Le sculpteur Chtioui Sahbi: le public apprécie l’idée d’exposer des sculptures en plein air


Propos recueillis par Alain Bouithy
Jeudi 2 Mai 2013

Le sculpteur Chtioui Sahbi: le public apprécie l’idée d’exposer des sculptures en plein air
Une trentaine de sculptures
signées de l’artiste Chtioui Sahbi sont actuellement
exposées, sur une distance
de plus de 300m, à la corniche de Casablanca.
Elles y resteront jusqu’au 10 mai, à la joie des passants
et des touristes qui n’hésitent
pas à immortaliser
ces chefs-d’œuvre de grande
facture. Nous avons rencontré leur auteur


Libé : Une trentaine de vos sculptures trônent depuis peu à la corniche de Casablanca. Comment est né ce projet ? Pourquoi avoir choisi cet espace et pas un autre ?

Sahbi : En réalité, je n’ai boudé aucun autre lieu : j’avais voulu le faire sur la place des Nations unies qui me paraît plus spacieuse, sauf qu’elle est très peu éclairée. N’ayant pas de sponsor, j’ai donc dû me résigner à les exposer à la corniche, vu qu’elles ne seraient pas intéressantes à voir dans le noir. Ici au moins, il y a un peu plus de lumière.

Quel message vos sculptures véhiculent-elles ?

Le message est que l’art est à la portée de tout le monde, pauvre ou riche. A travers cette exposition, j’ai aussi voulu rendre un hommage à ma ville adoptive Casablanca qui m’accueille depuis 32 ans. J’ai pensé le faire maintenant, avant de les exposer en Tunisie en juin prochain.

Combien de temps vous a-t-il fallu pour réaliser toutes ces sculptures ?

C’est difficile à dire d’autant plus que ce sont des œuvres que je réalise au fil du temps, chaque fois que j’en avais envie. En fait, ces sculptures font partie de ma collection privée. C’est le résultat de plusieurs années de travail, de sacrifice, de solitude mais aussi d’amertume. J’y ai vraiment mis toutes mes économies.

Chacune de ces sculptures a un nom et donc une histoire. Peut-on avoir une idée sur certaines d’entre elles ?

Effectivement, les sujets varient d’une sculpture à l’autre. A chaque fois, j’interroge et interpelle les gens afin de les inciter à penser, réfléchir et à se poser des questions. Il y a des sujets tels que « Le voyageur » ou encore « Le train qui ne partira jamais au Caire ». Celui-ci me tient beaucoup à cœur, car il est dommage qu’il n’y ait pas de train allant de Rabat au Caire. C’est donc un défi aux politiciens pour qu’ils démentent cette réalité.

Quel commentaire vous inspire le regard des passants sur vos œuvres ?

C’est extraordinaire de voir comment ils sont intrigués. Certains ont même des yeux en larmes parce qu’ils sont émus ; ils trouvent que c’est très généreux de la part d’un artiste d’exposer en plein air ses sculptures. Mais je dirais que ce n’est pas généreux de ma part, mais un devoir envers les miens : parce que certains n’ont pas de visas et d’autres de moyens pour aller les voir ailleurs. On ne se pose pas de question quand on pense au public, surtout après une longue carrière comme la mienne.

Pourtant, vous donnez l’impression d’un artiste peu satisfait voire déçu  de cette exposition.

Il est vrai que les difficultés ne manquent pas. Je les assume tout comme la solitude que je ressens en ce moment.
Mais ce qui me choque, c’est le fait de ne pas être soutenu par les médias. Aussi, je m’attendais à une inauguration qui n’a pas eu lieu, comme si rien ne s’était passé à la corniche. Ce n’est pas que moi qui en souffle, même le grand public se demande pourquoi on n’en parle pas à la télé, à la radio et dans les journaux.
C’est extraordinaire de voir des jeunes supporteurs qui ont vandalisé des choses et qui, une fois arrivés ici, ont fait des photos en brandissant le drapeau marocain avec toutes mes structures dans le respect.

Avez-vous eu des promesses quand même…

Si, mais rien ne se fait. Je ne blâme personne. Je peux comprendre qu’organiser une telle exposition  n’est pas facile. Sauf que ceux qui ont promis de faire quelque chose ne l’ont pas fait au final.
Pourtant, le Conseil de la ville peut faire quelque chose, mais ils n’ont rien fait: pas de refus, pas d’acceptation non plus. Ce que je veux, c’est une aide morale d’abord. Tout le monde est content, sauf qu’on n’a pas concrétisé le pacte artiste-ville, alors que le pacte artiste-peuple est palpable.

Des projets ?

A mon âge, je ne sais pas si j’aurais encore la force de me lancer dans de nouveaux projets. Ce qui compte pour l’instant, c’est juste ce bonheur de voir, par exemple, un enfant qui tire ses parents pour prendre des photos avec une sculpture. Ou une femme « disant qu’on a voulu aller en France pour visiter le Louvres, mais vous avez apporté plus que le Louvres chez nous».

Dans ce domaine, pouvons-nous dire que les écoles tunisienne et marocaine sont proches ?

Il y a une grande ressemblance, des complémentarités voire un peu de complicité. Dans le domaine de l’art d’aujourd’hui, le Maroc est meilleur sur la scène picturale arabe.

Avez-vous reçu des encouragements d’autres artistes ? Manifestent-ils l’envie de s’y mettre aussi ?

Je l’espère pour eux surtout pour les jeunes. Mon souhait, c’est d’exposer dans les quartiers populaires tels que Sidi Moumen, Sidi Othmane, Hay El Hassani, Hay Mohammadi etc. Tous ces quartiers inspirent. D’ailleurs, une des sculptures exposées s’intitule « Hommage aux enfants de Sidi Moumen ». Je l’ai fait en hommage à tous les enfants de Sidi Moumen qui sont aussi des nôtres, suite au  16 mai noir qu’on a vécu. Mais, la ville de Casablanca mérite un beau catalogue de mes sculptures. 

Le sculpteur Chtioui Sahbi: le public apprécie l’idée d’exposer des sculptures en plein air


Lu 1172 fois

Nouveau commentaire :

Votre avis nous intéresse. Cependant, Libé refusera de diffuser toute forme de message haineux, diffamatoire, calomnieux ou attentatoire à l'honneur et à la vie privée.
Seront immédiatement exclus de notre site, tous propos racistes ou xénophobes, menaces, injures ou autres incitations à la violence.
En toutes circonstances, nous vous recommandons respect et courtoisie. Merci.





services