Le projet de résolution qui a recueilli 13 voix en faveur, une contre (Etats-Unis) et une abstention (Royaume-Uni) avait été préparé par les Emirats arabes unis après l'invocation sans précédent par Antonio Guterres mercredi de l'article 99 de la Charte des Nations unies permettant au secrétaire général d'attirer l'attention du Conseil sur un dossier qui "pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales".
Mais les Américains, alliés d'Israël qui ont vendredi mis leur veto pour la 35e fois depuis 1970 à une résolution sur le dossier israélo-palestinien (sur 39 au total), ont répété vendredi leur hostilité à un cessez-le-feu.
"Nous ne soutenons pas une résolution qui appelle à un cessez-le-feu non durable qui va simplement planter les graines de la prochaine guerre", a justifié l'ambassadeur américain adjoint Robert Wood. L'ambassadeur israélien à l'ONU Gilad Erdan a remercié les Etats-Unis de "rester fermement à nos côtés", estimant qu'un cessez-le-feu ne serait possible que par la "destruction du Hamas".
"C'est un triste jour dans l'Histoire du Conseil de sécurité", a à l'inverse déploré l'ambassadeur palestinien à l'ONU Riyad Mansour. Mais "nous n'abandonnerons pas". Le projet de résolution, soutenu par près de 100 pays exigeait "un cessez-le-feu humanitaire immédiat", la libération des otages et l'accès humanitaire.
"Alors que la crise à Gaza s'aggrave et qu'elle menace de s'étendre, (le Conseil) ne se montre pas à la hauteur de la mission fondamentale que lui confie la Charte", a déclaré l'ambassadeur français Nicolas de Rivière.
Une déception partagée par de nombreux membres du Conseil. "Nos collègues américains ont devant nos yeux condamné à mort des milliers voire des dizaines de milliers de civils palestiniens et israéliens supplémentaires", a abondé l'ambassadeur russe adjoint à l'ONU Dmitry Polyanskiy.
"En continuant à fournir des armes et une protection diplomatique à Israël qui commet des atrocités (...), les Etats-Unis risquent de se rendre complices de crimes de guerre", a réagi dans un communiqué Louis Charbonneau, de Human Rights Watch.
Malgré le vote du Conseil, Antonio Guterres "reste déterminé à pousser pour un cessez-le-feu humanitaire", a déclaré à l'AFP son porte-parole Stéphane Dujarric. Le secrétaire général avait vendredi matin appelé avec force le Conseil à agir pour éviter l’effondrement total de l'ordre public" dans la bande de Gaza. "Je condamne sans réserve" les attaques du Hamas du 7 octobre, mais "les violences perpétrées par le Hamas ne peuvent en aucun cas justifier la punition collective du peuple palestinien", a-t-il déclaré.
A Washington, les ministres des Affaires étrangères de plusieurs pays arabes et de la Turquie ont appelé aussi à une fin "immédiate" de la guerre. Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, c'est le cinquième projet de résolution rejeté par le Conseil largement divisé depuis des années sur le dossier israélo-Palestinien.
Quatre projets avaient déjà été rejetés dans les semaines suivant le 7 octobre, par faute de voix suffisantes, ou en raison de vetos russe, chinois ou américain. Le Conseil était finalement sorti de son silence mi-novembre, réussissant à adopter une résolution qui appelait à des "pauses et couloirs humanitaires" dans la bande de Gaza, pas à un "cessez-le-feu" ni même une "trêve".
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a dénoncé samedi le Conseil de sécurité des Nations unies devenu selon lui le "Conseil de protection d'Israël", au lendemain du veto américain sur une résolution réclamant un cessez-le-feu à Gaza. "Depuis le 7 octobre, le Conseil de sécurité est devenu un conseil de protection et de défense d'Israël", a dénoncé le chef de l'Etat à l'occasion du 75ème anniversaire de la déclaration des droits humains. "Est-ce ça, la justice?" a lancé M. Erdogan qui a répété une nouvelle fois que "le monde est plus grand que cinq".
"Un autre monde est possible, mais sans l'Amérique. Les Etats-Unis se tiennent au côté d'Israël avec leur argent et leur équipement militaire. Hé, l'Amérique! combien allez-vous payer pour ça?", a encore lancé le président turc. "Chaque jour la Déclaration des droits humains est violée à Gaza", a-t-il continué.