Cependant, les revendications restent identiques à celles des grévistes d’autres villes du Royaume. Tous fustigent ce nouveau Code de la route équivalent pour eux «à un aller simple vers la prison», nous confie Abdelaziz, la cinquantaine et chauffeur depuis deux décennies, avant d’ajouter : «Comment voulez-vous qu’on soit d’accord avec une loi qui va à l’encontre de nos intérêts ! Ce code est irréalisable au Maroc. Nous ne sommes ni en France ni en Belgique. Regardez l’état de nos routes et la circulation ambiante, les citoyens traversent n’importe comment (…)».
Un élan de colère difficile à maîtriser. Nous laissons Abdelaziz poursuivre son débat houleux avec l’un de ses collègues de la station «Somal». Selon eux, si le nouveau code de la route devrait être rejeté, ce serait à cause des mauvaises conditions de travail – et notamment du mauvais état de nos infrastructures- qui ne permettraient pas une application correcte de la législation. … Un argument qui est repris par d’autres de nos interlocuteurs du métier. Selon Saïd Mouna, chauffeur de taxi et représentant syndical, le problème des infrastructures routières est l’un des points épineux du problème. «Comment voulez-vous travailler convenablement sur des routes que tous appellent les routes de la mort.
Dernièrement, j’ai dû emmener quelqu’un jusqu’au barrage Al-Wahda… résultat des courses : mon taxi a dû être immobilisé pendant trois jours chez le garagiste vu les dégâts que j’ai subis (…) ».
Selon ce représentant syndical, si le secteur du transport à Tétouan n’a pas suivi la grève des 3 et 4 avril, il n’en est pas moins qu’ils refusent à l’unanimité l’application du nouveau Code de la route. Et de dire : «Nous ne pourrons supporter les lourdes amendes prévues par la loi; ce sont des amendes irréalistes pour nous. Cela nous mettrait sur la paille».
Mais pour lui, il ne faut pas se leurrer; ce code serait déjà appliqué officieusement... «L’un de mes collègues en a fait les frais dernièrement. Il était à l’arrêt à la station «Jamaa Mezouak, Jbel Dersa».
Une femme âgée est tombée sur le capot de sa voiture, peut-être avait-elle eu un malaise. Manque de chance pour lui, il a été rapidement accusé d’avoir heurté cette femme qui s’est plainte du poignet. Mon ami a été arrêté sans la possibilité pour lui d’appeler sa famille ni celle d’aller chercher la caution exigée.
Entre-temps, la femme âgée conduite à l’hôpital en est ressortie sans aucune fracture constatée… Ce n’est que tard dans la nuit que j’ai pu le sortir en déposant 1000 dirhams de caution. Bien entendu, son permis a été confisqué et la date d’audience au tribunal a été fixée au 25 mai.
C’est après plusieurs interventions que l’on a pu l’avancer à lundi prochain. Rendez-vous compte de la gravité de la chose ? Cet homme travaille de 4 heures du matin à 23 heures. Il gagne en moyenne 80 dirhams par jour pour subvenir aux besoins de sa famille. Sans permis, comment s’en sortira-t-il ?» Même son de cloche chez Mohamed, chauffeur de bus à la place de la Colombe Blanche où se regroupe l’ensemble des bus qui desservent la ville.
Il nous avouera avec un français parfait :«Nous sommes contre ce nouveau Code de la route ! Nous vivons déjà dans une situation financière difficile. Avec cette nouvelle législation, nous travaillerons dans un stress permanent (…) Nous n’avons eu aucune instruction de notre base syndicale mais des actions seront très certainement prévues (…)»
Dans ce climat de tension, la colère est manifeste… Cependant, les représentants du secteur à Tétouan -du moins-, estiment que le dialogue pourrait s’instaurer avant que le nouveau Code ne soit définitivement adopté.
Tous pensent que d’autres mesures devraient être adoptées en parallèle, par la sensibilisation de la population. «Comment voulez-vous éviter des incidents lorsque vous devez slalomer à un rond-point avec des personnes portant des enfants, des poules ou tirant un mouton derrière eux, de surcroît ?», criera Saïd Mouna, conscient que c’est la sensibilisation qui doit primer et non la répression….
Le vendredi 10 avril, au matin, une grève avait été programmée. Plusieurs chauffeurs de petits taxis, du moins ceux qui étaient mis au courant, se sont retrouvés à la Place Moulay el-Mehdi espérant que leur voix sera enfin entendue…