre la forme d'un…viol! Une chasse de l'hymen, coûte que coûte, qui peut même, professe un criminel, avoir un épilogue : violer le cadavre de l'hymen qu'on a eu, par le droit -divin et humain- de déflorer sous le règne du sacro-saint permis de chasse qu'on appelle, chez nous, «mariage»!
Nos Amina, bannies de tout amour enflammé, sont pistées et pourchassées, partout, dans les villes comme dans les campagnes, dans les palais comme dans les chaumières, par des hordes de chasseurs de membranes juvéniles, assistés par moult gardiens de notre membrane à nous tous, celle tissée d'instincts ataviques, de songes macabres et de coutumes néo-cannibales. Trêve d'illusions! Nous sommes un peuple du règne des fauves : carnivores par excellence (idolâtres du «Dieu Mouton», dirait Candide qui nous visiterait les sept jours du «Grand» Aïd) et violeurs de l'intégrité et de la dignité de l'humain, par tout moyen…Par la foi, par la loi, par la voix, dans les bois comme dans le Droit. L'inflammation aiguë de notre membrane collective est, comme nous l'observons aujourd'hui, bien forte et fort avancée. Elle s'aggravera et s'étendra encore tant que, par somnolence ou par indolence, on permettra au mâle d'écrire l'histoire de sa vie avec du noir sur blanc, pour ne concéder à la femelle que la peine de graver son calvaire avec du rouge sur le blanc de la mort du cœur, du corps et de l'âme. 


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1.Posté par nontabou le 02/04/2012 19:29
La supériorité de l'homme sur la femme prend sa véritable place lors du mariage acte légal d'égorger la femme par en bas pour offrir le spectacle du sang dans le serwal blanc aux invités ,jusqu'à quand durera cet spectale de honte qui terrorise la femme ?.La belle réponse se trouve sur youtube où la nuit de la dekhla la mariée a révélé à son mari avec courage :"c'est déjà fait,ça t'évite de te fatiguer ".bien dit !madame .

2.Posté par Mustapha Saha le 02/04/2012 23:08
L'article passionnant "Les Animaux ne violent pas", de Jamal-Eddine Naji, paru dans le journal marocain Libération du 2 avril 2012, s'attaque courageusement à l'excision, à la circoncision, au viol ritualisé, au tabou des tabous. Dans les années cinquante, Joseph Chelhod avait publié un livre savant, rare, étonnant, "Le Sacrifice chez les Arabes. Recherche sur l'évolution, la nature et la fonction des rites sacrificiels en Arabie occidentale", aux Presses Universitaires de France, la préface était de Marcel Griaule, le grand anthropologue du Musée de l'homme, découvreur de la culture Dogon. Le livre de Joseph Chelhod, aujourd'hui introuvable et rarement cité, ouvrait une piste de recherche féconde pour explorer les zones obscures de la mémoire collective musulmane. La culture marocaine et son ethnos structurel sont sans doute marqués par cette double tradition sacrificielle, antique, arabe-africaine. Or la culture sacrificielle relève du fatum, de la superstition fataliste, qui institutionnalise la soumission à l'ordre établi. C'est cette culture-là qui a été théorisée par Al Ghazali (notamment dans L'Ethique du musulman, dans Le licite et l'illicite, dans l'Epitre au disciple) dont le dogmatisme philosophique a plongé le monde arabo-musulman dans le fatalisme, l'obscurantisme et l'immobilisme depuis huit siècles, à tel point que le Printemps arabe, comme la Nahda hier, est sans cesse guetté par les nuages sombres de l'automne des patriarches. Mustapha Saha (sociologue, poète, artiste peintre, photographe), mustapha.saha@gmail.com




3.Posté par anonyme le 03/04/2012 08:23 (depuis mobile)
Un commentaire par rapport au titre seleument : les animaux violeurs existent. http://www.liberation.fr/sciences/0101302300-dauphins-en-eaux-troubles-guerres-viols-la-vie-des-dauphins-dans-le-grand-bleu-n-est-pas-si-rose-mise-au-point-avec-le-special

4.Posté par Ami Bibah le 04/04/2012 15:04
Bravo Jamal d’avoir osé aborder ce sujet encore tabou !
La liberté de l’homme ne peut s’obtenir qu’en violant les tabous (c)
Quant aux dauphins violeurs post d’anonyme : « Il y a moins de l'ignorance à la Science que de la fausse science à la vraie science. » de Ernest Psichari.

5.Posté par Mm le 04/04/2012 20:30
A croire que l'homme à la recherche de virginité n'est qu'un vulgaire saligaud, un violeur invétéré. Rebelle à cette philosophie "occidentale" dont le propre n'est il pas de "violer" nos tabous pour y incruster ceux autres et différents d'une société de consommation et de consumation dont l'objectif forcené fondamental reste faire flancher cet humain barbare absout à l "civilisation" en témoignent ces grands écrivains venus d'ailleurs auxquels nous emboitons le pas car ils sont de ce "là ba", cet espace de son

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