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Le marécage d'Al Kalâa continue ses ravages : El Jadida tourne le dos à l'écologie


Ahmed Chahid
Mercredi 21 Avril 2010

A l'heure où tout le pays vibre au rythme de l'écologie, cette prise de conscience collective dédiée en hommage à la Journée de la Terre et de l'environnement, ne semble émouvoir que très peu les décideurs de la ville d'El Jadida.
 Certes, la commune urbaine s'est soudainement rappelée que les dizaines de palmiers, mort-nés, et qui sont censés ornementer l'esplanade de la corniche, font tout bonnement figure d'épouvantails, à défaut de s'imposer en tant qu'espace vert et agréable à vivre. Le remplacement de ces tutelles par d'autres palmiers plus frais, quoique appréciable, nous fait beaucoup plus penser à un acte de présence lié à une circonstance bien déterminée, que le plus souvent on signe, sans pour autant adhérer consciencieusement au reste du cours.
 En passant à côté de l'abcès le plus douloureux qui n'arrête pas de tirailler la ville depuis le début des années 90, on peut dire que les responsables d'El Jadida ont une fois de plus raté le coche…une fois de trop.
 Le marécage du quartier Al Kalâa ou le chantier de la honte qui trône au centre d'une ville censée faire du tourisme son cheval de bataille est supposé représenter la priorité des priorités en matière d'actions pour la sauvegarde de l'environnement et partant, la santé de la population locale. Mais honni soit qui mal y pense, la corde écologique est loin d'être titillée par nos politiciens.
 Pourtant, tous les espoirs des habitants de ce « maudit quartier », qui endurent le pire des préjudices depuis près de vingt ans, s‘étaient accrochés au grand élan exprimé de nos jours par les composantes du pays et croyaient fortement que les instances concernées allaient enfin être sensibilisées aux problèmes dont ils souffrent malgré leurs multiples et légitimes manifestations pacifiques.
 Aussi, l'éternelle question que l'on se pose aujourd'hui comme par le passé, c'est de connaître au moins les raisons occultes qui ne cessent de bloquer le règlement d'un dossier sur lequel ont achoppé les tergiversations de cinq présidents municipaux, les promesses de cinq gouverneurs, des centaines de dénonciations par voix de presse écrite, des reportages télévisés, sans compter les correspondances dont ont été saisis tous les départements concernés par la problématique de la santé et l'environnement.
 Pour la petite histoire, rappelons qu'au départ, ce projet inscrit sous le nom de Galerie Al Kalâa, devrait abriter une surface commerciale de trois étages, composée de 166 magasins, deux cafés et huit bureaux, en plus d'un vaste parking en sous-sol. Sa réalisation était prévue dans le cadre d'un partenariat entre une banque de la place, dont la participation devait être de 24.000.000 DH, remboursables en 4 ans, et la municipalité qui devait engager 10.000.000 DH. Le montant global du projet, en tenant compte des études techniques, étant de l'ordre de 50.000.000 DH.
 En date du 30.4.92, l'entreprise qui s'était adjugé le marché, avait entamé ses travaux, après que la banque avait débloqué une première tranche du crédit d'un montant de 4.000.000 DH, suivie par trois autres versements pour atteindre le seuil de 50% du crédit total.
Et c'est à ce stade-là que tout s'est écroulé, alors que les événements se précipitent dans un brouillard absolu. Les tirs croisés entre les différents partenaires n'ont pas été pour arranger les choses.
L'entreprise qui s'est heurtée aux difficultés résultant de la proximité de la nappe phréatique, a arrêté les travaux sous prétexte de l'absence d'études géotechniques, la municipalité renvoie la balle à l'architecte maître d'ouvrage, qui se défend en faisant référence aux livres de chantier. Quant à la banque, elle a préféré arrêter les frais…
 Ainsi donc naquit cette «chose » révoltante, plus connue depuis sous le nom de « marécage d'Al Kalâa », et dont les éternelles victimes sont les citoyens d'El Jadida et plus particulièrement les habitants du quartier Al Kalâa. Ces derniers doivent garder portes et fenêtres fermées à cause de l'invasion des moustiques, leurs habitations sont dangereusement affectées, et les nombreux puits de ce quartier populaire ont été condamnés à la fermeture, suite à des intoxications collectives…
 C'est en septembre 97 que ce monstre mouvant a connu sa première victime, lorsqu'un jeune homme a été retrouvé mort par noyade dans les eaux putrides du marécage d'El Jadida. Cette scène macabre qui a indigné toute la ville, sans pour autant faire bouger les responsables, a failli être suivie par bien d'autres, si ce n'était l'intervention des volontaires du quartier qui ont sauvé d'une mort certaine plusieurs garçons et vieillards, ayant été pris au même piège.
Après vingt ans de revendications infructueuses, El Jadida est contrainte de vivre dans cette situation. L'usure du temps a fini par avoir raison des volontés les plus accrochées. Le marécage d'Al Kalâa fait désormais partie du paysage hideux du centre-ville. Les seules interventions entreprises par les responsables pour stopper cette  calamité, se limitent à la construction d'un muret pour isoler la gangrène, et à des actions sporadiques de pompage.
 Aujourd'hui, cet exemple flagrant de la défection communale en matière de gestion des affaires de la ville, contribue à ternir l'image de marque d'El Jadida. Du côté des décideurs communaux actuels, le citoyen n'a droit qu'à l'immuable réponse qui consiste à dire : « On n'est pas responsable de cet état de fait. Nous n'avons fait qu'hériter de cette situation ».
 Le salut serait-il donc lié au seul espoir que les habitants d'Al Kalâa attendent de cette lame de fond appelée protection de l'environnement que notre pays aura l'honneur d'abriter prochainement ses festivités ?


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