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En bombardant l’Afghanistan les va-t-en guerre du Pentagone peu soucieux de l’Age d’Or et de ses trésors rendirent le Pakistan trop dangereux pour les Européens qui travaillaient à Nessaraq. Juste après leur départ, il y eut dans la région des escarmouches provoquées par des islamistes ou de simples bandits ou des trafiquants de drogue, d’organes ou d’art et il ne fut plus question de la précieuse Stèle des Licornes. Pétrus se partage désormais entre Bruxelles où il enseigne à nouveau et Londres où il donne des cycles de conférences. Roya et Shanti sont plus souvent dans la capitale anglaise où la petite est scolarisée et où habitent ses deux tantes. Elle parle anglais avec sa mère, français avec son père.
Les rumeurs malveillantes, les soupçons d’espionnage reprennent de plus belle. Et cette fois l’accusation peut paraître fondée. Chaque fois qu’un Bush déclare une guerre, Pétrus se trouve dans le pays ou le pays voisin. Donc... A la solde de qui est-il sous couvert de travaux archéologiques ? Et quand ils apprendront qu’il a réussi à déchiffrer l’écriture des Proto-Indiens à partir des photos agrandies de la Stèle des Licornes, de quel déchaînement ses détracteurs ne se montreront-ils pas alors capables ? Mon café fini, je paye, je me lève (aïe mes jambes, aïe mon dos). Dehors sur la Grand-Place, les façades gothiques dans le vent et la grisaille. Je ferme mon blouson, je remonte mon col et me dirige vers la rue de Dinant. Le café a fait son effet, ma démarche s’affermit. Devant l’immeuble de Pétrus, le mystérieux inconnu est toujours là, il lit ou feint de lire un journal flamand «Het laatste Niews» ? D’un air dégagé j’entre comme si je ne l’avais pas vu. Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu ne dors plus ? Je ne t’ai jamais vu aussi fatigué. Hier de Manosque à Bruxelles. L’hôpital gériatrique avec mes parents. Aïe aïe aïe ! Tu vas me raconter ça. Le repas est presque prêt. Je termine à la cuisine. Mais reste à l’entrée. C’est un peu encombré, tu vois.
L’appartement de Pétrus est avant tout une bibliothèque. Les livres envahissent toutes les pièces, tapissent les murs, s’empilent sur les tables, les chaises, les fauteuils. Les écritures rondes du tamoul, du malayalam, du telugu à côté d’ouvrages en sanscrit ou en urdu. Et d’autres en français, anglais, italien, espagnol, néerlandais. Dans la plus grande pièce, son bureau, trône, plus haute que l’ordinateur, une photo de Roya et Shanti. Plus loin une reproduction du roi-prêtre et d’un protoShiva en lotus semblant indiquer que le yoga existait déjà trois millénaires avant Jésus-Christ. Les tentures orange ensoleillent l’appartement. La cuisine, inaccessible tant elle est encombrée, me confirme que la ménage et la vaisselle ne sont pas des priorités pour Pétrus. Qui s’avance vers moi, vêtu de blanc, souple comme un félin archéologue, et me serre dans ses bras. Je sens ses muscles vigoureux contre les miens ramollis. J’ai devant moi un homme de taille moyenne aux grandes mains solides de chercheur de trésors, au front dégarni, au visage mince sculpté par le vent des déserts et de la Mer du Nord. Et des yeux d’enfant qui n’a pas fini de s’étonner de toutes les merveilles du monde. Je sais que je ne dois pas rêver à un repas comme je les aime avec viande, vin, fromage et dessert. Petrus, non buveur, végétarien, oublie souvent mes penchants peu diététiques. Nous mangeons donc du riz, des légumes et des fruits. Excellent : Je sentirai moins la fatigue cet après-midi.
Il y a un homme qui te suit dans la rue. Tu le sais?
- Bien sûr. Protection rapprochée. Les services de police prennent très au sérieux les menaces anonymes qu’on m’envoie par mail ou par lettre.
- «on»?
- Aucune idée. Je ne sais pas qui ça peut être
- Tu n’as pas peur ?
- Pas pour moi. Mon côté oriental, fataliste. Mais je suis soulagé que Shanti et Roya soient à Londres. Ce sera bien pire quand je publierai ma traduction de la Stèle des Licornes. Je m’attends à toutes sortes d’accusations. Mais parlons de toi. Ton air épuisé. Ne me dis pas que tu as fait d’une traite Manosque Bruxelles avec tes parents?
- Il le fallait bien. Je ne pouvais pas m’arrêter en route. Je m’occupe d’eux depuis deux semaines, un peu aidé par Odile et par ma sœur. Et hier le grand départ. Je te passe la scène d’arrachement de ma mère à sa maison. J’en tremble encore quand j’y repense. - Mais pourquoi ne les mets-tu pas directement en maison de retraite ?
- J’attends une place. Il y a très peu d’appartements pour couples. En général le mari est mort depuis longtemps. Je reprends des poivrons, de l’eau pétillante avec citron qui ici fait office de champagne.
- Tu dois être complètement éreinté...
(A suivre)